eau potable
Energie

Le futur de l’eau potable : La quête de l’or bleu

07.12.2023
par Bavo Boutsen

Alors que nous réfléchissons à la façon de mieux gérer des ressources en eau devenues de plus en plus rares, il existe déjà de nombreuses régions désertiques dans le monde où il n’y a que peu ou plus d’eau potable. Les scientifiques y développent des méthodes de « fabrication » de l’eau alliant créativité et connaissances scientifiques très pointues. Nous vous présentons ici quatre de ces « faiseurs d’eau ».

eau potableDrones d’ensemencement des nuages

L’ensemencement des nuages consiste à créer artificiellement de la pluie en appliquant des mini décharges électriques aux nuages existants. Les gouttelettes d’eau se collent alors les unes aux autres, ce qui les rend plus lourdes et les fait tomber. Les premières expériences de cette technique remontent à l’entre-deux-guerres mais cette méthode est devenue de plus en plus courante ces dernières années. La Chine l’a par exemple utilisée pendant les Jeux olympiques de 2008, afin de garantir un temps sec. Des avancées majeures ont été réalisées dans ce domaine ces dernières années, notamment sous l’impulsion du Centre national de météorologie des Émirats arabes unis, à l’origine du United Arab Emirates Research Program for Rain Enhancement Science (UAEREP), une initiative de recherche mondiale soutenant des projets de recherche prometteurs sur la création de pluie. Grâce aux technologies intelligentes de détection et de surveillance de l’environnement par le biais de caméras spécialisées et d’images de télédétection, l’ensemencement peut aujourd’hui être effectué à partir de drones ou d’aéronefs. Cela permet à la fois de réduire le coût et d’améliorer la capacité à estimer quels nuages peuvent potentiellement être utilisés pour ce processus, ce qui renforcer l’efficacité de cette technique. Au vu du succès des premiers prototypes, la poursuite du déploiement de cette application par drone est en cours.

eau potableS.A.W.E.R.

Deux conteneurs. L’un est équipé d’une unité qui absorbe l’eau de l’air (sec) en extrayant les molécules d’eau pour ensuite les restituer à de plus petites quantités d’air à des températures élevées, augmentant ainsi l’humidité qui se condense sous forme d’eau. Ce même conteneur comprend un réservoir d’eau et une station d’épuration pour purifier l’eau et la rendre potable. En complément, le second conteneur abrite une batterie qui stocke l’énergie — produite par les panneaux solaires situés sur le toit des deux conteneurs — pour faire fonctionner l’installation. Tels sont les éléments constitutifs de l’installation Solar Air Water Earth Resources (S.A.W.E.R.). Développée par une équipe de scientifiques de l’Université technique tchèque de Prague et de l’Institut botanique de l’Académie tchèque des sciences, cette unité a été présentée au grand public lors de l’Expo 2020, l’exposition universelle de Dubaï qui s’est déroulée entre 2021 et 2022. L’installation, qui a fait naître une oasis de verdure dans le jardin du pavillon tchèque, y a remporté le prix de la meilleure innovation. Comme l’installation fonctionne de manière totalement autonome et donc sans source d’énergie externe, elle est également très mobile. Après des essais dans le Sahara, le troisième prototype a été testé avec succès dans l’arrière-pays australien au début de cette année. L’installation est capable de produire jusqu’à 100 litres d’eau potable par jour, même dans les zones désertiques où l’air est très sec. Les développeurs réfléchissent encore aux partenaires commerciaux qui obtiendront la licence de vente.

désalinisationDésalinisation

La manière la plus évidente de produire de l’eau potable consiste probablement à purifier l’eau de mer à l’aide de machines de désalinisation. Ce processus peut être réalisé de différentes manières, mais il reste aujourd’hui très gourmand en énergie et donc en coûts. Néanmoins, un certain nombre de pays tirent pleinement parti de cette technique. Plus de 21 000 usines de désalinisation sont déjà en service dans le monde. Les plus grandes se trouvant — sans surprise — au Moyen-Orient. En Arabie saoudite, par exemple, où ce processus est responsable de plus de 70 % de l’approvisionnement en eau, c’est de loin la source la plus importante de production d’eau. Ce que l’on sait moins, c’est que notre pays est en train de construire une usine pilote pour purifier l’eau de la mer du Nord et la transformer en eau potable. Ce projet, qui utilise la technologie CCRO, est le fruit d’une collaboration entre les compagnies des eaux Aquaduin, De Watergroep et Farys. Cela consiste à pomper l’eau sous très haute pression à travers un filtre constitué d’ouvertures microscopiques, ne laissant passer que les molécules d’eau pure. Ce centre de production d’eau devrait être pleinement opérationnel d’ici 2025 et pourra fournir de l’eau potable à plus de 30 000 ménages. Ce qui fera de la Flandre la première région de la mer du Nord à l’exploiter comme source d’eau potable. Cette innovation se trouve au complexe d’écluses de Ganzenpoot sur l’estuaire de l’Yzer à Nieuwpoort, un lieu qui restera à jamais lié à la Première Guerre mondiale.

futurMOF-303

Les réseaux métallo-organiques (Metal Organic Frameworks ou MOF) sont des matériaux hybrides composés d’ions métalliques et de molécules organiques qui maintiennent ces métaux ensemble. Même si ceux qui ne s’intéressent pas particulièrement à la chimie n’en ont peut-être jamais entendu parler, ce type de matériaux pourrait devenir très important dans notre environnement de vie à l’avenir. Certains prédisent qu’ils pourraient bien devenir le « plastique du 21e siècle ». En effet, ces matériaux synthétiques, qui peuvent être fabriqués à partir de n’importe quel groupe de métaux, sont très réactifs et agissent comme une éponge. Ils peuvent donc être utilisés pour absorber les substances présentes dans leur environnement. Omar Yaghi, le chimiste américain qui a réussi à fabriquer les premiers MOF stables en 1995, se concentre depuis quelques années sur les MOF-303 avec son équipe de recherche de l’université de Berkeley. Cette forme particulière peut stocker les molécules d’eau présentes dans l’air, même dans les régions les plus arides du monde. Lorsqu’il est chauffé, le matériau restitue ces molécules sous forme d’eau liquide sans laisser de résidus, ce qui rend l’eau parfaitement potable. Ces dernières années, la recherche sur les MOF-303 a reçu le soutien financier de l’appareil de défense américain, qui y voit un moyen de fournir de l’eau aux unités itinérantes de l’armée. De ces recherches est née en 2018 la spin-off Water Harvester Inc., qui vise à rendre ce procédé complexe et coûteux accessible à l’échelle mondiale.

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