cinquantaine
50+

de Warzee : « La cinquantaine »

23.03.2023
par Fokus Online
cinquantaine

Jerôme de Warzee, Humoriste et auteur

« On arrive à la cinquantaine, moitié sage, moitié fou, le cul assis entre deux chaises à tenter d’en joindre les deux bouts ». Ces vers sublimes de Serge Reggiani, qui est pour moi le plus grand interprète du XXème siècle, loin devant Jacques Brel et Bernard Minet, enchantent une de ses chansons trop méconnues intitulées “La cinquantaine”. 

Quand je l’écoutais à vingt ans, ce “vieux Monsieur” comme je l’appelais alors, avait pile l’âge que j’ai aujourd’hui. Et je me demandais à l’époque où j’en serais, à cinquante ans, et avec qui, et même si j’en serais encore, tant les chausse-trappes de la vie nous réservent des surprises plus ou moins souriantes. 

A vingt ans, je ne faisais rien. En tout cas rien qui puisse me permettre d’aborder l’avenir avec la sérénité seyant à des espoirs de carrière décrochée grâce à des diplômes que je ne posséderai jamais… vu qu’à l’école je n’avais réussi brillamment qu’une seule chose : tout rater. Spectateur de la vie des autres, je n’avais sur moi-même que le regard compatissant de celui qui se dit qu’il n’est pas bien méchant et qu’on verra bien ce que l’avenir lui déterminera. 

A trente ans, je ne faisais toujours rien. J’étais rentré dans la vie active par défaut, je la gagnais en prenant des risques totalement fous et inconsidérés. Oh non, je n’étais ni pompier, ni mercenaire au Moyen-Orient, c’était bien plus dangereux que cela : j’étais moniteur d’auto-école. Je sauvais des vies toutes les semaines et la mienne toutes les heures. Et j’avançais, papa, heureux, mais avec ce petit je ne sais quoi qui ne demandait qu’à jaillir. 

Si j’avais pu, j’aurais commencé directement par avoir 50 ans, car c’est maintenant que fondamentalement je me sens le mieux.

A quarante ans, ce fut le grand saut dans l’inconnu de la vie de bohème, les spectacles, la radio, je me découvrais passionné, minutieux, prolifique, une version améliorée (?) de moi-même que seuls le temps et l’expérience acquise avaient façonnée. Et je me félicitais à chaque instant de n’avoir pas été ferré plus tôt par cet hameçon dévoreur, d’avoir déjà vécu plusieurs autres existences pour supporter la pression et les critiques qui sont devenues aujourd’hui des privilèges. 

Et m’y voilà, à cinquante ans. Si j’avais pu, j’aurais commencé directement par cet âge-là, car hormis les inévitables vicissitudes physiques matinales allant de la rigidité des lombaires à la mollesse d’autres organes que la décence m’empêche de nommer ici, c’est maintenant que fondamentalement, je me sens le mieux. Cinquante ans c’est merveilleux, car on peut être fier de tout ce que l’on a déjà réalisé, tout en rêvant à mille autres projets qu’on sera tout aussi fier d’avoir concrétisés plus tard. 

A cinquante ans, on arrête de se poser des questions. On fait, c’est tout. On ne prend plus son mal en patience, on prend son bien-être en urgence, c’est ça la clé. Alors je reste insolent, car la fin de l’insolence, c’est le début de la sénilité. “Et on repart vers la centaine un demi-siècle dans les reins, avec tout juste la moyenne à notre devoir de terrien”, merci Serge !

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