covid
Santé

L’écologie peut-elle exister dans le secteur de la santé ?

18.11.2021
par Charlotte Rabatel

La conscience écologique s’immisce partout. Mais dans certains secteurs, elle peut être plus difficile à appliquer que dans d’autres. Notamment quand le matériel à usage unique est indispensable. 

covidAlain Chaspierre
Secrétaire général
Association Pharmaceutique Belge

Quelles pratiques et consciences observez-vous en matière de développement durable ?

« Le système de collecte des médicaments périmés ou non utilisés via les pharmacies existe depuis longtemps maintenant. Nous avons aussi lancé la possibilité de vérifications de pharmacies de maison, par les pharmaciens, qui permettent de récupérer les médicaments qui ne sont plus adaptés au patient. Je peux aussi souligner la disparition des sacs en plastique dans les pharmacies, remplacés par des sacs en papier ou en tissu. Et il faut aussi souligner la dématérialisation des prescriptions. Elles peuvent être données via des applications ou à l’aide de la carte d’identité électronique. Mais dans le cas d’une fracture numérique, la prescription papier est toujours possible bien évidemment. »

Comment la Covid a-t-elle changé la situation dans votre secteur ?

« La crise de la Covid a généré plus de déchets qu’elle n’a permis d’en éliminer. Les cas sont nombreux. Je pense par exemple à tous les emballages individualisés et au matériel à usage unique. D’un autre côté, il y a aussi eu la montée du commerce en ligne de médicaments non soumis à prescription et des produits de santé. Avec l’impact écologique évident que l’on peut imaginer avec des camions qui circulent un peu partout pour les livraisons. Mais la crise sanitaire a également renforcé le circuit court, dans le sens où les pharmaciens sont allés apporter les médicaments au domicile des patients, donc à partir de la pharmacie proche de l’habitat. Le portage a domicile a été multiplié par quatre. »

Quels sont les prochaines réflexions ou les prochains axes d’innovation ?

« Il y a des réflexions qui sont menées actuellement et qui datent d’avant la crise. Nous avions commencé à travailler sur la sensibilisation par rapport aux perturbateurs endocriniens par exemple. Mais la crise sanitaire a tout ralenti, et à cause de cela, le projet s’est arrêté. Le but était de sensibiliser d’un côté les pharmaciens sur ces perturbateurs endocriniens, et de l’autre, le grand public. Personnellement, je rêvais sur ce projet-là de créer une charte écoresponsable, ou quelque chose de ce type. Parce qu’il y a des choses à faire sur ce sujet. C’est toujours en préparation, même si la crise sanitaire a ralenti les choses. J’espère que le projet pourra reprendre très bientôt. » 

durableCécile Sztalberg
Fondation Michel Cremer
Recherche en endoscopie

Quelles pratiques et consciences observez-vous en matière de développement durable ?

« Au début de la crise sanitaire, la Fondation Michel Cremer a répondu aux demandes urgentes de protection des personnels soignants, en partenariat avec le Service Beams de l’École polytechnique de Bruxelles et les étudiants et chercheurs bénévoles du Fablab de l’ULB. Notre projet devait permettre de fournir du matériel de protection produit localement, respectueux de l’environnement (avec une blouse réutilisable plutôt que jetable) et à un coût similaire aux produits jetables : notre projet permettant aux utilisateurs de disposer de matériel de protection de manière plus sécurisée — car produit localement —, de rejeter moins de déchets tout en offrant des perspectives d’emploi au niveau local. »

Comment la Covid a-t-elle changé la situation dans votre secteur ?

« Face à une pénurie de matériel de protection essentiel, la crise sanitaire de la Covid nous a permis de prendre conscience de la nécessité de produire localement les outils, dispositifs et matériel de protection c’est-à-dire des blouses, surblouses, surmasques, pour pouvoir en disposer de manière sécurisée lorsque nécessaire. La pénurie nous a également amenés à réfléchir à la limitation des ressources et à nous demander s’il ne serait pas plus judicieux de produire du matériel réutilisable plutôt que du matériel jetable. La prochaine étape de ce projet sera maintenant de valider les besoins du marché local, mais surtout de consentir aux investissements nécessaires pour démarrer une production industrielle. »

Quels sont les prochaines réflexions ou les prochains axes d’innovation ?

« Concrètement, le médecin vient avec un besoin, et demande à l’ingénieur si un dispositif peut être réalisé. Grâce aux technologies numériques comme les imprimantes 3D, les découpeuses lasers, etc. Quand les médecins voient les premiers prototypes, ils peuvent les réajuster et corriger. Il y a de projets de recherche sur lesquels médecins et ingénieurs travaillent ensemble. Les recherches des équipes portent actuellement sur la conception de dispositifs permettant, par exemple, de traiter des pathologies gastriques, comme le diabète, l’obésité, le cancer…, de manière moins invasive. Sur le plan environnemental, une recherche vient de démarrer sur la désinfection des endoscopes grâce à une nouvelle méthode. »

covidPhilippe Schmitt
Filolab
,
Traçabilité des prélèvements biologiques

Quelles pratiques et consciences observez-vous en matière de développement durable ?

« La conscience écologique dans notre secteur n’est pas supérieure aux autres domaines d’activité. C’est, quoiqu’il en soit, un thème prédominant dans les médias. Mais dans l’activité de la biologie médicale, rien de spécifique n’a été mis en place pour la prévention et la protection de la nature. Tout s’oriente vers le matériel à usage unique. Le matériel réutilisable n’est pas envisageable pour des raisons pratiques, pour des raisons de business model, et pour des raisons d’image de marque. Aujourd’hui, il n’y a pas d’arbitrage possible en faveur d’une réutilisation du matériel qui ait été au contact du sang. Ou d’un autre échantillon du corps humain. Personne n’accepterait ça me semble-t-il. »

Comment la Covid a-t-elle changé la situation dans votre secteur ?

« Pendant la crise sanitaire, il y a eu une augmentation très significative des prélèvements qui était liée à l’activité de PCR, de recherche antigénique et de sérologie pour la Covid. Le matériel à usage unique est une chose qui simplifie le problème sanitaire et qui augmente le risque écologique. Parce que les techniques de diagnostics, en particulier les tests PCR, détectent des quantités extraordinairement faibles de virus. Et lorsqu’il s’agit de petite quantité, dans le cas de la réutilisation d’un contenant, la moindre contamination par l’échantillon précédent risque de produire un résultat erroné. Aujourd’hui, l’intérêt sanitaire et l’intérêt écologique semblent opposés. »

Quels sont les prochaines réflexions ou les prochains axes d’innovation ?

« L’utilisation de la technologie RFID, c’est-à-dire une radio-identification d’un produit entre son lieu de production et l’arrivée au laboratoire, a maintenant bien intégré la partie logistique du processus. Filolab est un exemple dans son application sur ce qui relève de la pré-analytique, au niveau des laboratoires. La particularité de cette technique, aujourd’hui encore, c’est qu’elle est en cours de développement pour trouver un business model adapté à la médecine. Il convient désormais de poursuivre une recherche technique pour être en mesure de la développer pour tous les types d’échantillons médicaux, en particulier dans le domaine de la PMA et de l’identification positive des échantillons. » 

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