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Entreprendre

Vers une plus grande présence féminine dans les conseils de direction

Plus encore que les hommes, les femmes entrepreneuses se heurtent bien souvent à divers obstacles lorsqu’elles veulent créer une entreprise, notamment lorsqu’il s’agit d’en assurer le financement. À quoi ce phénomène est-il dû ? Et comment mieux encourager l’entrepreneuriat féminin ?

Les femmes entrepreneuses représentent encore une minorité dans le paysage économique belge. Dans notre pays, à peine un chef d’entreprise sur trois est une femme. L’ASBL microStart, qui entend encourager l’esprit d’entreprise sur notre territoire par le biais du microcrédit, ne connaît que trop bien le problème, comme l’explique David Taquin, Chief Development Officer.

Pourquoi les femmes qui désirent entreprendre rencontrent-elles davantage d’obstacles que leurs homologues masculins ? 

« Je pense qu’il y a encore beaucoup de préjugés tenaces qui circulent dans notre société. Il y a cinquante ans, l’homme travaillait et la femme s’occupait de la famille. Beaucoup de gens sont restés dans ce schéma de pensée. La société ne fonctionne plus ainsi, mais ce fossé entre l’homme et la femme persiste, et se reflète notamment au niveau des salaires. Pour un même travail, les femmes restent généralement moins payées que leurs collègues masculins, et cela se répercute sur leur confiance en elles. »

Existe-t-il des données concrètes qui confirment ce problème ? 

« Étonnamment peu. Pratiquement tous les intervenants concernés s’accordent à dire qu’il existe des préjugés inconscients (appelés « unconscious biases » dans le jargon, ndlr) dans la manière de traiter les hommes et les femmes ; mais dans les faits, c’est très difficile à prouver. Pour améliorer l’accès au financement, nous devrons donc avant tout changer notre état d’esprit collectif, en profondeur et au niveau de la société tout entière. Pour vous donner un exemple : lorsqu’on nous parle d’entrepreneuriat, la première image qui nous vient à l’esprit est bien souvent celle d’hommes en costume qui dirigent de grandes multinationales. Ce type de mentalité influence les banquiers qui évaluent les dossiers, mais aussi les femmes elles-mêmes. »

Le problème est-il encore plus aigu pour les femmes issues des classes sociales inférieures ? Une diplômée universitaire qui désire fonder sa propre entreprise obtiendra sans doute plus vite un financement qu’une femme sans formation issue de l’immigration.

« Il semblerait en effet que ce soit le cas. La plupart des personnes avec lesquelles nous travaillons sont des entrepreneurs qui ne parviennent pas à trouver un financement auprès des banques classiques. Parmi eux, la proportion de personnes titulaires d’un master, par exemple, est assez faible. Et si vous êtes de surcroît un migrant originaire d’un pays non européen, c’est un obstacle supplémentaire. 65 pour cent des personnes que soutient microStart sont nées en dehors de l’UE, et 70 pour cent ne disposent d’aucun diplôme de l’enseignement supérieur. »

Les entrepreneuses ne sont pas que des épouses ou des mères : ce sont aussi des femmes qui ont réussi à se faire une place.

Pourquoi faut-il encourager l’entrepreneuriat ? Quels sont les avantages ? 

« En entreprenant, en devant autonome et assurant vos propres moyens de subsistance, vous augmentez votre indépendance économique et sociale, et vous contribuez ainsi à une société plus juste et plus inclusive. Cela vaut bien entendu pour les hommes comme pour les femmes. Dans de nombreuses communautés, l’entrepreneuriat élève le statut des femmes et booste leur confiance en elles. Les entrepreneuses ne sont pas que des épouses ou des mères : ce sont aussi des femmes qui ont réussi à se faire une place. Au final, le reste de la société en profite également. Une entreprise qui se développe et prospère embauche et paie des impôts et des cotisations sociales. C’est bénéfique pour tout le monde. »

N’est-il pas ironique que les femmes soient souvent laissées pour compte alors qu’elles sont généralement de meilleures chefs d’entreprise que les hommes ? 

« Si, tout à fait. Nos dossiers montrent que les femmes se préparent mieux que les candidats masculins. Elles affichent aussi un taux de faillite plus faible que les hommes et remboursent leurs prêts plus rapidement et plus facilement. Après deux ans et demi, 70 pour cent des entreprises créées existent toujours. Nous avons donc du mal à comprendre pourquoi les banques rechignent tant à accorder des crédits aux femmes entrepreneuses. »

Constatez-vous, chez microStart, une grosse différence entre les types d’entreprises que fondent les hommes et les femmes ou les montants qu’ils empruntent ? 

