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Réussites et revers de la loi sur le bien-être au travail (partie 3)

La Loi sur le bien-être au travail existe depuis un quart de siècle. Son approche était assez progressiste pour l’époque. Elle a fait de la Belgique une initiatrice en matière de gestion des risques psychosociaux sur le lieu de travail. L’évolution de l’organisation du travail concernant le travail avec des tiers et une approche plus ciblée des risques professionnels y ont été abordés. Il semble pourtant qu’il reste du chemin à parcourir pour garantir un lieu de travail sûr et sain à tous les travailleurs, en ce compris les travailleurs intérimaires. Prévention et Intérim a récemment organisé une journée d’étude pour évaluer l’état de la situation. Cette troisième partie aborde comment les questions relatives à la santé mentale se sont fait une place dans la recherche d’un environnement de travail sain, également pour les intérimaires.

Ce sont Eddie De Block, directeur médical et Suzanne van Hemmen, conseillère en prévention « aspects psychosociaux » du service externe de prévention Cohezio, qui sont venus initier le public à la notion de « résilience » et à quelques pratiques d’excellence en matière de santé mentale sur le lieu de travail. Ils ont d’abord expliqué comment nous en sommes arrivés à accorder une attention grandissante aux aspects psychosociaux au travail au cours des dernières années.

Le marché de l’emploi en pleine mutation ces dernières années a, en effet, été un levier majeur à cet égard. La pression grandissante sur les travailleurs pour augmenter leurs performances a des répercussions sur leur santé mentale. La nécessité de maintenir la santé psychique du personnel et d’augmenter sa résilience sont apparues en parallèle. Ces nécessités n’ont pas échappé au législateur.  En 2014, la loi sur le bien-être s’est bien davantage axée sur la gestion des risques psychosociaux au travail. 

Des collaborateurs en bonne santé

Eddie De Block et Suzanne van Hemmen mettent en garde : « Parallèlement à toute l’attention que l’on porte aux personnes en difficulté, il ne faut pas perdre de vue les collaborateurs en bonne santé ». En effet, il importe de conserver et – mieux encore – de renforcer leur bonne santé, leurs capacités et leurs forces. Une politique en matière de « résilience » est, pour cette raison précise, importante car elle vise la prévention primaire. 

Mais de quoi parle-t-on lorsque l’on évoque la résilience ? Pour les deux experts, la résilience est « la capacité à s’adapter au stress et à l’échec et à en sortir renforcé ». Dans cette définition, le fait d’être capable de « rebondir » est donc déterminant. Par conséquent, il est utile d’investir dans la résilience des travailleurs. Elle donne aux individus et aux organisations un moyen de défense lors de crises, qui ne manqueront pas de survenir. 

« La résilience est également un aspect essentiel dans le secteur du travail intérimaire », affirment Eddie De Block et Suzanne van Hemmen. Elle se décline selon deux axes. D’une part, grâce à leur flexibilité, les intérimaires permettent aux organisations de faire face à une augmentation des activités, par exemple. On parle de « résilience organisationnelle ». D’autre part, les intérimaires, résilients eux-mêmes, s’adaptent vite pour augmenter leurs chances de mise au travail dans l’entreprise. Il s’agit ici d’une forme de « résilience individuelle ». 

Dans le travail, il faut donc maintenir un juste équilibre entre l’effort (la tension) et la récupération. Après chaque pic de stress et de pression, il faut s’assurer qu’une période équivalente de repos et de récupération s’ensuive. En d’autres termes : la corde de l’arc ne peut être tendue en permanence. 

La résilience donne aux individus et aux organisations un moyen de défense lors de crises, qui ne manqueront pas de survenir. 

Se muscler 

Selon les deux spécialistes, il est possible de renforcer sa résilience. On peut comparer la résilience à un muscle. Il est possible de muscler la résilience. Eddie de Block et Suzanne van Hemmen répartissent la résilience en quatre dimensions individuelles : « la résilience physique », « la résilience émotionnelle », « la résilience mentale » et la « résilience sociale ». 

La « résilience physique » signifie, en somme, un esprit sain dans un corps sain, « mens sana in corpore sano », comme disaient les Romains. Sur ce plan, l’essentiel consiste à mener une vie saine, à faire suffisamment d’exercice et d’activités physiques, à adopter une alimentation équilibrée et à veiller à profiter d’un sommeil réparateur suffisant. Sur le lieu de travail pour le travailleur, cela se traduit, par exemple, à utiliser un podomètre, à prendre l’escalier plutôt que l’ascenseur, à téléphoner debout ou en marchant plutôt qu’assis à son bureau, à prendre des pauses et à faire des réunions debout, ainsi qu’à effectuer des déplacements domicile-travail actifs (à vélo plutôt qu’en voiture). 

L’employeur peut, de son côté, investir, dans des équipements ergonomiques, tels que des bureaux de type assis-debout, par exemple. Il peut aussi initier des réunions qui se tiennent debout (elles se déroulent d’ailleurs souvent beaucoup plus efficacement). L’employeur peut également se montrer exemplaire en mettant personnellement en œuvre toute bonne pratique et en encourageant les déplacements domicile-travail actifs ainsi qu’en se rendant lui-même à vélo sur le lieu de travail, pour ne citer que quelques exemples.

