Nos infrastructures sont-elles prêtes pour la mobilité électrique ?
En Belgique, la 100.000ème voiture entièrement électrique a été immatriculée en février 2023. Selon les prévisions, une voiture sur trois circulant sur nos routes sera électrique d’ici 2030, soit entre 2 et 3 millions de véhicules. Sommes-nous prêts à les accueillir ?
Pour EV Belgium, la fédération belge de l’électromobilité, c’est une certitude : la mobilité électrique va croître de manière exponentielle dans les années à venir. En moins de deux ans, le nombre de bornes de charge électrique (lentes et rapides) a triplé en Belgique. Notre pays dispose actuellement de plus de 36.000 points de recharge via les bornes (semi-)publiques, en plus des bornes privées installées aux domiciles et sur les lieux de travail. Un chiffre largement suffisant pour servir la flotte existante, estimée à 140.000 véhicules par EV Belgium à l’heure d’écrire ces lignes. « Les experts estiment qu’il faut prévoir un point de recharge accessible au public pour 10 véhicules électriques. Nous sommes donc armés pour couvrir nos besoins actuels et encore ceux de nombreuses voitures électriques supplémentaires à venir », explique Romain Denayer, le coordinateur de l’association.
La Flandre 5 fois mieux équipée que la Wallonie
Le problème ? Les points de recharge pour voitures électriques sont inégalement répartis sur le territoire national. Actuellement, on en compte environ 28.000 en Flandre, entre 3.000 et 4.000 à Bruxelles et seulement 5.000 en Wallonie ! « Il est regrettable qu’on ne trouve quasiment aucune station de recharge dans des grandes villes telles que Charleroi ou Liège », pointe Damien Ernst, spécialiste de l’électricité à l’Université de Liège. « Le fossé entre le nord et le sud du pays se fait de plus en plus ressentir. Heureusement, le monde politique commence à se réveiller et la Région wallonne pourrait – par le biais plusieurs décisions et appels d’offres clés – rapidement rattraper son retard », rassure Romain Denayer. « La Belgique figure dans le top 5 des pays européens les plus avancés dans la transition vers une mobilité électrique plus durable. Si la Wallonie s’y met, on pourrait même devenir numéro un ! », se réjouit le coordinateur d’EV Belgium, affirmant que dans ce domaine notre petit pays n’a absolument pas à rougir.
Dans les années à venir, on risque de subir des blackouts locaux si trop de gens décident de recharger leur véhicule électrique en même temps.
Réseau sous haute tension
Le principal défi face à ce développement se situe au niveau du réseau électrique, amené à devoir gérer une demande de plus en plus importante. « Notre système n’est pas encore prêt. La période de transition, entre 2024 et 2027, promet d’être difficile parce que notre cadre régulatoire va forcer une très forte croissance des véhicules électriques mais que rien n’est adapté au niveau des réseaux de distribution », prévient Damien Ernst.
« Dans les années à venir, on risque de subir des blackouts locaux si trop de gens décident de recharger leur véhicule électrique en même temps. Cela va provoquer une trop grosse charge sur le réseau basse tension. Et le disjoncteur, qui protège le transformateur basse tension-moyenne tension, va sauter. Ce qui veut dire que la rue entière va se retrouver sans électricité », prédit le spécialiste. Les gestionnaires de réseaux de distribution doivent mettre en place des stratégies, passant par l’installation de compteurs intelligents, pour étaler le chargement du véhicule électrique dans la nuit par exemple, afin d’éviter ces blackouts locaux. Il y a également toute une infrastructure, appelée “smart grid”, à développer.
Le smart charging : la solution ?
La mobilité électrique représente l’une des clés pour flexibiliser le réseau électrique à l’avenir. « Le véhicule pourrait être utilisé comme une batterie pour stocker de l’électricité verte (via des panneaux photovoltaïques, par exemple) quand elle est produite en grande quantité, pour ensuite réinjecter cette même électricité dans le réseau quand celui-ci dispose de trop peu d’électricité (contre rémunération) », détaille Romain Denayer. Le parc automobile pourrait ainsi se transformer en fournisseur intelligent d’électricité verte en cas de besoin, ou quand les prix de l’électricité sur le marché sont trop élevés. Et ce, au niveau d’un ménage, d’une rue, d’un quartier ou même du réseau complet !