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Brevet unitaire européen : le meilleur comme le pire

28.09.2023
par Bastien Craninx

Le 1er juin 2023, l’Union Européenne a franchi une étape majeure dans le domaine de la propriété intellectuelle avec l’introduction du nouveau brevet unitaire européen. Mais bien qu’il offre de nombreux avantages, il fait également naître des craintes.

Avec le secret d’affaires, les brevets constituent l’une des mesures de protection intellectuelle les plus importantes. Pourtant, ils ne concernent qu’un nombre restreint d’entreprises. « En réalité, les brevets ne concernent qu’environ 4% des entreprises ! », estime Alain Strowel, professeur à l’UCLouvain et avocat. « Cependant, ils jouent un rôle crucial dans des secteurs essentiels de l’économie, tels que la haute technologie ou l’industrie pharmaceutique ». Par conséquent, il faut faire en sorte que ce système soit simple et accessible. C’est dans cette optique qu’est né le brevet unitaire européen.

Avec ce nouveau venu, une entreprise belge peut désormais choisir entre trois types de brevets : le brevet national, le brevet européen et le brevet unitaire européen. « Le premier est délivré par le ministère des affaires économiques en Belgique et sera uniquement d’application sur le territoire belge », explique Alain Strowel. « Le second est délivré par l’Office Européen des Brevets. C’est également cette instance qui se chargera d’octroyer le nouveau brevet unitaire européen ».

Si votre brevet est invalidé dans un pays, il le sera inévitablement dans les 16 autres.

- Alain Strowel, Professeur à l’UCLouvain et avocat

« Les principales différences résident dans les coûts de validation et de mise en œuvre », ajoute l’avocat. « Chaque validation dans un nouveau pays (39 au total) pour le brevet européen classique engendre des frais supplémentaires ». Par exemple, les frais de traduction et les taxes annuelles dans chaque État. Par conséquent, sauf dans certains secteurs comme la pharma, les entreprises ont tendance à limiter la validation pour éviter un surcoût, en optant pour des pays clés comme l’Allemagne, la France ou le Royaume-Uni. Le brevet unitaire européen, qui entre en vigueur dans 17 pays, vise à simplifier ces démarches.

« Concrètement, il n’est plus nécessaire d’effectuer 17 démarches auprès des 17 offices nationaux pour obtenir la reconnaissance et la protection de son brevet », explique Etienne Mignolet, directeur de la communication du SPF Économie. « Cela a un impact considérable sur la lourdeur administrative et la somme à débourser ». Un avantage certain pour les PME qui pourront allouer davantage de ressources à l’innovation et au développement de nouveaux produits. « La juridiction commune prévue pour ce nouveau brevet assurera une protection uniforme et cohérente dans ces 17 États membres de l’Union Européenne ».

Toutefois, ce brevet unitaire européen est loin d’être la solution ultime. « Si 17 pays ont ratifié le traité international et que 8 autres sont en attente, il convient de noter que le Royaume-Uni, un pays clé, n’en fait pas partie », poursuit Alain Strowel. Cette nouvelle politique en matière de brevets engendre également de nouveaux risques. « Si votre brevet est invalidé dans un pays, il le sera inévitablement dans les 16 autres. Ce qui peut être catastrophique pour certaines entreprises ».

A l’inverse,, le brevet européen classique permet de segmenter la protection et de répartir les risques. De plus, certains craignent que le nouveau système ne facilite le Patent Trolling : lorsque des “entités de gestion de brevets » acquièrent des brevets non pas dans le but de les utiliser, mais seulement pour poursuivre en justice d’autres entreprises pour leur violation présumée et obtenir ainsi des dommages-intérêts. Face à ces risques et craintes, de nombreuses entreprises ont déjà décidé de déroger à la compétence de la nouvelle juridiction pour leurs brevets européens classiques.

Il est donc préférable de bien connaître son marché et d’étudier sa stratégie minutieusement.

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