Santé

L’intelligence artificielle ne doit pas mettre les questions éthiques de côté

07.03.2024
par Thibaut Van Hoof

L’intelligence artificielle amène toute une série de possibilités dans le domaine médical. Mais comment s’assurer qu’elle ne nous veut que du bien ? On fait le point sur les limites légales et les questions liées à la bioéthique.

De meilleures analyses, de meilleurs diagnostics et ainsi de meilleurs traitements. Mais cela n’ira pas sans le partage des données des patients récoltées dans les hôpitaux et cabinets médicaux. Quid de la protection des données et des questions éthiques liées aux évolutions technologiques ? Car on ne peut pas tout faire sous couvert de l’évolution technologique.

Avancées technologiques et enjeux juridiques

Aujourd’hui, on peut dire que les avancées juridiques ne vont pas à la même vitesse que les avancées techniques. Mais cela ne veut pas dire que rien n’avance et qu’il ne s’agit pas d’une préoccupation. « L’intelligence artificielle, c’est vraiment l’acteur de demain dans les soins de santé. », assure Émeraude Camberlin, avocate spécialisée en droit de la santé et nouvelles technologies. « Depuis plusieurs années, la Belgique se positionne comme un leader en matière de e-santé, c’est même une volonté politique claire de la part du gouvernement. Des technologies s’installent dans les hôpitaux, et on va de plus en plus vers une médecine prédictive. Face à ces mutations, on fait face à de nombreux défis. Évidemment, on ne peut pas passer à côté des risques au niveau éthique, car les avancées vont plus vite que le cadre juridique. En ce sens, l’accord obtenu fin 2023 au niveau européen va dans le bon sens, puisqu’il veille à instaurer un règlement européen autour de l’intelligence artificielle, en plus de la loi bien connue sur la protection des données. »

Par ailleurs, il est nécessaire d’anticiper les questions liées à la responsabilité en cas de problème médical lié à l’IA. « S’il devait y avoir une erreur médicale suite à un traitement proposé par l’intelligence artificielle, qui est responsable ? Le médecin ? L’intelligence artificielle ? Le créateur de l’algorithme ? », s’interroge Émeraude Camberlin. « Il y a aussi le principe fondamental du consentement éclairé du patient qui doit être informé des différentes utilisations de l’intelligence artificielle dans son traitement. Et puis, il ne faut pas oublier la question de la formation des soignants. Il faut comprendre tous ces facteurs et risques éthiques pour maintenir la confiance des patients. En résumé, il y a des risques juridiques, organisationnels et éthiques sur lesquels nous sommes attentifs et nous n’avons encore que peu de recul sur la pratique sur le terrain. »

La collecte des données médicales doit toujours être faite dans l’intérêt de la santé du patient.

- Christian Melot, Vice-Président de l’Ordre des Médecins

L’Ordre des Médecins garant de la confidentialité des données

Du côté de l’Ordre des Médecins, on est évidemment à l’écoute de toutes ces questions. « Notre rôle est de s’occuper de la déontologie des médecins, et c’est donc le cas pour les données sensibles. », commente le professeur Christian Melot, vice-président de l’Ordre des Médecins. « Il faut assurer une protection absolue du secret médical et ne fournir des données “en clair” qu’au patient. Le RGPD encadre déjà une partie de ces questions, et l’Ordre peut donner des avis sur ces nouveaux modes de fonctionnement. »

Car il y a bien sûr des avantages à collecter les données des patients. « Pour le cancer du sein, on dispose aujourd’hui d’une base de données de 2 millions de patients, et cela permet d’avoir des informations sur les similitudes avec tous les malades à travers le monde et les traitements disponibles. Il faut rappeler également que chaque hôpital fonctionne aujourd’hui avec un DPO (Délégué à la protection des données) qui doit donner son avis et son accord sur les projets de recherche. La collecte des données médicales doit toujours être faite dans l’intérêt de la santé du patient. »

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