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Tanguy Goretti (Cowboy) : Devenir leader d’un marché

07.04.2021
par Fokus Online

Tanguy Goretti, co-fondateur de Cowboy, le fabricant de vélos électriques, design et connectés, est notre invité pour cet épisode de Ô Summum. Avec son ambition de devenir leader de son marché, il est venu raconter les coulisses du succès. Et attention spoilers : l’échec en fait partie. 

Dans cet épisode, il nous raconte la faillite de sa première entreprise, Jump et ce que ça lui a apporté (de nombreux enseignements). Il analyse cette étape de 0 à 1 qu’il adore : trouver un problème, trouver un marché, résoudre le problème, lancer son projet ! Il contextualise la place des mentors et des investisseurs, sans surprise : ils comptent ! Il revient sur le choix et les implications d’un modèle DNVB (Digital Native Vertical Brand) pour leur Start up, Cowboy. Il aborde enfin sa stratégie de levées de fonds : n’être pas encore à l’équilibre pour grandir plus vite et conquérir le marché du vélo électrique, design et connecté.

En clair, parmi les clés de son succès aujourd’hui : la résilience, des mentors bien choisis, une mentalité tournée vers le test&learn et des ambitions sans limites ! 

Son CV en bref

  • Diplômé de l’UCL en sciences informatiques et de Solvay
  • Co-fondateur de plusieurs start-ups (la première à 23 ans, toujours étudiant) : Jump, Cowboy
  • Participe aux aventures foodtech : Take Eat Easy et menu next door
  • Co-fondateur de Cowboy, avec Adrien Roose et Karim Slaoui 

Son pitch

« Chez Cowboy, on design, on fabrique et on distribue des vélos électriques connectés. Le but pour nous, dès le début, c’était d’attirer un public beaucoup plus jeune, entre 20 et 35 ans, citadin, qui valorise le design et la technologie et qui cherche un nouveau moyen de se déplacer en ville. Aujourd’hui, Cowboy est présent dans une dizaine de pays, compte une centaine d’employés. Et on est prêts à devenir le leader du marché européen du vélo électrique connecté. » 

J’adore la partie ‘’0 à 1’’, c’est vraiment partir d’une feuille blanche, partir du client, trouver un problème à résoudre et trouver comment délivrer de la valeur.

Les meilleurs passages

On a retranscrit pour vous quelques-uns des meilleurs passages de l’épisode ! Mais pour tout savoir de Tanguy Goretti, son parcours, Cowboy, leur stratégie et leur développement, n’hésitez pas à écouter directement l’épisode, disponible sur vos plateformes préférées ! 

Lancer de nouveaux projets (3’15)

« J’adore la partie ‘’0 à 1’’, je découvre toujours la partie ‘’1 à 100’’. La partie ‘’0 à 1’’, c’est vraiment partir d’une feuille blanche, partir du client. Trouver un problème à résoudre et trouver comment délivrer de la valeur. Et comme je suis passionné de produit. C’est cette partie-là qui m’excite énormément au début. (…) Trouver son marché, trouver un produit qui plaît à de premiers clients. C’est ce qui super passionnant pour moi : dans cette phase-là, il n’y a pas de limites. On peut absolument tout se permettre. »

« On peut aller dans toutes les directions. Puisque c’est le principe et qu’on doit juste trouver quelque chose qui va ramener des clients et qui va résoudre un problème. Et après, quand on rentre dans la 2e phase, que je découvre toujours et que j’apprends à aimer. C’est d’autres skills. Donc il faut vraiment continuer à se former pour ne pas rester bloqué dans cette phase de ‘’0 à 1’’. Ce qui était le cas de ma 1ère boîte Jump. On était passé de 0 à 40 employés, on avait trouvé nos clients. Mais pour trouver ce 1er produit, il nous a fallu quasiment 18 mois. Donc cette phase peut être assez longue. »

Réseaux et mentors (5’47)

« La chance que j’ai eue. C’est de très vite comprendre que j’avais besoin de créer un réseau et de me trouver des mentors. C’est une démarche que j’ai toujours eue même quand j’étais étudiant. À l’époque, je m’étais organisé un voyage financé par l’AWEX San Fransisco pendant pratiquement 2 mois. Où je faisais le tour des entrepreneurs belges pour comprendre ce qu’ils faisaient, pour comprendre si c’était possible pour moi de lancer une boîte à San Francisco. Et surtout pour avoir leurs retours d’expérience sur leurs erreurs, sur leurs parcours. »

« Très rapidement, quand on a lancé Jump, je suis rentré dans des réseaux d’entrepreneurs, où on s’est fait coacher. Et là, j’avais des mentors qui m’ont suivi assez longtemps. Mais je pense que la chose que j’ai bien faite, c’est que je n’ai pas gardé toujours le même mentor. J’en ai vu beaucoup. Je pense qu’un mentor peut apporter beaucoup à une période donnée. Et puis on arrive un peu à la limite dans le sens où les expériences sont toutes à un moment donné limitées. Une fois qu’on a puisé tout ce qu’on pouvait puiser, je pense qu’il est important de changer pour avoir un œil neuf et pour apprendre de nouvelles choses. »

Et pour les choisir ? 

