R&D
Opinion

Il faut continuer à investir dans l’innovation belge

23.03.2023
par Thibaut Van Hoof

Ces dernières années, la Belgique a connu un essor important dans le domaine de la recherche et du développement. De nombreux secteurs répondent à la demande d’innovation pour contribuer, notamment, à la transition écologique et énergétique. 

R&DEdward Roosens
Chief Economist à la Fédération Belge des Entreprises (FEB)

Qu’est-ce qui explique le succès de la R&D belge ces dernières années ?

« Je pense qu’il faut d’abord constater que les performances en matière de recherche et de développement ont été exceptionnelles ces dernières années. En 2009, la R&D représentait 1,3 % du PIB en Belgique. Aujourd’hui, nous en sommes à 2,4 %. On est donc passé de la moyenne européenne à ce qui se fait de mieux sur le continent, c’est remarquable. Il y a eu un climat fiscal très propice à l’innovation. La mesure la plus importante est la réduction du précompte professionnel pour les chercheurs. Cela a permis un vrai développement et il suffit de regarder le nombre de brevets déposés ces dernières années pour s’en rendre compte. On est passé de 90.000 brevets en 2009 à 209.000 en 2020. »

Quels sont les grands enjeux actuels auxquels vous devez faire face ?

« L’enjeu principal touche à la fiscalité. Il faut maintenir ce cadre juridique propice aux entreprises dans les années à venir. Ces derniers mois, on évoque avec insistance une réforme fiscale qui pourrait toucher à ces avantages. Cela pourrait pousser certaines grandes entreprises internationales à ne plus investir en Belgique. Pourquoi considérer comme un problème quelque chose qui fonctionne bien au niveau fiscal et qui attire des investisseurs ? On veut aller chercher de l’argent en urgence alors que la R&D ne fait que créer de nouveaux emplois qui remplissent les caisses de l’Etat, même avec la réduction du précompte professionnel. Si on ne crée plus d’emploi, l’Etat ne gagnera plus d’argent. »

Quels sont, selon vous, les principaux défis pour les mois et années à venir ?

« Au niveau régional et européen, des moyens vont être débloqués dans les années à venir dans le cadre du Green Deal et de la transition écologique. Le défi sera de capter ces investissements pour que la Belgique reste une place forte au niveau de l’innovation et que notre pays continue à attirer de grandes multinationales. Pour que cela fonctionne, il est primordial que le monde de l’entreprise et le monde académique continuent à collaborer et à échanger des informations. Enfin, il va falloir que les différentes régions de notre pays se rapprochent. On est parfois plus au courant de ce qui se passe en France, en Espagne ou aux Pays-Bas que de l’autre côté de la frontière linguistique. »

 innovationOlivier Vergeynst
Directeur de l’Institut Belge du Numérique Responsable

Qu’est-ce qui explique le succès de la R&D belge ces dernières années ?

« Nous ne faisons pas de R&D à proprement parler à l’Institut Belge du Numérique Responsable, mais nous profitons de toutes les avancées et de tous les nouveaux outils mis à disposition par les universités ou différentes start-up pour avancer. Cela nous permet de mesurer précisément les enjeux actuels et de prendre des actions pour sensibiliser les entreprises. Ces dernières années, les choses ont beaucoup avancé, et nous arrivons à mettre la pression sur les fournisseurs pour qu’ils produisent des outils moins énergivores, mais aussi des sites internet mieux conçus et des systèmes de traitement de big data ayant moins d’impact sur l’environnement. Naturellement, tout cela passe aussi par la gestion de l’énergie. »

Quels sont les grands enjeux actuels auxquels vous devez faire face ?

« Le premier grand enjeu, c’est la sensibilisation. On s’en rend compte tous les jours : les gens manquent tout simplement d’infos sur le sujet que nous portons. On parle toujours de la pollution émise par les voitures, les avions et les usines, mais le numérique génère aussi une empreinte énorme. Supprimer régulièrement ses mails ne suffira pas à changer les choses. Sans culpabiliser ni accabler les gens, il faut revoir certains modèles de consommation. A-t-on vraiment besoin d’un nouvel ordinateur chaque année ? C’est dans ce sens que le développement du marché du reconditionné a du sens, ainsi que la création de nouvelles technologies qui peuvent venir en soutien de notre action. »

Quels sont, selon vous, les principaux défis pour les mois et années à venir ?

« A court et moyen terme, je crains qu’on prenne trop facilement pour acquis que la technologie va évoluer et tous nous sauver. Il y aura un moment où on sera bien obligé de passer par plus de sobriété. La R&D doit participer à un changement des mentalités dans les années à venir. Il ne faut pas oublier que plusieurs grands domaines de recherche ont besoin des mêmes matériaux pour développer de nouveaux outils, comme le renouvelable, les équipements médicaux ou le numérique. Il n’y en aura à terme pas assez pour tout le monde, et revoir la manière dont on consomme nos smartphones et télévisions encouragera aussi le développement de nouvelles machines plus importantes dans le futur. »

R&DCharles Delhaye
CEO d’Haulogy, entreprise spécialisée dans l’IT énergétique

Qu’est-ce qui explique le succès de la R&D belge ces dernières années ?

« Développer des logiciels demande un gros effort en recherche et développement. Nous nous sommes donc spécialisés dans le cadre de l’énergie pour développer des outils concrets et efficaces. Ce qui a fait notre succès, c’est cette collaboration avec le monde universitaire, notamment l’Université de Liège. Nous avons pu démarrer avec un corpus déjà conséquent qui a permis de ne pas partir de zéro, et donc de diminuer notre risque dès le départ. Ce risque étant de développer une solution qui ne couvrirait pas les besoins de nos clients et qui n’aurait aucune pertinence scientifique. En Belgique, on peut heureusement s’adosser à des recherches de laboratoires universitaires de pointe. »

Quels sont les grands enjeux actuels auxquels vous devez faire face ?

« Aujourd’hui, nous réinvestissons 100 % de notre marge brute dans la R&D. Ce qui signifie développer de nouveaux logiciels, mais aussi enrichir les outils existants pour les faire davantage correspondre à la demande des clients. Il va falloir continuer ces investissements tout en évoluant dans un domaine de l’énergie qui est fortement réglementé en Belgique, avec des organismes comme la Cwape ou la Creg, et les différents ministres compétents. Cette démarche devrait aussi intégrer l’innovation, pour créer un moteur d’innovation dans un cadre législatif clair. Tout l’enjeu est d’avoir une adéquation entre les idées politiques, le cadre réglementaire, l’imagination et le développement technologique. »

Quels sont, selon vous, les principaux défis pour les mois et années à venir ?

« Le défi pour le secteur des innovations énergétiques sera de créer de l’emploi dans les années à venir. Chez Haulogy, nous engageons une personne par semaine en moyenne, et on veut faire mieux encore. Les axes de croissance sont nombreux pour y arriver. Je pense, par exemple, à l’informatisation des usages et de la consommation d’énergie, mais aussi à la manière dont on va intégrer l’énergie verte dans nos systèmes électriques, tout en gérant le caractère intermittent de ces énergies dans la production totale. »

Article précédent
Article suivant