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Le pour et le contre de la loi sur le bien-être (partie 4)

03.05.2022
par Fokus Online

« Dans une société de plus en plus numérisée, l’organisation du marché de l’emploi est aussi complètement différente de ce qu’elle était il y a dix ou vingt ans environ », affirme le Dr Kelly Reyniers, professeur à l’Université d’Anvers et professeur invité à la KULeuven et à la VUB. La pandémie de coronavirus actuelle n’a fait que renforcer et accélérer ces développements. En raison de la mise en place du télétravail à titre de mesure visant à lutter contre la propagation du virus, le lien physique entre le travail et le lieu de travail est devenu encore plus vague. 

Dispositions légales

Les dispositions légales en matière de télétravail ne manquent pas. Ainsi, il y a la CCT n° 85 de 2005 sur le « télétravail structurel », les articles 22 à 28 de la loi sur le travail faisable et maniable de 2017 concernant le « télétravail occasionnel », ainsi que l’avis du Conseil national du Travail de début 2021, qui préconise une évaluation approfondie de la réglementation existante à un stade ultérieur, dès la fin de la crise du coronavirus. Au cours de la pandémie elle-même, une autre convention collective de travail spécifique sur le télétravail a par ailleurs vu le jour, à savoir la CCT n° 149.  Celle-ci est entre-temps abrogée. Car elle n’était valable que tant que le télétravail était obligatoire. 

Quels points d’attention en matière de bien-être ces dispositions reprennent-elles maintenant ? Très souvent, il s’agit – d’une part – des aspects psychosociaux du télétravail (isolement, stress technologique, charge entraînée par la disponibilité professionnelle illimitée, etc.). Et – d’autre part – principalement de l’ergonomie (dans quelle mesure le bureau et la table de la cuisine sont-ils adaptés au travail). D’autres dispositions portent, par exemple, sur la manière d’appliquer la même charge de travail et les mêmes normes de rendement au travail « ordinaire » qu’au télétravail et sur la manière d’éviter l’isolement des télétravailleurs. 

Les dispositions peuvent être reprises dans le règlement de travail ou grâce à la conclusion d'une CCT. 

Le travail sur écran de visualisation

La loi sur le travail faisable et maniable aborde aussi les accords sur la possibilité « éventuelle » de joindre les télétravailleurs. À noter, dans ce cadre, l’importance du terme « éventuelle ». Il reste encore pas mal de tensions à ce sujet. La CCT 85 stipule, par exemple, que le service de prévention interne doit avoir accès au lieu de travail. Une disposition qui, dans le cas des télétravailleurs, va vraisemblablement à l’encontre du droit au respect de la vie privée. Il existe également de nombreuses zones d’ombre dans les règlements généraux sur le bien-être au travail. En cas de travail sur écran d’ordinateur, par exemple, tout lieu de travail à domicile doit-il également être équipé d’un siège et d’un bureau adaptés ? Un employeur doit-il le contrôler ? 

La loi du 26 mars 2018 relative au renforcement de la croissance économique et de la cohésion sociale zoome également sur l’utilisation et la « déconnexion » des moyens de communication digitaux. Autrement dit : comment réglementer la déconnexion du réseau de l’entreprise de l’ordinateur portable et du smartphone dont disposent les travailleurs ? Un employeur est tenu d’organiser la concertation à ce sujet à des moments réguliers au sein du comité de prévention. Pour savoir desquelles il s’agit, vous pouvez demander l’avis du Comité.  Une concertation doit également avoir lieu en cas de « changements majeurs » concernant l’utilisation d’outils de travail digitaux ou de changements qui peuvent avoir un impact sur l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle. Le télétravail est du reste typique dans ce genre de situation. Le Comité peut faire des propositions et donner des conseils à l’employeur, sans que cela n’entraîne aucune obligation dans son chef. Ces dispositions peuvent être reprises dans le règlement de travail ou grâce à la conclusion d’une CCT. 

L’Europe se déconnecte

Un accord-cadre de juin 2020 des partenaires sociaux européens sur la digitalisation et une résolution du Parlement européen de janvier 2021 existent par ailleurs également concernant la déconnexion.  Il ne s’agit toutefois que de recommandations et non d’une véritable législation. Mais indiquant cependant la direction que l’Europe souhaite suivre. Ici, la notion « être hors ligne » est, par exemple, définie comme le fait de n’effectuer – ni directement ni indirectement – aucune activité ou communication liée au travail au moyen d’outils digitaux en dehors du temps de travail. 

En résumé : la mise en œuvre pratique et le caractère exécutoire des règles relatives au télétravail ne sont pas toujours évidents. En partie, il s’agit aussi d’assumer ses responsabilités. En principe, on ne doit pas être à la disposition de son employeur en dehors du temps de travail. Mais certains travailleurs souhaitent également lire leurs e-mails, se tenir au courant ou rester en contact avec leurs collègues après les heures de bureau. Parfois, le « travail » arrive tout simplement en dehors des heures normales de travail. Tout cela souligne une fois de plus l’importance d’une bonne politique en matière de télétravail. Les entreprises qui en disposent sont ainsi plus attrayantes pour les demandeurs d’emploi, ce qui représente un avantage indéniable dans la guerre actuelle des talents, selon le professeur Reyniers. 

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