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Energie

Le grand virage vert de l’aviation et du maritime

07.12.2023
par Bastien Craninx

L’industrie de l’aviation et du transport maritime s’engage dans une transition vers des pratiques plus vertes et durables. Électrification, hydrogène et carburants biorenouvelables : de réelles solutions qui nécessitent plus de temps et d’ambition.

La question de la durabilité de l’aviation et du transport maritime est un sujet brûlant. Et, pour cause, ces deux secteurs industriels sont de grands émetteurs de gaz à effet de serre. Selon le calendrier de l’Accord de Paris, des solutions 100 % décarbonées pour ces types de transport sont envisagées pour 2050. Pourtant, certains experts sont plutôt sceptiques. C’est le cas d’Olivier Neyrinck, directeur technique de la Brafco. « Soyons réalistes, le challenge ne pourra malheureusement pas être entièrement tenu, mais il a l’avantage d’exister et de pousser la technologie en avant. »

Innovations technologiques et carburants alternatifs

En matière de technologie justement, les attentes se focalisent principalement sur le type de carburant. Trois solutions semblent retenir l’attention, certaines étant plus réalistes que d’autres : électrification, biocarburant et hydrogène. L’électrification, par exemple, semble particulièrement utopique pour les avions et les bateaux. Et ce, en raison des limites actuelles de la technologie des batteries. « Le carburant représente 40 % de la masse d’un avion long-courrier traditionnel au décollage. La densité énergétique d’un appareil électrique serait telle qu’il ne transporterait que des batteries. », souligne Francesco Contino, professeur spécialisé en énergie à l’UCLouvain. En termes d’efficacité, on repassera. L’hydrogène, par contre, serait une solution à envisager. « L’hydrogène peut être produit par électrolyse, donc de manière abondante. Il est également stockable. Seul problème : il prend encore beaucoup de place. »

Les espoirs se posent plus sérieusement sur les carburants de synthèse. Dérivés de la biomasse et issus de sources végétales ou animales, ils pourraient offrir entre 80 % et 90 % de réduction de gaz à effet de serre. Attention toutefois : certains carburants de synthèse n’offrent aucun gain, et peuvent même avoir un impact négatif. Certaines initiatives prometteuses montrent d’ailleurs l’exemple. « L’aéroport du Luxembourg fait déjà rouler l’ensemble de ses véhicules de tarmac au HVO, l’huile végétale hydrotraitée », explique Olivier Neyrinck. « Et depuis le mois de juin dernier, la compagnie aérienne Cargolux fait également voler sa flotte au HVO. » Neste, une société finlandaise spécialisée dans le raffinage, partenaire du projet, se pose d’ailleurs en porte-drapeau de cette solution à l’échelle mondiale. Solution que commencent à envisager quelques grands groupes pétroliers comme Total (qui a dédié sa raffinerie de Marseille à la production de HVO), ou encore Exxon Mobil.

Le carburant représente 40% de la masse d’un avion long-courrier traditionnel au décollage.

- Francesco Contino, Professeur spécialisé en énergie UCLouvain

Obstacles à l’horizon

Malheureusement, ces exemples concrets se comptent encore sur les doigts d’une main. La faute à une frilosité politique, estime Olivier Neyrinck. « Ce qui manque à la Belgique et à l’Europe, c’est une vision et une vitesse d’approche communes sur la question du biorenouvelable ». Cela constituerait une première étape qui permettrait de faire front devant d’autres puissances mondiales comme la Chine. « Imaginez un porte-conteneurs quittant les côtes européennes grâce au biocarburant. Que fera-t-il à sec de l’autre côté de la planète si un consensus mondial n’a pas été trouvé ? » Un constat qui s’applique également au domaine aérien.

Selon Francesco Contino, une idée concrète pour entamer ce processus de décarbonisation serait alors de taxer le carburant des secteurs aéronautique et maritime. « Selon les accords de Chicago de 1944, qui interdisent toute taxe sur le carburant aérien, une telle taxe serait révolutionnaire. » Pour lui, LA solution serait certainement de changer complètement notre paradigme économique en limitant la croissance économique et donc les transports. Mais sommes-nous vraiment prêts à franchir le pas ?

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