Interview par Morgane Mignolet

Nabila Farhat : « Nous devons nous assurer que l’ensemble des évolutions technologiques soient développées dans un environnement sécurisé. »

Nommée Young ICT Lady of the Year 2023, Nabila Farhat s’épanouit dans le secteur IT depuis près de 12 ans. Une carrière qui, de prime abord, ne lui était pas forcément destinée. Diplômée d’HEC Liège, c’est un peu par hasard qu’elle a découvert le domaine de l’informatique et des nouvelles technologies. Retour sur son parcours et sa place de femme dans un secteur majoritairement masculin.

Vous possédez un master en gestion mais n’aviez pas pour ambition de travailler un jour dans le secteur IT. Comment en êtes-vous arrivé là ? 

« En réalité, j’ai fait des études d’ingénieure commerciale à HEC car j’ignorais ce que je voulais faire comme métier et que je savais par contre que le cursus allait être relativement varié et ouvrait beaucoup de portes. C’est lors d’un forum pour l’emploi organisé au sein de mon école que j’ai appris ce qu’était la consultance et que j’ai obtenu mon premier travail : celui de tester dans le secteur de l’IT. Puis, petit à petit, j’ai évolué et tenu des rôles qui se rapprochaient de plus en plus de l’IT. J’ai donc été test manager, analyste, project manager, change manager et aujourd’hui, je suis account manager. »

Votre expertise actuelle provient alors des différents rôles que vous avez assumés ?

« Tout à fait. À un moment de ma carrière, je me suis demandé si le fait d’avoir touché à tout de cette manière, sans être véritablement spécialisée dans un domaine en particulier, n’allait pas jouer en ma défaveur. Aujourd’hui, je réalise au contraire que ces expériences m’ont permis d’avoir une vue plus globale dans ce domaine et de prendre certaines responsabilités. C’est d’ailleurs grâce à cela que j’assume aujourd’hui un rôle plus commercial avec mon poste d’account manager. Ma mission première est d’aider mes clients dans leurs défis et leurs projets afin qu’ils évoluent. Sans mes expériences passées, je n’y serais pas arrivée de la même manière. »

Cette récompense prouve qu’il est possible de réussir une belle carrière dans l’IT en étant une femme.

Et votre prochain rôle, quel sera-t-il ? 

« Je n’ai jamais vraiment eu de plan de carrière. Mon véritable et seul moteur est de continuer d’apprendre et d’évoluer au quotidien. J’ai toujours fonctionné au jour le jour en analysant mon parcours et mes envies le moment venu. Quand j’estime que je me sens suffisamment dans ma zone de confort, je vogue vers une position plus challengeante. Dans mon rôle actuel, je sens que j’ai encore des choses à apprendre et que je dois continuer d’évoluer.  Que me réserve le futur ? C’est une bonne question, dont je n’ai pas la réponse à l’heure actuelle. »

À votre avis, à quoi ressemblera l’IT de demain ?

« Dans le secteur, tout évolue très vite, notamment avec l’arrivée de l’intelligence artificielle et du chat GPT. Pour moi, l’IT de demain, c’est d’abord accepter cette évolution, dans le sens où l’informatique ne remplacera jamais l’humain, il permet simplement de l’aider. Cette évolution, il faut également l’entretenir, à condition d’utiliser ces outils de manière intelligente, de s’éduquer sur l’utilisation de ces nouvelles technologies. Un autre aspect qui, selon moi, va beaucoup évoluer ces prochaines années, c’est la cybersécurité. Nous devons nous assurer que l’ensemble des évolutions technologiques soient développées dans un environnement sécurisé. »

IT

Le domaine informatique est encore fortement genré. Être une femme aujourd’hui dans ce secteur, qu’est-ce que cela signifie ? 

« En effet, le pourcentage de femmes travaillant dans l’IT reste encore très minime. Toutefois, il y a une nette évolution puisqu’on en parle beaucoup plus qu’avant et qu’on sensibilise davantage sur le fait que les femmes aussi y ont leur place. Beaucoup d’études sont d’ailleurs réalisées pour prouver que la diversité et l’inclusivité au sein d’une équipe motivent les collaborateurs, les encouragent à penser de manière plus innovante et amènent des résultats probants au sein d’une entreprise. D’ailleurs, nombreuses sont les personnes aujourd’hui qui prêtent attention aux critères de diversité avant de postuler dans une nouvelle structure. Bien qu’il y ait beaucoup plus de communication à ce sujet, la route est encore longue. »

« Par exemple, de nombreuses femmes n’osent pas entamer des études dans le secteur ou n’osent pas postuler dans une entreprise IT par peur de n’avoir que des collègues de sexe masculin. Ce n’est pas le travail en lui-même qui freine ces femmes mais bien son environnement. Il faut donc briser ce stéréotype de genre, et ce, dès la petite enfance afin que les jeunes filles ne s’interdisent pas elles-mêmes de prendre cette voie-là. Il est donc essentiel de continuer à communiquer et à sensibiliser sur le sujet pour amener de nouveaux talents féminins dans l’IT. »

Justement, vous venez d’être élue Young ICT Lady of the year. Quelle importance revêt pour vous cette récompense ? 

« Pour moi, cette récompense prouve qu’il est possible de réussir une belle carrière dans l’IT en étant une femme. De se dire qu’on peut oser s’y aventurer, qu’on y a sa place et qu’on doit arrêter de se mettre soi-même des barrières. Finalement, il faut casser ce syndrome de l’imposteur qui nous touche. Comparativement à d’autres distinctions similaires telles que celle de “CEO of the year”, ce sont souvent des hommes qui l’obtiennent car, proportionnellement, au niveau du top management, le pourcentage est davantage masculin. Le Young ICT Lady of the year permet donc de donner un peu plus de visibilité aux femmes du secteur et de sensibiliser l’ensemble de la gent féminine en prouvant aux femmes qu’elles peuvent elles aussi s’épanouir dans une carrière IT. »

06.07.2023
par Morgane Mignolet
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