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Mon Futur

Quel mix énergétique pour la ville du futur ?

24.06.2020
par Julie Garrigue

Hydrogène vert, énergie solaire, éolien, géothermie… Beaucoup d’énergies renouvelables pourraient aider la transition des villes de demain :plus sobres, solidaires, vertes, et auto-productrices. Trois experts nous branchent sur quelques pistes.

Marianne Duquesne
Conseillère experte à la Cellule Energie de l’Union des Villes et Communes de Wallonie

Quelle est la situation actuelle dans sa production et utilisation d’énergies au niveau des villes ?

« Le gaz naturel ou le mazout sont largement utilisés pour le chauffage en ville. La succession des vagues de chaleur tend à augmenter le recours aux systèmes d’air conditionné et donc la consommation d’électricité pour laquelle il y a encore peu d’autoproduction. Côté bâtiments, la situation évolue. Lors de travaux de construction ou de rénovation, beaucoup d’autorités locales ont adopté une stratégie de haute performance énergétique pour leurs bâtiments. Idem lors d’opérations de démolition-reconstruction pour les particuliers : des villes imposent, depuis des années, des standards passifs ou très basse énergie ou même le recours aux énergies renouvelables, notamment pour leur chauffage. »

Quelles sont les 3 énergies qui devraient s’imposer pour accompagner la transition énergétique urbaine (2030-2050) ?

« L’hydrogène vert jouera un rôle capital car il permet un stockage saisonnier de l’énergie : l’électricité excédentaire produite par des sources comme le soleil et le vent sert à “l’électrolyse de l’eau”. Cette séparation de l’oxygène et l’hydrogène génère du gaz vert. L’hydrogène vert peut servir de carburant, de combustible dans l’industrie, ou être injecté en certaine proportion dans les réseaux de gaz naturel. Le biogaz, obtenu par fermentation de matières organiques peut aussi être stocké et injecté dans ces réseaux. Le photovoltaïque devrait encore progresser grâce à ses prix bas et aux nombreuses surfaces de toit disponibles. De même que l’éolien, en périphérie des villes. »

Quelles modifications les énergies nouvelles impliqueront pour l’aménagement urbain, l’habitat, les industries ?

« La rénovation énergétique massive des bâtiments sera indispensable ainsi que la lutte contre la surchauffe urbaine due aux surfaces minéralisées (murs, routes), via la végétalisation. Les consommateurs devront être plus flexibles et utiliser les nouvelles énergies aux moments de production maximale. Des communautés d’énergie se créeront au sein d’immeubles et de pâtés de maisons pour produire et consommer de l’électricité verte mutualisée via le réseau public de distribution. Les déchets de l’industrie agro-alimentaire serviront de matière première à la production de biogaz ; la chaleur dégagée par l’activité industrielle pourra chauffer les bâtiments voisins. Cap sur la mutualisation de la consommation ! »

Laurent Remy
Porte-parole du groupe de distribution énergétique Fluxys

Quelle est la situation actuelle dans sa production et utilisation d’énergies au niveau des villes ?

« En 2018, entre 70 et 77 % (selon les conditions météo) de l’énergie consommée par les ménages l’a été pour le chauffage. La source d’énergie principale ? Le gaz naturel (47 %). Le reste de l’énergie consommée en 2018 par les belges est passée dans l’éclairage et les appareils électriques (13 %), le chauffage de l’eau (12 %) et la cuisine (2 %). Il existe cependant une grande disparité entre la Wallonie, où le mode de chauffage prépondérant est le mazout (suivi par le gaz naturel), et les régions de Bruxelles-Capitale et de Flandre où le gaz naturel se taille la part du lion. Cette disparité s’explique par des différences d’infrastructures de distribution du gaz. »

Quelles sont les 3 énergies qui devraient s’imposer pour accompagner la transition énergétique urbaine (2030-2050) ?

