médecine
Santé

Et demain ?

17.03.2022
par Frédéric Vandecasserie

L’avenir de la médecine s’annonce hautement technologique, connecté et placé sous le signe de la « data ». Mais il faudra veiller à que son accès soit le plus large possible. Sans oublier les questions éthiques qui pointent avec insistance…

La médecine du futur consistera en un écosystème basé sur un monde connecté. Comme le confirme Philippe Coucke, Chef du service de radiothérapie au CHU de Liège et auteur du livre « Médecine du futur ». « On pourra, par exemple, suivre les patients chroniques et connectés à distance. La technologie devrait permettre de récupérer un maximum de données à leur sujet. Celles-ci seront ensuite analysées grâce au « machine learning ». Et c’est la déviance de certaines des données analysées par rapport à ce qu’elles devraient être qui générera un message d’alerte en direction du personnel soignant. »

Mais concrètement, où en sommes-nous ? Philippe Coucke poursuit: « Des applications de ce type existent déjà mais sont peu implémentées car elles se heurtent à un obstacle très culturel: la résistance au changement. »

Cela dit, outre des réticences d’ordre culturel, les aspects éthiques liés à l’utilisation des données posent aussi bien des questions. Un paradoxe flagrant pour notre interlocuteur, quand on sait que certains n’hésitent pas, par ailleurs, à étaler leur vie sur les réseaux sociaux. Philippe Coucke plaide donc pour un concept baptisé « la philanthropie des données ». « Ce précepte prône le partage des « datas » de manière sécurisée. Ce concept responsabilise les gens et réintroduit, par la même occasion, la notion de solidarité. Puisque la communication et l’analyse de données permettra de construire des modèles prédictifs qui pourront ensuite servir à d’autres personnes. »

La médecine connectée est parfaitement en phase avec l’un des principes essentiels énoncés par l’OMS selon lequel « chacun doit bénéficier d’un accès égal aux soins de santé.

– Philippe Coucke

Bref, l’évolution de la médecine passera donc, comme toute révolution, par les trois phases théorisées par Schopenhauer: « Une révolution est d’abord ridicule, puis perçue comme dangereuse, avant de finir par devenir évidente. ». « Nous n’en sommes pas encore à la troisième étape », pointe Philippe Coucke. « Mais cela devrait venir assez vite. D’autant plus que la médecine connectée est parfaitement en phase avec l’un des principes essentiels énoncés par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), selon lequel « chacun doit bénéficier d’un accès égal aux soins de santé ». Et, dans cette optique, la connexion à distance peut, enfin, rendre l’accès aux soins équitable. »

Une condition essentielle que relève aussi Luc Herry, médecin généraliste et Président de l’ABSyM, « Association belge des syndicats de médecins ». « La télémédecine va apporter une foule d’éléments positifs. Mais il faut avant tout que chacun dispose du matériel adéquat. »

Par ailleurs, si elle implique des changements d’habitude chez les patients, la médecine connectée va aussi bouleverser le fonctionnement de base de nos systèmes de santé. Luc Herry s’en explique : « Aujourd’hui, les prestations médicales sont payées à l’acte. Bref, on valorise la quantité des prestations effectuées auprès d’un patient, alors qu’il faudra plutôt valoriser la qualité des actes quand celui-ci sera connecté. Et puis, il ne faut jamais oublier un facteur essentiel : quelle que soit l’évolution technologique, la prescription médicale doit rester l’apanage du médecin ! »

Et enfin, pas question de confondre « télémédecine » avec « auto-médecine ». « Aujourd’hui, un patient sur cinq fait appel à « Docteur Google », déplore Luc Herry. « Nous recevons donc régulièrement des gens qui croient savoir ce qu’ils ont et pensent donc pouvoir se soigner en fonction, même s’ils n’ont pas vu de médecin pour autant. Ce qui est bien entendu très dangereux. Et la sensibilisation à cette dérive fait aussi partie de la médecine du futur. »

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