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Santé

La technologie au service de la santé

02.12.2020
par Fokus Online

Les nouvelles technologies révolutionnent le secteur de la santé. De quelle façon influencent-elles la pratique médicale ? Nous avons posé la question à nos experts qui, chacun dans leur domaine, manipulent au quotidien les outils d’e-santé.

technologiesJacques Rossler.
Directeur Information & Systèmes aux Cliniques universitaires Saint-Luc

Selon vous, de quelle innovation en matière d’e-santé le professionnel de la santé ne pourrait-il plus se passer aujourd’hui ?

« Le professionnel de soins ne peut plus se passer d’un dossier médical intégré. Dans le passé, les informations du patient se retrouvaient dans des systèmes assez disparates et dispersés au sein d’une institution : à chaque service son propre système informatique. Depuis quelques années, on s’oriente de plus en plus vers une intégration de toutes ces informations afin que le professionnel de santé puisse avoir une vue complète du trajet de soins du patient, à savoir l’ensemble des informations liées à son état de santé et à sa prise en charge. Cela évite aussi au patient de devoir répéter plusieurs fois les mêmes infos et aux professionnels rencontrés, de les réencoder systématiquement. »

Quels sont les avantages des nouvelles technologies vis-à-vis des données de santé ?

« Un point de plus en plus sensible pour le patient est de s’assurer que seules les personnes autorisées ont accès à leurs informations. Les nouvelles technologies permettent de tracer avec exactitude qui a accédé à quoi. Et, évidemment, d’autoriser ou de ne pas autoriser l’accès au dossier médical du patient. Ce qui n’était pas possible avec le dossier papier. D’autre part, les appareils connectés, que certains considèrent comme des gadgets, permettent de récolter différents types de données. Si leur fiabilité n’est pas celle des appareils de mesure certifiés au niveau médical, ils peuvent donner des tendances, mettre la puce à l’oreille d’un médecin et l’encourager à creuser davantage. »

Dans les années à venir, quelles sont ou seraient les innovations attendues/espérées ?

« Dans tout ce qui concerne les prises de paramètres et de mesures chez le patient. Et aussi l’accès du patient, à un portail, pour dialoguer facilement avec son médecin, prendre un rendez-vous ou remplir un document. Le médecin s’attend, lui, à plus d’intégration afin de passer moins de temps derrière l’ordi et plus avec le patient. Enfin, la tarte à la crème, c’est l’intelligence artificielle, à savoir l’exploitation des données de façon à pouvoir tirer des statistiques et des prédictions sur l’évolution de l’état de santé d’un patient. Cette aide à la décision ne remplacera pas le médecin, mais lui permettra de cibler plus facilement les patients qui auraient besoin d’une prise en charge précoce. » 


technologiesFrédéric Lebeau.
Co-fondateur de la Startup Datavillage

Selon vous, de quelle innovation en matière d’e-santé le professionnel de la santé ne pourrait-il plus se passer aujourd’hui ?

« Force est de constater qu’aujourd’hui, l’utilisation de la donnée est devenue quelque chose d’essentiel dans la société et les entreprises, dans quasi tous les secteurs, y compris celui de la santé. Néanmoins, le domaine de l’e-santé n’en est encore qu’à ses débuts. De simples avancées, comme l’utilisation de la carte d’identité électronique liée au dossier médical, le fait de pouvoir consulter son historique Mutuelle à l’aide de son identifiant permettent déjà de faciliter les interactions entre le citoyen et les soins de santé. On voit aussi l’émergence de l’utilisation du Big Data dans l’analyse des informations cliniques, des pathologies, etc., même si elle reste pour le moment limitée en Belgique. »

Quels sont les avantages des nouvelles technologies vis-à-vis des données de santé ?

« Les avantages ont trait à tout ce que révèle ou peut révéler le traitement de ces données. L’une des prochaines étapes naturelles devrait être l’interopérabilité des données afin de permettre à un citoyen de rassembler, garder un historique et utiliser ses données de santé dans différents contextes avec différents services : vis-à-vis des médecins, des hôpitaux, mais aussi d’un coach sportif, par exemple, etc. À cela devrait s’ajouter l’accélération des objets connectés qui permettent de monitorer notre santé. Ainsi, les nouvelles technologies permettent aux personnes de devenir plus proactives que réactives par rapport à leur santé , avec une idée : ’’rester en bonne santé plutôt que d’être soigné’’. »

Dans les années à venir, quelles sont ou seraient les innovations attendues/espérées ?

« L’opportunité de la donnée personnelle de santé est énorme, mais le risque est qu’à l’instar de celles issues des réseaux sociaux et moteurs de recherche, elle devienne un atout commercial. Dans tous les domaines, et certainement celui de la santé, la donnée doit rester sous le contrôle de l’individu, tout en permettant une utilisation avancée de celle-ci par les organisations, à des fins d’intérêt général. En outre, avoir accès aux données est bien, mais les ‘‘faire parler’’ est mieux. Rendre les données intelligentes est la prochaine étape en matière d’e-santé. Présenter des données sous forme de graphes de connaissance permet d’enrichir ces données, de révéler des relations, de dégager des pistes… »


 

technologiesDr Paul De Munck.
Médecin généraliste, Président du Groupement Belge des Omnipraticiens (GBO)

Selon vous, de quelle innovation en matière d’e-santé le professionnel de la santé ne pourrait-il plus se passer aujourd’hui ?

« Le dossier médical informatisé (DMI) unique partagé. Parce que l’enjeu est d’améliorer la pratique multidisciplinaire, et la centralisation et l’accès aux données des patients y participent. C’est un progrès pour le patient qui peut consulter tous les documents le concernant via Masanté.be. Et pour le professionnel car cet outil améliore sa pratique et l’efficacité de ses soins. Une des grandes plaintes de la médecine générale était la difficulté d’accès aux examens pratiqués par la médecine spécialisée et aux protocoles de soins. Le DMI partagé et unique signifie qu’à terme, il n’y aura plus qu’un seul dossier que tous les soignants, sous certaines conditions bien évidemment, pourront consulter. »

Quels sont les avantages des nouvelles technologies vis-à-vis des données de santé ?

« Les datas médicales présentent de gros avantages. L’Administration de la Santé Publique doit avoir accès aux données liées à tous les problèmes de santé traités par des médecins généralistes (MG). Mais aussi à l’offre de soins : nombre de MG actifs, disponibilités, etc. Au niveau d’un pays, on doit avoir des vues macro, à condition que les données récoltées soient les mêmes, avec des sources d’approvisionnement et des accès identiques pour tous. Cela permet des comparaisons, au niveau national, puis européen et mondial. Une façon d’interroger sa pratique médicale pour voir où l’on se situe et comment l’améliorer. On devrait mettre en place en Belgique un vrai système d’information sanitaire de routine. »

Dans les années à venir, quelles sont ou seraient les innovations attendues/espérées ?

« Par rapport aux datas médicales, le gros enjeu est la protection du citoyen. La collecte et le traitement des données médicales doivent être bétonnés au niveau du règlement général de protection des données de vie privée et de santé, pour éviter leur utilisation à des fins commerciales ou marchandes. Il faut aussi continuer à développer des outils pour alléger la charge administrative du médecin généraliste, ainsi que le vaste domaine de la télémédecine (téléconsultation, télé-expertise, etc.). Sans oublier les applis qui augmentent l’autonomie et le rôle du patient dans le suivi de sa santé. Et, bien sûr, l’outil d’aide au diagnostic et à la décision thérapeutique intégré dans le DMI. »

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