« De moins en moins. Il y a trois, quatre ans de cela, les hommes empruntaient souvent de plus gros montants que les femmes, mais cet écart s’est presque résorbé. Aujourd’hui, les entrepreneurs des deux genres empruntent en moyenne dix mille euros. Nos prêts sont plafonnés à vingt-cinq mille euros, mais nous n’accordons cette somme qu’à titre exceptionnel. Nous préférons que les entrepreneurs commencent avec un capital plus faible et introduisent une seconde demande de crédit par la suite. » 

« Concernant les types d’activités, un quart des nouvelles entreprises sont des commerces. Il y a par exemple des magasins de vêtements ou d’alimentation. Un quart sont des entreprises de services comme des salons de coiffure, des salons de beauté ou des ongleries. Environ vingt pour cent des dossiers touchent à l’horeca. L’horeca fait typiquement partie des secteurs dans lesquels les entrepreneurs ont le plus de mal à obtenir un financement, surtout lorsqu’ils n’ont pas encore d’expérience dans le domaine. »

« Le reste est réparti dans toutes sortes de secteurs. On y retrouve des entreprises historiquement “masculines” : construction, transport… Nous avons récemment aidé une Rwandaise à lancer sa compagnie de taxis. Tous ses chauffeurs sont des hommes (rires). »

Vous insistez beaucoup sur le fait que microStart fait bien plus qu’accorder des prêts. Pouvez-vous préciser ? 

« C’est vrai. Pour nous, “traiter un dossier” ne se limite pas à mettre la main à la poche et à laisser ensuite les entrepreneurs tirer leur plan. Nous suivons nos clients de près, nous les accompagnons et nous les soutenons de différentes façons. Nous les aidons par exemple à établir leur plan d’entreprise et leur plan financier. S’ils le souhaitent, nous leur assignons aussi un coach personnel qui les aide à gérer des charges administratives comme la comptabilité, les cotisations sociales et les déclarations de TVA. Le coach personnel peut également les guider dans la prise de décisions opérationnelles, par exemple lors de la mise en place de leur stratégie de marketing. Nous pouvons pour ce faire compter sur un réseau d’environ 90 bénévoles. Les coaches peuvent intervenir de manière régulière pendant un maximum de trois ans, ou offrir une assistance ponctuelle. Les entrepreneurs qui optent pour ce type d’accompagnement doivent en outre faire le point avec nous tous les trois mois. »

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Comment les entrepreneurs arrivent-ils jusqu’à vous ? 

« À ce niveau-là, on constate une répartition assez uniforme. Environ un tiers des candidats découvrent microStart via le bouche-à-oreille. Un autre tiers des entrepreneurs sont redirigés vers nous par l’un de nos partenaires : une banque, un organisme de sécurité sociale ou un service comme le Forem, par exemple. Le dernier tiers entendent parler de nous dans les médias. »

Quels sont les principaux défis auxquels vous faites face ? 

« L’un des plus gros problèmes pour nous est que le microfinancement est encore assez méconnu en Belgique. Nous avons mené une enquête, et les résultats montrent que beaucoup de gens ne savent même pas que cela existe. Cela signifie que nous avons une énorme marge de croissance pour les années à venir, notamment pour soutenir encore plus de femmes entrepreneuses. Pour l’instant, seul un tiers de nos crédits sont accordés à des femmes. À l’échelle internationale, cette proportion se porte à environ 75 pour cent. C’est un chiffre qui mérite d’être noté, car, au départ, le microfinancement a justement été inventé au Sri Lanka pour donner un coup de pouce aux femmes. »

Vous comptez organiser, cet automne, des ateliers spéciaux pour atteindre encore plus de femmes. Qu’avez-vous prévu exactement ? 

« Nos différentes agences de Flandre, de Bruxelles et de Wallonie proposeront des séminaires et des ateliers en ligne comme en présentiel pour encourager les femmes à se lancer dans une carrière d’entrepreneuse. Nous profiterons de ces évènements pour leur donner toutes sortes d’informations pratiques : comment obtenir un financement ? Quelles sont les démarches à effectuer pour créer une entreprise ? Comment construire son propre réseau ? Le but est d’inculquer aux femmes les principes de base de l’entrepreneuriat, mais aussi de permettre aux entrepreneuses de faire connaissance pour pouvoir s’entraider. »

Les pouvoirs publics et les banques peuvent, eux aussi, apporter leur pierre à l’édifice. 

« Tout à fait. Pour nous, cette campagne est une occasion de défendre les intérêts des starters féminines et des entrepreneuses. Mais microStart appelle également les décideurs politiques et le secteur bancaire à agir en faveur d’un meilleur accès au financement. Il y a déjà eu quelques avancées positives, mais ce n’est pas suffisant. Nous devons absolument poursuivre nos efforts. »

26.08.2022
par Frederic Petitjean

En association avec

MicroStart, créée en 2011 par BNP Paribas Fortis, l’Adie et le Fonds Européen d’Investissement (aujourd’hui rejoints par Partena Professional, AG Insurance, Funds For Good et Accenture), est la principale institution de microfinance en Belgique. Disposant d’un réseau de 5 agences (Bruxelles, Charleroi, Liège, Gand et Anvers), de 40 collaborateurs et 150 bénévoles, microStart finance grâce au microcrédit (montant max. de 25 000€) toute personne souhaitant créer ou développer une entreprise mais n’ayant pas accès au crédit bancaire classique. MicroStart offre de plus des services de coaching et de formation gratuits. En près de 10 ans d’activité, microStart a déjà financé et accompagné plus de 5000 micro-entrepreneurs et injecté près de 40 millions d’euros dans l’économie nationale”

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