« De par sa disponibilité, sa grande densité énergétique et ses qualités environnementales, le gaz naturel conservera un rôle important, progressivement remplacé par du gaz vert. Ce dernier prend plusieurs formes : le biométhane (produit à partir de déchets verts, résidus de fruits/légumes et matière organiques), l’hydrogène vert (obtenu par processus d’électrolyse d’eau à partir d’électricité renouvelable excédentaire) et enfin, le gaz synthétique (issu de la combinaison d’hydrogène vert avec du CO2 capté en industries). La transition du gaz naturel au gaz vert mènera à un système énergétique multi-usage neutre en carbone en 2050. Bref, un avenir énergétique durable, fiable et abordable. »

Quelles modifications les énergies nouvelles impliqueront pour l’aménagement urbain, l’habitat, les industries ?

« Un état des lieux s’imposera aux propriétaires de bâtiments pour dégager les pistes d’optimisation de leur conso d’énergie, via par exemple des technologies de chaudière thermodynamique combinant gaz naturel et énergies renouvelables. Côté industries, les énergies fossiles dominent encore. Mais le carbone qu’elles produisent peut-être capturé et recyclé en polymères, en acier… ou être utilisé pour produire du gaz synthétique par procédé de méthanation. Fluxys s’implique aussi dans ces projets orientés vers la capture, le transport, la réutilisation et le stockage du CO2. Au-delà, l’industrie doit examiner les solutions de remplacement de ses énergies fossiles par l’électricité et l’hydrogène vert. »

Steven Beckers
Expert en économie circulaire et urbanisme, CEO de la ferme urbaine BIGH

Quelle est la situation actuelle dans sa production et utilisation d’énergies au niveau des villes ?

« La Belgique est encore largement tributaire du nucléaire et des Turbines Gaz Vapeur. Pour dé-carboner et dé-nucléariser, il nous faudra consommer moins et utiliser les énergies produites en cascade, dans les villes comme dans l’industrie. Pour donner un exemple concret, il est possible de transformer de la vapeur produite à plusieurs centaines de degrés en électricité ; électricité qui peut produire de la vapeur à 100°C utilisée par l’industrie et l’agriculture sous serres. Puis cette énergie peut elle-même se muer en chauffage urbain à 40°C dans nos maisons ou dans d’autres bâtiments. A partir de là, il devient plus facile d’augmenter la part de renouvelable et de la stocker. »

Quelles sont les 3 énergies qui devraient s’imposer pour accompagner la transition énergétique urbaine (2030-2050) ?

« L’Hydrogène est l’élément le plus abondant dans l’univers. Sous son label “vert”, il jouera un rôle central comme moyen idéal de transition du gaz naturel, auquel il se mélange, vers l’hydrogène pur. Dans l’optique “Up-Cycling”, tablons sur l’énergie solaire (photovoltaïque, serres, géothermie peu profonde), sur la biomasse (pour la photosynthèse et la capture de CO2), sur l’hydraulique (à condition de ne pas nuire à la biodiversité et l’agriculture), et sur la géothermie profonde (production constante d’eau chaude et d’électricité). Le problème n’est pas tant de capturer ces énergies que de les stocker, transporter et utiliser facilement. Heureusement, les techniques de stockage évoluent. »

Quelles modifications les énergies nouvelles impliqueront pour l’aménagement urbain, l’habitat, les industries ?

« Dans l’optique d’une ville du futur plus respirable, les entreprises doivent s’engager sur un plan de transition rapide. Elles peuvent développer de nouvelles lignes de production en parallèle de celles qui existent afin de financer leur métamorphose énergétique. Les industries devront dépasser le greenwashing creux et poser des actes pour montrer patte blanche. Ou disparaître. L’avenir sera à consommer modérément et uniquement des produits/énergies sur-cyclables. C’est-à-dire dont toute la matière première soit réutilisable ou compostée, sans polluer ni gaspiller. Il faut aller vers une résilience locale où la capacité d’autonomie s’allie avec la régénération de notre environnement. »

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