décarbonisation
Energie

Comment nos industries se préparent-elles à la décarbonisation ?

08.12.2022
par Célia Berlemont

À l’heure où la responsabilité écologique est au cœur de tous les débats, y compris dans les secteurs de la construction, de l’alimentation et de l’industrie pharmaceutique, la décarbonisation s’accélère grâce à des mesures concrètes. Pour réduire de 35 % ses émissions de CO2 d’ici 2035, nos trois experts détaillent leurs efforts et actions.

décarbonisationHervé Camerlynck
Directeur de la Fédération de l’Industrie Cimentière Belge (FEBELCEM)

Quels sont les enjeux liés à la décarbonisation pour votre secteur et que représentent-ils ?

« Le secteur cimentier est un pan essentiel du secteur de la construction. En Belgique, les émissions de CO2 liées à la production de ciment représentent un peu moins de 4 % des émissions de gaz à effet de serre. Pour atteindre la neutralité carbone, le secteur doit d’une part diminuer les “émissions de process”, c’est-à-dire générées par des étapes de production qui ne peuvent être évitées (réaction chimique de décarbonatation), mais aussi réduire les émissions dues aux combustibles. D’autre part, le secteur doit aussi développer des solutions pour capter les émissions résiduelles. Le défi consiste donc à produire à grande échelle du ciment neutre en carbone et qui continue à répondre à 100 % aux exigences affichées par la construction. »

Parlons stratégie ! Quelles mesures avez-vous déjà mises en place afin de réduire, entre autres, votre empreinte carbone et vos émissions de gaz à effet de serre ?

« Entre 1990 et 2022, l’empreinte carbone d’une tonne de ciment a baissé d’environ 30 % en Belgique, soit une des meilleures performances mondiales avec une moyenne de 540 kg de CO2 par tonne de ciment. Cette réduction provient d’amélioration générale de la performance énergétique et d’initiatives d’économie circulaire telles que le recours au co-processing (valorisation de déchets non-recyclables comme matières premières et combustibles alternatifs) et l’utilisation de déchets issus d’autres industries dans notre production. Pour les 70 % restants, une ‘Roadmap 2050’ soulignant différents leviers a été établie. On y retrouve certains développements déjà mis en œuvre et d’autres beaucoup plus innovants. »

Repenser son futur énergétique est un défi colossal. En pleine transformation, quelles sont les nouvelles techniques et choix technologiques qui participent à votre processus de décarbonisation progressive ?

« La décarbonisation du ciment nécessite des investissements très importants se chiffrant en centaines de millions d’euros. Des installations de capture de CO2 (nécessitant une consommation électrique substantielle) sont à l’étude un peu partout en Belgique. Certaines verront le jour en Europe avant 2030. Enfin, il est important de rappeler que l’objectif est de limiter l’empreinte environnementale du bâti : c’est-à-dire la consommation énergétique des bâtiments ainsi que l’empreinte des matériaux utilisés. Pour cela, le secteur du ciment et du béton dispose de nombreux atouts, notamment grâce à une collaboration renforcée entre tous les acteurs de la chaîne de valeur de la construction depuis la conception jusqu’à la fin de vie, en passant par la réalisation et l’utilisation. »

énergieTom Quintelier
Environmental Affairs & Energy Advisor chez FEVIA (Fédération de l’industrie alimentaire belge)

Quels sont les enjeux liés à la décarbonisation pour votre secteur et que représentent-ils ?

« Lors de la production de denrées alimentaires et de boissons, les entreprises émettent directement du CO2 via l’utilisation de gaz pour le chauffage et la cuisson, et indirectement via l’électricité pour le refroidissement et le fonctionnement des machines et de gaz fluorés dans les installations de refroidissement. Nous souhaitons contribuer à la réalisation des objectifs de l’Europe. Depuis 1990, les entreprises alimentaires ont réduit leurs émissions absolues de CO2 de 18,5 %. Nous voulons poursuivre dans cette voie en réalisant une réduction annuelle de 1,5 % par unité produite. En 2019, la réduction relative était de 16 %. Notre secteur ambitionne donc de doubler cet effort d’ici 2025. »

Parlons stratégie ! Quelles mesures avez-vous déjà mises en place afin de réduire, entre autres, votre empreinte carbone et vos émissions de gaz à effet de serre ?

