Interview par Frédéric Vandecasserie

Delphine de Saxe-Cobourg : « Je ne me suis jamais sentie aussi bien ! »

À un peu plus de 50 printemps, Delphine de Saxe-Cobourg se sent épanouie comme jamais. Passionnée et passionnante, cette artiste ne connaitra sans doute jamais le débat sur l’âge de la retraite tant son art l’habite en profondeur…

À un peu plus de 50 printemps, Delphine de Saxe-Cobourg se sent épanouie comme jamais. Passionnée et passionnante, cette artiste ne connaitra sans doute jamais le débat sur l’âge de la retraite tant son art l’habite en profondeur…

Lorsque vous avez passé les 50 ans, vous l’avez vécu comme un cap ?

« Clairement, oui ! Même si, dans ma tête, j’ai toujours 20 ans. J’ai coutume de dire qu’à 50 ans, on peut être un jeune vieux ou un vieux jeune. Ou les deux à la fois… Je reste en tout cas très jeune dans ma tête. C’est l’essentiel ! Mais depuis la cinquantaine venue, je me pose en tout cas moins de questions bloquantes. »

Vous avez vécu la majorité de votre vie à Londres avant de revenir en Belgique. Vous avez constaté des différences dans la manière dont on appréhende l’âge des deux côtés de la Manche ?

« Je vois une différence fondamentale entre la ville de Londres et Bruxelles. Dans la 1ère, les gens ne vieillissent pas. Certains font encore la fête passé 80 ans. Cela s’explique par le fait que c’est une cité où il faut beaucoup se montrer et séduire dans tous les sens du terme… J’y ai d’ailleurs beaucoup vu de gens seuls. Et je crois que ce n’est pas un hasard : pour sortir sans avoir d’horaires, il vaut mieux ne pas avoir trop d’attaches. Tandis qu’à Bruxelles, beaucoup de gens sont en couple, ils ont souvent une vie de famille, on sort moins fréquemment seul. » explique Delphine.

On dit souvent que plus un artiste affiche de vécu, plus il a de choses à exprimer. Vous confirmez ?

« Absolument ! C’est la vie qui vous construit. Les expériences et les années donnent des choses à exprimer. En tant qu’artiste, et en tant que femme, je ne me suis jamais sentie aussi bien que maintenant. J’ai eu le temps d’observer l’humanité. Ce qui m’a permis d’être plus à l’aise dans ma tête et dans mon corps tout entier. »

Les expériences et les années donnent des choses à exprimer.

Vous vous sentiez moins à l’aise étant plus jeune ?

« En tout cas, plus jeune, je prenais les choses trop frontalement, trop à cœur. J’acceptais mal de ne pas être comprise par tout le monde. Je crois que c’est inhérent à la jeunesse : c’est une période de la vie où l’on ne comprend pas pourquoi ne fut-ce qu’une personne ne nous aime pas. Maintenant, si quelqu’un ne m’aime pas, cela ne me touche pas. Là, je suis heureuse d’être plus déconnectée. » dit Delphine.

L’art est, par nature, apprécié de manière subjective. Ce n’est pas le secteur le plus simple donc, si on encaisse mal la critique…

« Oui. La critique et les avis sur l’art reposent bel et bien sur de la subjectivité avant tout. L’art s’expose à la critique, c’est clair ! Pourtant, c’est toujours la voie que j’ai voulu suivre. J’ai commencé à dessiner vers 5-6 ans. J’ai appris plus tard ce que cela faisait mal d’être critiqué, en entrant dans une école d’art à 17ans. Et j’ai appris à vivre avec. J’ai ensuite compris progressivement comment gérer la peur. Avant, elle me paralysait. J’ai dû travailler là-dessus pour pouvoir continuer à avancer. Si on a trop peur, on risque surtout de ne rien tenter. »

Vous avez toujours été du genre à tout tenter ?

« Oui, mais je suis prudente malgré tout. J’ai toujours fonctionné par objectifs avec un horizon de 4 à 5 ans. Me disant que si je ne les atteignais pas, je changeais de direction. » rit Delphine.

Delphine

Quel est votre objectif du moment, alors ?

« Je suis en train d’explorer de nouveaux thèmes et sujets pour mes prochaines expositions. Mais, question projets à long terme, j’ai aussi très mal vécu la première semaine de Covid. Je devais faire l’école à mes enfants alors que, moi-même, je détestais l’école à leur âge ! C’est aussi l’an dernier que j’ai enfin senti la nécessité de vivre un maximum au présent. Car je n’avais aucun contrôle sur la situation. Bref, vous voyez, je suis moins radicale qu’avant envers moi-même. Et je pourrais, pourquoi pas, varier les plaisirs. Comme donner des conférences sur mon métier, ou tenir des workshops sur l’art, comme je l’ai d’ailleurs déjà fait. En tout cas rester au contact des gens, et des plus jeunes en particulier. »

Si la Delphine actuelle rencontrait la Delphine âgée de 20 ans, que lui dirait-elle ?

« Je lui dirais qu’il faut surtout croire à la vie. Et que les moments plus douloureux font, eux aussi, partie de l’existence. Là, même si je donne l’air d’avoir toujours tout maîtrisé dans ma carrière, j’ai cependant parfois pris des décisions en étant influencée par la fameuse peur dont je vous parlais. À certains moments, je me dis que le chemin aurait pu être plus intéressant. Même si je ne peux décemment pas me plaindre ! Et ce n’est pas fini… »

À vous écouter, on a l’impression que vous allez continuer votre métier d’artiste jusqu’à la fin…

« Et c’est une excellente impression. Puisque c’est la vérité ! Je ne me vois pas arrêter de créer. C’est impossible. Je ne pourrais pas me mettre sur ’’off’’. Jamais ! »

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Si vous n’aviez pas été artiste, vous seriez... 

« Au début de ma carrière, je me disais toujours que si mon parcours artistique ne fonctionnait pas comme je le souhaitais, j’aurais pu aussi devenir puéricultrice. J’ai toujours vu les bébés comme des anges. J’adore ce mélange d’innocence et de vulnérabilité. »

28.05.2021
par Frédéric Vandecasserie
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