Alimentation et sommeil

L’alimentation et le sommeil sont deux éléments particulièrement importants pour aboutir à une bonne résilience physique. Boire beaucoup d’eau et emporter sa bouteille d’eau au travail, par exemple, sont déjà des pas dans la bonne direction. Remplir la moitié de son assiette avec des légumes et opter pour des en-cas sains sont deux autres bonnes habitudes à prendre et, dès lors, préférer les fruits frais ou des fruits secs aux bâtons de chocolat. Manger de même autant que possible à heures fixes en prenant son temps est également plus sain qu’engloutir la nourriture avec frénésie. L’employeur peut évidemment favoriser ces habitudes, en prévoyant, par exemple, des pauses de midi suffisamment longues, ainsi que des « micropauses » intermédiaires. Les repas proposés à la cantine peuvent également faire toute la différence. Il n’est, d’ailleurs, pas toujours nécessaire d’aller si loin. Proposer des alternatives au traditionnel café, des en-cas sains et d’autres options dans les distributeurs automatiques constitue déjà une démarche intéressante. Une autre bonne idée est d’adopter pour des cadeaux d’entreprise ou de fin d’année en lien avec la santé. 

Eddie De Block et Suzanne van Hemmen soulignent également l’importance d’un sommeil suffisant. Adopter un rituel régulier avant d’aller dormir fait partie d’une bonne hygiène du sommeil ainsi que boire une tasse de lait chaud, par exemple. Il est important de ne pas faire d’efforts intensifs avant d’aller se coucher mais de rester au calme. La lumière bleue, les repas lourds et la caféine sont les ennemis d’un bon sommeil. Les iPads et autres smartphones devraient être éteints au moins une demi-heure avant d’aller dormir. Une chambre bien aérée, plongée dans l’obscurité et au calme doit garantir un sommeil réparateur. Un autre bon moyen pour s’assurer un sommeil profond et bienfaisant consiste à faire de l’exercice pendant la journée et à exposer autant que possible son corps à la lumière du jour. 

L'équilibre est en effet un levier important pour garder la résilience mentale au plus haut niveau.

Antidote

La résilience émotionnelle, quant à elle, porte sur la capacité à faire face aux événements négatifs et à gérer les émotions correspondantes. Différentes stratégies de réaction ou d’adaptation passives et actives sont possibles à cet effet. La réaction ou l’adaptation passive consiste à chercher une distraction pour concentrer ses pensées sur autre chose. La réaction ou l’adaptation active consiste aussi à se ménager un temps de répit pour s’attaquer activement au problème ou chercher à se détendre. La résilience émotionnelle peut être caractérisée par une stratégie visant à faire face seul (en se réservant du temps pour soi, par exemple) ou par l’appel à d’autres personnes pour chercher activement du soutien et parler du problème. 

Pour les travailleurs, il existe de nombreuses méthodes pour optimiser cette résilience émotionnelle. Ainsi, on peut, par exemple, noter chaque jour au moins trois choses qui se sont bien passées, comme une sorte « d’antidote » face aux émotions négatives. Remplacer les listes « à faire » par la liste des choses réalisées peut aider à surmonter une période difficile. Il y a d’autres bons moyens de réprimer des émotions négatives, tels que l’exercice, l’humour, la danse et la musique. 

La résilience mentale

La résilience mentale, quant à elle, consiste à croire en ses propres forces et à maintenir l’équilibre entre la charge et la capacité à y faire face. L’équilibre est en effet un levier important pour garder la résilience mentale au plus haut niveau. Cet équilibre peut être recherché dans de nombreux domaines : voir les défis à relever là où il y a des difficultés, compenser les tâches énergivores par des tâches énergisantes, s’accorder de la détente après la tension. 

Une approche positive

Enfin, la résilience sociale porte sur la capacité à se raccrocher à un réseau de soutien. Pour les intérimaires qui travaillent temporairement dans une entreprise, le défi est plus difficile à relever que pour le personnel permanent. Le COVID (et la pratique du télétravail) ne facilite pas les choses non plus. L’être humain en tant qu’individu social a besoin d’un contact physique avec les autres, chaque jour. Il cherche à établir des liens et à obtenir le soutien auprès des autres. Ce besoin peut s’exprimer de diverses manières : par l’échange verbal, l’entraide, mais aussi par le toucher ou un simple contact visuel. Nous trouvons dans cette relation sociale l’information et l’aide matériel dont nous avons besoin mais aussi un soutien émotionnel et de la reconnaissance. 

C’est pourquoi, il faut être particulièrement attentif aux intérimaires et veiller à leur consacrer le temps nécessaire. Il suffit, par exemple, de prendre les repas de midi et les pauses avec eux et d’aller à leur rencontre lors de contacts informels. Témoigner de la reconnaissance fait aussi des merveilles. 

Pour les employeurs, la mise en place d’une bonne politique d’accueil et d’intégration est donc incontournable. Les marques d’estime de leur part ou les remerciements sont également très précieux. Les collègues aussi jouent sans aucun doute un rôle dans la stimulation des contacts et disposent également d’outils pour mettre cette politique d’intégration en pratique. Un pratique toute simple consiste à attirer l’attention sur des occasions spéciales ou de mettre certains collègues à l’honneur via l’intranet de l’entreprise.  

03.05.2022
par Fokus Online

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