hôpital
Opinion

Penser aujourd’hui l’hôpital de demain

15.12.2022
par Valerie Nouille

L’hôpital de demain est bien plus qu’un défi architectural. Il incarne l’humanisation de la médecine de pointe qui accompagne le patient dans un trajet de soins intégratif et connecté à la pratique de proximité. Nos experts nous en disent plus.

hôpitalJean Macq
Professeur en Santé Publique, Institut de Recherche Santé et Société (UCLouvain)

Quels sont les enseignements à tirer de la crise du Covid pour l’avenir hospitalier ?

« L’hôpital fait partie d’un écosystème médical dans lequel il devra mieux se positionner pour optimiser la collaboration avec d’autres organismes de soins, comme cela a été le cas pendant le Covid avec notamment les médecins généralistes et les maisons de repos. C’est aussi de cette manière qu’il pourra renforcer son rôle social, grâce à un accompagnement plus humain des patients en cours de traitement ou en fin de vie. Les soins de santé fondés sur la valeur et sa pérennité financière forment le fil sur lequel l’hôpital devra trouver l’équilibre. Car c’est de cet équilibre que résultera sa contribution efficace et indispensable à la santé de la population et à l’accès pour chacun à une médecine de qualité. »

Face aux enjeux actuels et futurs, quelle place pour le patient ?

« Les soins, qui se spécialisent et se complexifient à l’extrême, exigent des efforts de compréhension toujours plus importants de la part des patients. Et cela dans de nombreux domaines. En oncologie par exemple, le traitement peut être ajusté en fonction du type de cancer mais aussi du statut génétique de la personne. On a besoin de référents pour rassurer les patients et aider les équipes hospitalières à adapter leur discours à la qualité de vie du patient. En oncologie toujours, il existe des infirmiers coordinateurs de soins qui s’occupent de ce suivi spécifique. Ce rôle de référent peut aussi être assuré par un praticien qui connaît le patient de longue date ou par des ‘’patients experts’’ souffrant de la même pathologie. »

Comment voyez-vous l’hôpital de demain ?

« L’hôpital devra de plus en plus agir pendant une période courte sur une pathologie nécessitant une technologie de pointe, en connexion avec des prestataires à domicile. L’intelligence artificielle améliorera le lien entre le diagnostic et le traitement et redéfinira le rôle des praticiens dont les métiers seront logiquement transformés. L’architecture des nouveaux bâtiments hospitaliers prendra davantage en considération les enjeux climatiques et la réduction de l’empreinte carbone, entre autres via la réduction du gaspillage. Enfin, on assistera à une mutualisation des efforts pour garantir une technologie de pointe tout en gardant une logique de proximité d’accès ainsi que le développement des soins intermédiaires à domicile. »

santéDr Philippe El Haddad
Directeur Général Médical, CHIREC

Quels sont les enseignements à tirer de la crise du Covid pour l’avenir hospitalier ?

« Cela nous a permis de constater la solidité du système hospitalier, car il n’a pas été complètement débordé au fil
des différentes vagues. Par ailleurs, même si elle préexistait déjà, la pénurie de personnel infirmier s’est encore accentuée, accompagnée d’un épuisement général. La régionalisation des soins a aussi compliqué notre situation, car nous avons deux implantations à Bruxelles et une en Wallonie, ce qui a entraîné des problèmes d’approvisionnement en matériel et en médicaments indispensables pendant la crise. Enfin, nous retenons aussi la nécessité de disposer à l’avenir d’une réserve de matériel, tel que des équipements de protection ou respiratoires, tout ça dans un budget serré. »

Face aux enjeux actuels et futurs, quelle place pour le patient ?

« Le développement de la visioconférence réduit les déplacements et permet un gain de temps pour les patients et les praticiens, même si ça ne remplace pas le contact humain capital en médecine. Les consultations qui en bénéficient sont notamment les consultations pré-opératoires ou certains suivis. Une infirmière à domicile pourrait par exemple décrire une plaie post-opératoire au chirurgien lors d’une réunion à distance. D’autres spécialités y trouveront des opportunités dans le futur. On assiste aussi à un virage plus aigu vers l’ambulatoire car les patients veulent quitter au plus vite l’hôpital, entre autres à cause du risque de contamination par une autre maladie – comme on l’a vu pendant le Covid. »

Comment voyez-vous l’hôpital de demain ?

« Le manque de personnel médical influencera fortement l’architecture hospitalière à venir . Les hôpitaux vont se réunir en réseau pour assurer des gardes partagées et des trajets de soins communs, grâce à de plus grosses équipes. Au niveau technologique, l’intelligence artificielle va quitter les laboratoires pour se transformer en applications pratiques. Sans remplacer le médecin, elle l’aidera à être plus productif, en suggérant par exemple des diagnostics. Il en va de même pour la robotique qui permettra d’automatiser certaines tâches et de minimiser le nombre d’erreurs. Ces progrès répondront peut-être aussi en partie à la problématique de raréfaction des ressources humaines dans le monde hospitalier. »

hôpitalDr Vincent Delrue
Anesthésiste et réanimateur, Chef de projet médical Vivalia 2025

Quels sont les enseignements à tirer de la crise du Covid pour l’avenir hospitalier ?

« Nous avons traversé les différentes vagues avec des niveaux d’acceptation parfois différents, mais ça a fonctionné et les patients ont pu être bien pris en charge. Avec la pénurie importante de personnel, il faut repenser l’organisation des soins sur différents axes : regrouper les plus petites structures hospitalières pour rationaliser le nombre de lits, fusionner les équipes pour niveler le nombre de gardes, mutualiser le matériel médical de pointe, travailler avec des centres médicaux de proximité et renforcer la prise en charge des urgences à travers les PIT (Paramedical Intervention Team) – sujet plus spécifique aux zones moins urbanisées, comme la province de Luxembourg. »

Face aux enjeux actuels et futurs, quelle place pour le patient ?

« Elle est centrale, certainement dans la réflexion d’un nouvel hôpital. Elle s’inscrit dans une philosophie qui veut que les soins viennent désormais aux patients et non plus le contraire. C’est ainsi que les services hospitaliers sont rassemblés en pôles afin de permettre aux équipes de travailler ensemble plus efficacement. Toujours dans cette optique, la collaboration avec les centres de soins de proximité et les effectifs de première ligne est elle aussi essentielle pour assurer le suivi des patients dont le séjour à l’hôpital est de plus en plus court. Les téléconsultations gagneront probablement en importance pour des suivis simples, mais sans jamais remplacer les consultations classiques. »

Comment voyez-vous l’hôpital de demain ?

« L’hôpital de demain est celui qui centralise les soins, rassemble les plateaux techniques lourds et concentre les équipes plus larges avec un know-how plus important pour offrir aux patients une médecine plus pointue. Il est aussi un défi architectural et sociétal. Architectural dans la gestion des aménagements des pôles de soins et des enjeux énergétiques. Et sociétal, d’une part pour garantir le bien-être de l’ensemble du personnel dans un environnement de travail chaleureux, et d’autre part pour le confort des patients avec des chambres accueillantes. C’est tout notre projet pour Vivalia 2025 : des soins à la pointe tenant compte du maillage de la province dans un cadre agréable et lumineux. »

Article précédent
Article suivant