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Diversité

Quand les inégalités de genres touchent à la santé, ou quand la santé reflète les inégalités

13.12.2023
par Gwendoline Cuvelier

Selon une récente étude scientifique, les femmes vivraient plus longtemps, mais en moins bonne santé que les hommes. Dans notre société, le sexe joue un rôle déterminant dans les approches de soins et de prise en charge médicaux. Le traitement des maladies cardiovasculaires en est un des exemples les plus parlants.

Les maladies cardiovasculaires représentent la première cause de mortalité chez les femmes. Contrairement aux idées reçues, elles ne concernent donc pas uniquement les hommes. Le problème : les symptômes diffèrent selon le sexe. Et puisque les études cliniques sont essentiellement basées sur le standard masculin, les femmes sont moins bien prises en charge médicalement.

De dangereux préjugés

« Malgré les progrès effectués au cours de ces dernières années, nous sommes encore loin de l’égalité hommes-femmes dans le domaine des maladies cardiovasculaires. », regrette Dr Nada Lakiss, cardiologue au sein de la Clinique Saint-Luc de Bouge. La première raison : les essais cliniques ont souvent inclus principalement des hommes, en grande partie pour éviter les variations hormonales des femmes. Cela a conduit à une recherche médicale historiquement biaisée en faveur des hommes et à une approche moins adaptée aux besoins des femmes. Or, le sexe doit impérativement être pris en compte, car si un cœur reste un cœur, les maladies cardiovasculaires ne se présentent pas de la même manière. « Chez les hommes, les symptômes d’un infarctus sont typiques : de fortes douleurs à la poitrine, une irradiation vers le bras et vers la mâchoire.

Chez les femmes, la pathologie se déclare de façon beaucoup plus insidieuse par une fatigue importante non expliquée, un mal de dos ou des douleurs à l’estomac. », détaille Dr Nada Lakiss. « Ces symptômes, dits atypiques, cumulés au mythe selon lequel les maladies cardiovasculaires ne touchent pas les femmes, ont des conséquences dramatiques : les femmes tendent à négliger ces symptômes, et ne sont donc pas prises en charge correctement. », signale la Ligue Cardiologique Belge. De plus, les stéréotypes de genre ont la vie dure. « Aux urgences, les femmes ont tendance à être moins prises au sérieux que les hommes. Quand une patiente se plaint, ses symptômes sont souvent sous-estimés. Il est fréquent qu’elle soit traitée d’hystérique ou diagnostiquée atteinte d’un trouble psychologique, sans que l’on cherche la véritable cause de ses maux. On passe à côté d’énormément de problèmes cardiaques à cause de ces préjugés. », constate Dr Nada Lakiss.

La précarité menstruelle devrait être reconnue comme une question de santé publique.

– Veronica Martinez, directrice de l’ASBL BruZelle

Les maladies féminines sous silence

De manière générale, dans notre société patriarcale, un biais de genre persiste dans la manière dont les maladies sont discutées, médiatisées et comprises. Reléguées au second plan, les maladies féminines (telles que l’endométriose, le syndrome des ovaires polykystiques, la prééclampsie post-partum…) sont moins reconnues à cause d’un manque de sensibilisation, de recherche et de financement. Un déséquilibre qui n’est pas sans conséquence sur la santé des femmes. « Certaines maladies cardiaques ne touchent que les femmes. Dans le temps, les chercheurs (en grande partie composés d’hommes) s’y intéressaient peu. Ces dernières années, on observe une prise de conscience et une nette amélioration de la prise en charge de ces pathologies féminines, mais il y a encore du travail à faire. », souligne Dr Nada Lakiss.

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Se nourrir ou se soigner

Enfin, la précarité économique, qui touche davantage les femmes, représente un facteur d’inégalité majeur dans l’accès aux soins de santé. Selon Le Baromètre “confiance et bien-être” de l’Institut Solidaris, 41 % des femmes, contre 30 % des hommes, ont renoncé à au moins un soin par manque de moyens financiers en 2022. Cette tendance peut avoir des conséquences graves, car les retards dans la prise en charge médicale sont susceptibles d’aggraver les problèmes de santé. Et cela va même plus loin : « De nombreuses personnes menstruées en situation de précarité (étudiantes, migrantes, mamans solos, sans chez soi…) ne disposent pas d’assez d’argent pour s’acheter des produits menstruels pendant leurs règles et placent ce besoin en dernier dans leur liste de priorités. », explique Veronica Martinez, directrice de l’ASBL BruZelle, dédiée à la santé menstruelle.

Faute de moyens financiers, des personnes menstruées utilisent des alternatives telles que des mouchoirs, du tissu qui n’est absolument pas prévu à cet effet ou encore du papier journal. Les risques sont nombreux, autant sur le plan physique (infections, choc toxique…) que mental (isolement, décrochage scolaire, baisse d’estime de soi, charge mentale augmentée…). « La précarité menstruelle devrait être reconnue comme une question de santé publique. Or, le sujet n’est pas suffisamment abordé parce qu’il touche un double tabou : la pauvreté et les règles. Les personnes menstruées devraient pouvoir disposer de produits menstruels gratuits dans les endroits publics où elles se rendent, au même titre que le papier toilette. Ce sont des biens de première nécessité. », insiste Veronica Martinez. « Si les hommes avaient leurs règles, la question menstruelle aurait été prise en charge de façon plus ambitieuse et plus globale, tant en termes de mise à disposition que de recherche médicale. », déplore la directrice de BruZelle.

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