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La nouvelle relation de travail au sein des entreprises

26.05.2022
par Bastien Craninx

La fuite de nouveaux talents vers de nouvelles opportunités de carrière est un sujet qui fait frémir les CEO dans tous les secteurs. Pourtant, ces derniers vont devoir faire face à de nouvelles exigences de travail : le modèle freelance gagne du terrain. 

Tordons tout de suite le coup à de bons vieux clichés. Non, le changement de génération n’a rien à voir avec un changement des attentes professionnelles. “La plupart des études sur les millenials pâtissent d’un biais méthodologique”, explique François Pichault, professeur en gestion des ressources humaines à l’ULiège. “Ces études se concentrent uniquement sur cette tranche générationnelle et oublient complètement les autres”. En effet, toutes les générations ont les mêmes attentes : “une bonne atmosphère de travail ou encore une bonne balance vie privée / vie professionnelle”, explique Joris Vandersteene, Senior Manager HR Projects à la FEB.

Une évolution sociétale majeure se fait malgré tout sentir à travers les générations actuelles et prend de plus en plus d’ampleur depuis la crise sanitaire : la question du sens. “Beaucoup de travailleurs, surtout les plus talentueux, ont fait face au stress et ont progressivement pris de la distance par rapport à leur boulot”, poursuit le professeur de l’ULiège. “Ils commencent à se poser des questions sur leur vie”. Aux USA, ce phénomène a atteint son paroxysme en prenant le nom de “Grande Démission” : de nombreux employés remettent leur démission pour faire radicalement autre chose de leur vie. Et ce, alors que leur place au sein de leur entreprise est ultra sécurisée. Chez nous, si la “Grande Démission” n’est pas encore à l’ordre du jour, les comportements s’adaptent et le phénomène se traduit par la croissance de l’entrepreneuriat. 

Beaucoup de travailleurs, surtout les plus talentueux, ont fait face au stress et ont progressivement pris de la distance par rapport à leur boulot.

- François Pichault, professeur en gestion des ressources humaines (ULiège)

Au sein des entreprises, l’évolution de carrière va se caractériser via le travail par projets. Surtout dans les secteurs qualifiés : IT, ingénierie, management ou encore marketing. Selon François Pichault, il faut s’attendre à ce que les collaborateurs restent dans l’entreprise durant un an ou deux pour ensuite aller voir ailleurs. “L’idée sous-jacente est très claire. Il s’agit de s’orienter dans un projet professionnel qu’on maîtrise sans relation employeur-employé, ni besoin de rendre des comptes”. Si dans les faits, ce type de carrière nomade n’est pas encore généralisée, n’atteignant que 10-15% de la force de travail globale, elle mérite sérieusement que l’on s’y attarde. “Dans un futur proche, le sujet ne sera plus “comment éviter la perte de profils?” mais “comment parvenir à une équation gagnante-gagnante dans une relation de courte durée?””, explique François Pichault. 

Mais dans ce schéma, que deviennent alors les formations et les projets sociaux développés au sein de l’entreprise ? “Si l’on veut mettre en place la durabilité, l’implication des collaborateurs est cruciale. L’employé doit être fier de s’impliquer dans l’entreprise”, explique Joris Vandersteene. Les projets sociaux ont donc plus que jamais leur place dans la recherche de sens des collaborateurs. “On voit aussi se développer chez eux la quête d’une culture plus familiale”, poursuit François Pichault. “Les talents cherchent aujourd’hui plus l’ancrage local que multinational”.

Quant aux formations, elles restent toujours la pierre angulaire dans le développement des compétences de chaque collaborateur. “Mais elles doivent être adaptées à chacun selon ses besoins”, précise Joris Vandersteene. Encore faut-il savoir comment les adapter aux nouveaux profils freelances de l’entreprise. “De nombreuses entreprises sont aujourd’hui conduites à surfer sur les questions légales pour éviter que leurs initiatives en matière de formation des freelances ne soient requalifiées par un juge en relation d’emploi salarié ”, conclut François Pichault. “Il n’en reste pas moins que les questions de formation sont primordiales”. Chers CEO, vous voilà prévénus !

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