Interview par Caroline Beauvois

Grégoire Dallemagne : « L’avenir de l’énergie repose sur l’électrification »

Grégoire Dallemagne, CEO de Luminus, prend le parti de l’action pour répondre aux défis énergétiques d’aujourd’hui et de demain. Il nous dévoile les stratégies dans lesquelles le producteur d’électricité et fournisseur d’énergie a décidé de s’engager.

Quelle est la stratégie de Luminus face aux défis énergétiques actuels ?

« Face à la crise énergétique, climatique et géopolitique, notre stratégie est de réduire la consommation d’énergie fossile. Nous encourageons nos clients à faire preuve de sobriété, nous leur proposons des services d’efficacité énergétique et visons l’électrification des usages qui peuvent l’être, ce qui permet de réduire la consommation d’énergie, mais en plus de la décarboner. L’avenir de l’énergie repose sur l’électrification, comme le remplacement des véhicules à essence par des électriques et l’usage de pompes à chaleur au lieu de chaudières traditionnelles. Nous allons continuer nos efforts pour développer toujours plus d’énergie renouvelable. C’est un impératif pour construire ce monde neutre en CO2 auquel nous aspirons. Par ailleurs, nous continuons à investir dans nos centrales électriques au gaz naturel. Nous sommes en train d’en développer une nouvelle à Seraing. Ces centrales au gaz naturel sont essentielles pour compenser le caractère intermittent des énergies renouvelables. Il est plus efficace et plus respectueux de l’environnement d’alimenter des voitures électriques et des pompes à chaleur avec l’électricité qui provient d’une centrale au gaz performante que de brûler directement du gaz ou du carburant dans des chaudières et des voitures thermiques. »

Vous venez d’évoquer l’intermittence des énergies renouvelables. Comment la gérer ?

« L’intermittence des énergies renouvelables est un défi. La première difficulté c’est que les panneaux solaires produisent typiquement de l’électricité lorsqu’il y a du soleil, mais par design ce n’est jamais le cas le soir en hiver, alors que la pointe de la demande d’électricité et d’énergie est bien à ce moment-là. La deuxième difficulté, c’est que nous traversons chaque année des périodes de plusieurs semaines en hiver sans ensoleillement ni vent, comme nous avons connu ces dernières semaines. Ces périodes sont qualifiées du nom horrible de “Dunkeflaute”, qui se traduit par “dépression sombre”. Nous allons devoir nous habituer à adapter notre consommation au moment de la production, avec des solutions de stockage ou d’ajustement de la demande, via les batteries domestiques et la domotique, pour utiliser l’électricité de manière plus efficace. Par contre, aujourd’hui, nous n’avons pas encore de solution pour le stockage intersaisonnier. Pour les périodes sans soleil ni vent, nous devons miser sur un mix électrique diversifié incluant des centrales nucléaires ou au gaz en complément aux énergies renouvelables. »

L'intermittence des énergies renouvelables est un défi.

Nous arrivons en hiver… Quelles sont vos prévisions pour les tendances du marché de l’énergie sur le court-moyen terme ?

« Aujourd’hui, nous observons des stocks de gaz qui sont bien remplis en Europe. Suite à la crise de 2022, les différents états membres ont eu à cœur de remplir leurs stocks de gaz. C’est plutôt de bon augure pour l’hiver qui arrive. Mais, nous avons deux guerres aux portes de l’Europe, en Ukraine et au Moyen-Orient. Ces deux conflits sont de nature à créer des risques sur les marchés du gaz. Nous ne pouvons donc pas encore exclure des éléments exogènes qui viendraient créer une forte volatilité sur les cours du gaz ou les cours du pétrole. Face à ces risques, la meilleure stratégie continue d’être la réduction de la consommation totale d’énergie fossile en faisant preuve de sobriété, et c’est le travail de chacune et chacun d’entre nous. »

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Selon les projections, notre consommation d’électricité va tripler d’ici 2050. Comment répondre à cette hausse ?

« Pour y répondre, il faut redoubler le développement des énergies renouvelables. Mais nous constatons, avec les autres développeurs, que de nombreux projets sont bloqués dans des recours au Conseil d’État. Si on fait le bilan aujourd’hui, nous avons environ 1 Gigawatt d’énergie éolienne bloqué dans des recours divers, soit l’équivalent d’une centrale nucléaire. Si nous voulons augmenter rapidement la capacité renouvelable, nous pensons qu’il est important de trouver un moyen au niveau de l’état de faciliter les procédures d’octroi de permis et de raccourcir le temps de traitement des recours. Deuxièmement, pour produire assez d’électricité et pour assurer la sécurité d’approvisionnement, nous pensons qu’il faut un mix électrique diversifié, de manière à produire suffisamment d’électricité au bon moment, avec le moins d’émissions de CO2 possible et le coût total du système le plus bas possible. »

Enfin, êtes-vous optimiste quant à l’avenir énergétique ?

« Je suis un grand optimiste, mais ce n’est pas un optimisme béat, c’est un optimisme qui nourrit l’action et qui est rempli de détermination. Il existe aujourd’hui de nombreuses solutions pour réduire de manière extrêmement significative les émissions de CO2. Nous devons juste les déployer. La bonne nouvelle, c’est que la plupart des technologies existent et que nous avons le savoir-faire pour les mettre en œuvre. »

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Quelle personnalité vous inspire ?

« Il y en a plusieurs ! Nous avons d’ailleurs eu le plaisir d’en accueillir chez Luminus pour inspirer toutes nos équipes. Tout d’abord, il y a Jane Goodall, la célèbre primatologue. Avec son association, nous avons planté à ce jour près de 4 millions d’arbres en Belgique et en Afrique. Bertrand Piccard qui a fait le tour du monde en avion solaire, sans une seule goutte de carburant. Il est venu nous expliquer son esprit d’aventurier, de pionnier. Matthieu Ricard, qui est parfois décrit comme l’homme le plus heureux du monde, est venu nous expliquer comment prendre soin de soi pour pouvoir prendre soin des autres et des générations futures. Ces quelques personnalités m’ont beaucoup marqué. »

07.12.2023
par Caroline Beauvois
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