« Depuis 2005, plus de 160 entreprises participent à des accords volontaires en Flandre et enWallonie et réalisent régulièrement des audits énergétiques afin de prendre toutes les mesures rentables qui s’imposent. Souvent, les entreprises alimentaires produisent elles-mêmes de l’énergie renouvelable ou investissent dans des installations. Pour aller plus loin que les mesures classiques d’efficacité énergétique, nous avons créé des réseaux d’apprentissage sur l’énergie. Dans le cadre des plans régionaux de réduction des émissions de CO2, nous nous assurons que les PME investissent effectivement dans des mesures adéquates par le biais d’un accompagnement concret adapté à leurs besoins avec le projet EFES. »

Repenser son futur énergétique est un défi colossal. En pleine transformation, quelles sont les nouvelles techniques et choix technologiques qui participent à votre processus de décarbonisation progressive ?

« Les émissions de CO2 dans l’industrie alimentaire proviennent principalement de l’utilisation du gaz naturel. Il est donc nécessaire de trouver une alternative telle que l’électrification et l’utilisation de biogaz ou d’hydrogène. Néanmoins, ces alternatives ne sont pas suffisamment disponibles ou ne sont pas encore prêtes à être commercialisées. Par exemple, les pompes à chaleur à haute température constituent une technologie très prometteuse qui n’est pas disponible pour deux raisons : son coût élevé ne permet pas une mise en œuvre immédiate et l’électricité qu’elle consomme doit être renouvelable. C’est donc un défi supplémentaire que l’industrie alimentaire ne peut résoudre seule. »

décarbonisationAnne-Laure Demarcy
Head of Environmental Sustainability chez UCB

Quels sont les enjeux liés à la décarbonisation pour votre secteur et que représentent-ils ?

« Un des enjeux et des défis que nous – et probablement d’autres acteurs du secteur pharmaceutique – rencontrons est la réconciliation complexe des échéances entre les très longs délais de recherche et développement avant la mise sur marché de nos produits et l’implémentation de technologies de décarbonisation qui progressent très vite. Un autre enjeu de taille est la réflexion en lien direct avec la nature de notre portefeuille de produits actuels, soit des produits biologiques consommant plus d’eau. Outre le CO2, le changement climatique comprend d’autres piliers environnementaux essentiels tels que l’eau, un facteur important pour la Belgique qui est déjà considéré comme un pays à haut stress hydrique. »

Parlons stratégie ! Quelles mesures avez-vous déjà mises en place afin de réduire, entre autres, votre empreinte carbone et vos émissions de gaz à effet de serre ?

« Chez UCB, nous avons trois objectifs visant à réduire nos émissions de gaz à effet de serre (en valeur absolue à échéance 2030) pour être neutre en carbone en 2030 (soit – 38 %), réduire notre consommation d’eau de 20 % et nos productions de déchets de 25%. Aujourd’hui, le défi est de réduire notre impact tout en faisant croître notre portefeuille de produits et les capacités de production associées.  Par conséquent, il est essentiel de rendre nos opérations plus économes, avec de vaste programme d’optimisation énergétique, mais également de mettre en place une transition en matière de mobilité (voitures électriques, transport maritime de nos marchandises) et l’utilisation d’énergies décarbonées. »

Repenser son futur énergétique est un défi colossal. En pleine transformation, quelles sont les nouvelles techniques et choix technologiques qui participent à votre processus de décarbonisation progressive ?

« Étant donné notre croissance et nos objectifs, nous ne pouvons pas nous contenter d’améliorer l’existant, mais devons aussi faire et implémenter du “green by design”, soit l’intégration de l’environnement et des critères environnementaux dès la genèse d’un projet, que ce soit de construction ou de développement de produits. Par exemple, tous nos nouveaux bâtiments sont certifiés BREEAM pour l’Union européenne ou LEED pour les États-Unis. Et en ce qui concerne nos produits, nous avons lancé un programme de notation environnementale interne afin d’évaluer le véritable impact d’un médicament durant l’entièreté de son cycle de vie. Ainsi, il est possible d’intégrer des objectifs de réduction pour chaque produit. »

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