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Enfant

Éduquer ses enfants, tout un programme

12.10.2020
par Fokus-online.be

Sur les bancs de l’école ou à la maison, l’éducation des enfants est un travail quotidien qui nécessite une attention continue. Pour encadrer cette rentrée scolaire pas comme les autres, un trio d’experts nous conseille.

Isabelle Roskam
Initiatrice/directrice de l’IIPB (International Investigation of Parental Burnout) et professeure à l’UCL

Planifier ou improviser les loisirs de son enfant ?

« Grâce à la répétition et la rythmicité des activités, la planification est un outil cognitif. Il impose à l’enfant des contraintes, la gestion et l’anticipation du temps. En structurant ses loisirs, il découvre les notions d’engagement, de choix et d’obligations. Un apprentissage essentiel à son développement. Pourtant, pour être en équilibre, les loisirs planifiés doivent être accompagnés d’espaces libres où l’improvisation d’activités est possible. Dans la vie, on ne peut pas toujours tout contrôler. Il est donc très important de conserver du temps libre, se laisser surprendre. Et éviter les agendas de ministre remplis d’activités extra-scolaires qui surchargent l’enfant. L’ennui, c’est très bon aussi ! »

Les écrans, danger ou complément d’éducation ?

« Du tri des photos de vacances à la recherche d’infos, se passer des écrans est devenu impossible. Pour les parents, la mission n’est pas d’en priver les enfants. Mais de leur apprendre à s’en servir correctement, à gérer leur temps d’utilisation. Et en comprendre le plein potentiel. Un écran, c’est plus que des jeux vidéos. On peut y apprendre les langues, la musique et même faire du sport. Sur le plan social, par contre, communiquer en ligne ne suffit pas. Les écrans isolent et ne permettent pas de créer de liens. À la maison, planifier les temps d’écran des enfants dès le début de semaine. Et en définir les différentes utilisations permettent d’instaurer des limites sans entraîner un déficit social. »

En tant que parent, comment savoir si j’en fais assez ?

« Le parent parfait n’existe pas. Faire tout bien, c’est impossible. En tant que parent, vous influencez et offrez des opportunités. Mais ne pouvez pas être maître de ce qu’en fait l’enfant. Le parent n’a pas 100 % des cartes en main. Tout maîtriser est un mythe. L’enfant joue un rôle important dans son propre développement. Un parent suffisamment bon est ferme, bienveillant et doté de bonnes intentions. Il laisse de l’espace à l’enfant pour vivre son autonomie, faire ses propres choix et propres expériences. Et quitte à ce que celles-ci soient douloureuses ou problématiques. Il lui apprend que l’erreur n’est ni grave, ni dangereuse. Elle fait partie d’un apprentissage et les adultes en font aussi. »

Nadia Bledig
Neuropsychologue au centre EPLA (équipe pluridisciplinaire) de Liège

Planifier ou improviser les loisirs de son enfant ?

« Un jeune enfant a besoin de routine car elle est sécurisante et rythme son quotidien. En grandissant, les besoins évoluent et l’envie de liberté commence à s’affirmer, la routine peut donc être vue comme une contrainte. En fait, la planification suit le rythme de l’enfant et reste cohérente par rapport à celui-ci. Dans ma pratique, je travaille avec des enfants en difficulté, pour qui le changement engendre des anxiétés. La mise en place d’un agenda et d’un semainier est essentielle pour aborder la semaine sereinement. En sachant d’avance ce qui y est prévu. Pour garder une certaine cohérence dans la vie des plus petits et des enfants en difficulté. La planification des activités est fortement conseillée. »

Les écrans, danger ou complément d’éducation ?

« Chez les moins de 6 ans, être exposé à plus de deux heures d’écran augmente de 7 % le risque de développer un trouble de l’attention. Devant un jeu vidéo, l’enfant n’apprend pas à rester concentré durant des périodes de temps soutenues. C’est même plutôt le contraire. De l’immédiateté, des récompenses et une concentration brève, l’écran déclenche un cercle vicieux. Il n’entraîne pas l’enfant aux attentes de la vie scolaire. Facteurs de risque importants dans l’émergence des troubles de l’attention et de la concentration. Les écrans deviennent des compagnons dont le mauvais usage représente un danger par rapport à la qualité d’attention. Le comportement et les attentes de l’enfant. »

En tant que parent, comment savoir si j’en fais assez ?

« Être parent, c’est avant tout faire preuve d’un éternel réajustement. Il est important de déculpabiliser et s’éloigner des pressions sociales qui viennent causer un surmenage et amènent un stress néfaste pour toute la famille. À partir du moment où chacun trouve sa place, se sent entendu et reconnu tout en communiquant ouvertement, un équilibre peut être atteint. Idéalement, il ne faut pas placer l’adulte plus haut que l’enfant. Et essayer d’accorder une place égale aux émotions de chacun tout en respectant les limites instaurées dans le cadre familial. Si les membres de la famille sont épanouis et que chacun réussit à s’octroyer du temps à soi, c’est qu’on en fait suffisamment. »

Guilhem de Crombrugghe
Directeur de Prospective Jeunesse

Planifier ou improviser les loisirs de son enfant ?

« Le plaisir, la détente et le contact social font partie des besoins fondamentaux chez les adultes, tout comme chez les enfants. Pour pouvoir atteindre un certain équilibre et réduire ainsi les comportements dépendants, il faut être capable de diversifier ses sources de loisirs et de plaisirs. Le fait d’établir une structure et de mettre en place un cadre. Un cadre autour de ces loisirs permettent de faire la différence entre un jeune isolé et un jeune plus épanoui au quotidien. Pour ma part, je vois aussi les écrans comme une source de loisirs. C’est donc là que la planification aide à prévenir la dépendance. Il faut pouvoir respecter un cadre, passer d’un loisir à un autre, mais aussi se passer de l’un ou de l’autre. »

Les écrans, danger ou complément d’éducation ?

« Comme pour le cannabis il y a dix ans, les enseignants s’interrogent désormais sur la question des écrans et de leur consommation. Bien qu’ils soient avant tout des outils, leurs usages et rôles restent encore à définir. L’utilisation des écrans n’est pas un souci en soi. C’est ce qu’on va y faire et pendant combien de temps qui importent. Avec le confinement, le curseur lié à l’usage des écrans s’est déplacé et je pense qu’il y aura un avant et un après Covid-19. Où la place prise par les écrans dans nos vies restera plus importante. En famille ou à l’école, il va falloir baliser et s’assurer que le temps passé par nos enfants sur les écrans n’est pas néfaste pour leur santé mentale, physique et sociale. »

En tant que parent, comment savoir si j’en fais assez ?

« Chaque enfant est différent et il n’y pas de recette miracle qui s’applique à tous. Cela tient plus de la négociation au quotidien et du cas par cas. Je pense que l’éducation des enfants et la capacité des parents à en faire suffisamment dépend du contexte de chaque famille. Comme tout le monde, les parents sont limités par leur environnement, la fatigue et par d’autres priorités. Chaque jour, il faut donc jongler avec une multitude de casquettes. Tantôt parent, tantôt enseignant, tantôt copain de jeu. Il faut, dans la mesure du possible, s’adapter tout en respectant, bien sûr, nos limites personnelles. Une chose est claire, la situation vécue ces derniers mois a été très difficile pour beaucoup d’entre nous. »

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