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Diversité

L’inclusion en question dans les médias belges

13.12.2023
par Tuly Salumu

Depuis le succès du film « Le huitième jour », le nombre de personnes handicapées à l’écran est en légère augmentation. Mais est-ce suffisant pour parler de télévision inclusive ? Des émissions comme “Down the road”, sur la VRT, suscitent le débat.

Il y a un an, William Boeva a déclenché un tollé médiatique en dénonçant l’émission « Down the road » de la VRT dans une lettre ouverte publiée sur les médias sociaux. L’humoriste, lui-même handicapé, estimait que la chaîne publique présentait les personnes atteintes du syndrome de Down comme des « oursons câlins ». Il a appelé à une « véritable inclusion » où les personnes handicapées sont montrées de manière plus nuancée.

Sa lettre a fait grand bruit. Pourtant, un an plus tard, le paysage médiatique ne semble pas avoir beaucoup changé. « Les réalisateurs de programmes disent qu’ils y travaillent dur, mais je ne vois pas grand-chose de concret. C’est très regrettable, car en termes d’inclusion, la Belgique est l’un des plus mauvais élèves d’Europe. »

Boeva fait référence à la télévision britannique, où la météo est présentée par Lucy Martin, née sans avant-bras droit. « En fait, l’ensemble de la société britannique est plus inclusive que la nôtre. Cela vaut pour les médias, mais aussi pour les espaces publics : les trottoirs sont plus larges, il y a moins de pavés… En Belgique, en revanche, les gens ont peur de s’adapter. Dès la naissance, les personnes handicapées sont placées dans des écoles et des institutions distinctes. De cette façon, nous ne pourrons jamais faire partie de la société à part entière. »

Une image irréelle

Pourtant, cela évolue en coulisses. GRIP vzw a lancé un manuel d’intégration pour les réalisateurs et l’organisation de défense des droits de l’homme négocie depuis des années pour rendre la VRT plus inclusive. Avec des résultats : il y a deux ans, un objectif de visibilité des personnes handicapées a été inclus pour la première fois dans l’accord de gestion. Le service public s’est engagé à faire passer leur présence à l’écran de 1,5 à 2 % d’ici à 2025. L’année dernière, un taux de 1,7 % a été atteint. « Malheureusement, ce chiffre est encore loin de correspondre au nombre de personnes handicapées dans la réalité, à savoir environ 14 à 15 % », déclare Ans Janssens, membre du personnel et expert.

Les représentations doivent également être améliorées. « Nous sommes souvent dépeints comme des personnages malades ou pitoyables en raison de notre handicap », explique Ans Janssens. « L’autre extrême, c’est de nous représenter comme un héros qui se jette à corps perdu dans le monde du sport et surmonte son handicap. Ce sont des stéréotypes. Nous voulons nous montrer avant tout comme des personnes de chair et d’os, dans des rôles et des contextes différents. Pas seulement dans des seconds rôles dans des séries ou comme des sujets de documentaires, mais aussi comme des personnages réguliers, des participants à des jeux télévisés, des visages à l’écran… »

C’est précisément ce que VRT s’est fixé pour objectif : présenter un visage handicapé à l’écran pour la fin de cette année au plus tard. Cela n’est pas encore effectif, mais un programme musical avec un présentateur handicapé est en cours de réalisation. Il s’agit de Karl Meesters, un malvoyant qui organise des événements musicaux au quotidien.

En termes d’inclusion, la Belgique est l’un des plus mauvais élèves d’Europe.

- William Boeva, Humoriste

Des points positifs

Il y a aussi des évolutions positives sur d’autres chaînes. Ainsi, Gilles Dupont a présenté les Jeux paralympiques aux côtés de Koen Wauters. « Cela m’a fait plaisir de voir un présentateur handicapé pour une fois », déclare Ans Janssens. « J’ai trouvé que le rôle prépondérant de Koen nuisait un peu à la présence de Gilles, bien qu’il y ait eu une bonne ambiance entre eux deux. »

VTM Go a présenté la minisérie “Splinter”. « C’est une série magnifique sur une jeune fille de 18 ans en fauteuil roulant qui va à l’université et vit la vie typique d’un étudiant. Tout le monde peut s’y identifier, même s’il s’agit d’un personnage handicapé. Le seul regret est d’avoir choisi une actrice qui n’est pas elle-même handicapée même si Sofia Ferri joue très bien et a fait beaucoup de recherches pour son rôle. »

William Boeva a dû refuser de nombreux rôles par le passé parce qu’ils étaient trop stigmatisants. Parfois, les choses changent. « Par exemple, dans “Exes” (la série de VTM), j’ai été pris alors qu’ils ne cherchaient pas de personnage atteint de nanisme. Mais le producteur était enthousiaste, il a même dit que mon handicap offrait des possibilités supplémentaires pour le scénario. Il devrait toujours en être ainsi. »

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Encore du chemin à parcourir

Boeva prône la discrimination positive. « Il est très difficile pour les personnes handicapées d’obtenir des opportunités », déclare-t-il. « Nous devons encore faire nos preuves. C’est pourquoi il faut faire des efforts supplémentaires. Pour mettre en place un système plus juste, il faut d’abord que la balance penche de l’autre côté. »

Étant elle-même actrice, Ans Janssens en est consciente : « J’ai envisagé d’aller aux Ritcs ou au Studio Herman Teirlinck, mais j’ai dû mettre ces projets de côté parce qu’ils ne m’étaient pas accessibles », explique-t-elle. « Les réalisateurs se cachent parfois derrière l’excuse qu’ils ne trouvent pas d’acteurs handicapés qualifiés. Pour beaucoup, il est démotivant de continuer à participer à des castings quand on sait que l’on n’obtiendra de toute façon pas le rôle. »

Malgré tout, Ans constate aussi du changement positif. « Grâce à mon assistante personnelle, j’ai découvert que le conservatoire du Singel, à Anvers, est accessible aux personnes en fauteuil roulant. J’ai donc décidé de passer les examens d’entrée l’année prochaine. »

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