Tanguy Goretti
Interview

Tanguy Goretti: « Nous avons une histoire et une culture du vélo très forte »

15.09.2022
par Bastien Craninx

D’où vous est venue l’idée à l’origine de la production de votre tout premier vélo électrique en 2018 ?

A l’époque, les vélos électriques étaient généralement destinés aux cinquantenaires et aux personnes âgées. Le produit final n’était pas très attractif et le design était très sommaire. En fait, jusque-là, les marques traditionnelles se chargeaient de créer le cadre du vélo et achetaient les éléments électriques à des enseignes actives dans ce domaine. Résultat : aucun élément n’était correctement intégré au cycle, ce qui leur donnait cette allure de vélo frankenstein, dit Tanguy Goretti.

Le design a donc été un élément clé pour Cowboy

Tout à fait ! Pas seulement pour le vélo, mais également pour tout ce qui tournait autour, comme nos magasins. Apple et Tesla l’avaient déjà bien compris avant nous. Et nous nous sommes fortement inspirés de leur philosophie. Nous voulions démocratiser l’accès au vélo électrique, le rendre sexy, attirant, et répondre aux exigences des consommateurs. L’idée était de tout miser sur l’extrême simplicité : pas de boutons, pas de niveau d’assistance, pas de vitesses. Tout devait être automatique. 

Pourquoi le vélo électrique a-t il tellement le vent en poupe selon vous ?

Je crois qu’il y a plusieurs choses qui ont contribué à cette popularité. C’est tout d’abord un moyen de transport plus rapide, moins cher et plus efficace pour se déplacer en ville. Il y a également eu une éducation massive du marché grâce à d’autres produits du même genre, comme les trottinettes et les vélos en libre service. Pour quelques euros, chacun pouvait découvrir ce type de transport. Mais il ne faut pas non plus oublier le rôle qu’ont joué les pouvoirs publics dans certaines villes ou régions. C’est bien simple : tout se concentre sur le développement de l’infrastructure cyclable ! À partir du moment où des investissements sont réalisés dans ce sens, l’engouement pour le vélo prend de l’ampleur. On l’a vu à Paris avec les mesures prises par Anne Hidalgo. Le tout est d’arriver à se sentir en sécurité. Et ce sont surtout les femmes pour qui ce point est capital. Il a été démontré qu’elles se sentaient moins en sécurité sans pistes cyclables. La pandémie a d’ailleurs été très révélatrice à ce niveau. Pas moins de 40% des femmes ont démarré une activité cyclable aux États-Unis grâce aux “coronalanes”, des pistes sécurisées et séparées du reste de la route.  raconte Tanguy Goretti.

Les gens sous-évaluent généralement le coût d’une voiture. Pourtant, on parle de près de 400 euros par mois en termes de coût total.

Et qu’en est-il de la Belgique ? Est-elle un bon élève en termes d’accessibilité ? 

Si on se compare au reste de l’Union européenne, nous n’avons pas à rougir. Nous avons une culture du vélo bien ancrée et une histoire du vélo très forte. Mais il faut bien reconnaître qu’il existe des disparités entre la Wallonie, la Flandre et Bruxelles. Pour rééquilibrer cette situation, il faut miser sur les infrastructures plus que sur les subsides alloués à l’achat d’un vélo. Cela ne coûte rien de construire des pistes cyclables. Il suffit de reconvertir des bandes de circulation destinées aux voitures. L’exemple de Copenhague est très parlant à ce niveau : beaucoup de quartiers ont purement et simplement été interdits aux voitures, tandis que des micro centres y ont été créés. Ils ont permis aux riverains d’avoir tout à proximité de chez eux. Il y a donc encore des évolutions à apporter. Mais il faut des décisions courageuses de la part du politique. 

Le vélo électrique est-il une bonne alternative à la flambée des prix de l’énergie ?

Indépendamment de la situation que nous vivons actuellement, ce type de transport a toujours été un investissement rentable. Même si vous investissez 2700 euros dans votre vélo, ce dernier s’insère parfaitement dans votre budget mobilité. Et son coût sera ventilé sur plusieurs années. À contrario, une voiture signifie des taxes, une assurance et des entretiens fréquents et coûteux. Les gens sous-évaluent généralement le coût d’une voiture. Pourtant, on parle de près de 400 euros par mois en termes de coût total. Et cela c’était avant la hausse des prix de l’énergie. Alors imaginez maintenant ! explique Tanguy Goretti.

Tanguy Goretti

N’y-a-t-il pas, cependant, moyen de diminuer le prix d’un tel engin ?

Si bien sûr ! Pour cela, il faut proposer des vélos circulaires. L’idée est de reconditionner et de revendre des vélos à prix moins élevés avec des pièces d’occasion. Mais dans les prochaines années, il faut également s’attendre à certains bouleversements en termes d’automatisation des chaînes d’assemblage. À l’heure actuelle, 99 % des cadres de vélo sont soudés à la main. Cela n’a pas changé depuis 50 ans. Lorsque le contexte macroéconomique sera plus favorable, l’industrie automobile cherchera à se réinventer et elle risque de se pencher sur le potentiel qu’offre le vélo électrique. Les coûts de production grâce à cette automatisation s’en verront considérablement réduits. dit Tanguy Goretti.

Quelles sont les autres avancées en vue en termes d’innovation et de mobilité douce dans les prochaines années ?

Beaucoup de choses intéressantes se profilent, comme des caméras embarquées sur les véhicules. Ce qui permettra aux acteurs de micro mobilité de diminuer le vandalisme que subissent leurs engins. L’intelligence artificielle intégrée à ceux-ci va également permettre une diminution des nuisances en ville. En termes de parking, par exemple. Il faut aussi s’attendre à voir des trottinettes se déplacer de manière autonome lorsqu’on les commandera à distance. Enfin, le last mile delivery va également connaître une évolution. Les vélos autonomes vont voir le jour et permettre des livraisons automatisées. 

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Quelle est la personne qui vous a le plus inspiré ?

Sans hésiter : ma maman. Parce qu’elle m’a appris à faire confiance dans le processus et dans la valeur du travail. Elle l’a demontré elle-même, dans sa carrière personnelle. Elle a toujours eu cette idée en tête qu’à force de travail, on arrive à tout surpasser. Si la stratégie qu’on met en place est bonne, il n’y a aucune raison qu’on ne parvienne pas à ses fins, même si cela prend du temps.

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