« Dans certains cas, c’était clairement des gens que j’ai pu rencontrer et qui m’ont proposé proactivement de m’accompagner. Dans d’autres cas, c’est plutôt moi qui suis allé les chercher. Mais dans tous les cas, il faut que la relation soit bonne. Il faut une relation de confiance, où les deux parties investissent du temps. Si c’est pour avoir un call d’une heure tous les mois où l’on donne juste un update sur nos problèmes. Et où le mentor n’a aucun contexte sur ce qu’il se passe, ça ne sert pas à grand-chose. Quand j’avais ce type de personne, j’essayais de les tenir assez régulièrement au courant. On faisait de vraies sessions de travail sur certains sujets, que ce soit une levée de fonds, une stratégie de lancement d’un nouveau produit, etc. On passait 3-4 de workshop à vraiment définir tout cela. »

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Un entrepreneur type ? (10’05)

« Il n’y a pas vraiment de cliché d’entrepreneur. J’ai la chance d’en côtoyer pas mal et tout le monde est assez différent. Il y a ceux qui bossent non-stop. Et il y a ceux qui essaient d’avoir une work-life balance assez équilibrée. Ce que j’ai pu voir par contre. C’est que ceux qui réussissent sont ceux qui sont passionnés. Je n’ai jamais vu un entrepreneur qui disait que ce qu’il faisait, c’était pour l’argent, réussir et aller loin. J’en ai vu plusieurs me pitcher ça, mais ils se sont tous plantés à un moment donné. » 

Échec et résilience (12’35)

« Ma pire nuit d’entrepreneur, c’est quand on m’a appris qu’en France (Paris). On était devenu interdit avec Uber. Et les fonds d’investissement qui devaient nous accompagner durant notre Série A nous ont lâché à ce moment-là. Même chose pour l’entreprise qui devait potentiellement nous racheter. Et il était très clair qu’on devait prendre des décisions assez radicales. Et le lendemain, j’ai dû annoncer à l’équipe que c’était fini. On n’avait plus de revenu. Puisqu’il n’y avait plus un drivers sur la route et que malheureusement, avec le cash qu’on avait à la banque. On n’avait pas d’autre choix que d’arrêter les activités. »

Un peu d’amertume de voir Uber prospérer aujourd’hui ? 

« Non. J’ai énormément appris grâce à ce premier projet. J’ai eu la chance d’être sur un marché qui a explosé. Et j’ai eu la chance d’apprendre très très vite à parler à la presse puisqu’on était super visible à l’époque. D’un point de vue politique et régulation, on était aussi au cœur d’un débat super mouvementé. En tant que jeune entrepreneur, je n’aurais pas pu apprendre plus. Et l’autre point qui fait que je suis super content d’être avec Cowboy aujourd’hui. C’est que Cowboy est beaucoup plus en phase avec mes valeurs actuelles que Jump ou Uber. »

« À l’époque, quand on a lancé Jump, on a voulu créer une solution à un problème super concret. Mais je n’ai pas réalisé qu’on avait créé cette nouvelle économie. Où des milliers de personnes allaient utiliser notre application pour gagner leur vie. Et à partir de ce moment-là, on a une responsabilité énorme vis-à-vis de ces drivers. Il ne faut se voiler la face, à l’époque, ces chauffeurs avaient très peu de protection sociale et c’était des emplois précaires. Je ne sais pas si j’ai envie de retourner dans ce système. Avec Cowboy, on délivre de la valeur, on solutionne un vrai problème de mobilité dans les villes, on est une solution d’avenir. Dans l’exécution, je suis beaucoup plus à l’aise avec ce qu’on fait avec Cowboy. » 

La qualité clé d’un entrepreneur ? (37’14)

« Pour moi, c’est clairement la résilience. Si on n’a pas ça, ça va être très dur de traverser toutes ces crises. C’est Ok d’être down, de se sentir mal, d’avoir des doutes. Mais la clé, c’est le jour d’après de se remettre au travail et de trouver des solutions pour continuer d’avancer. Parce que des problèmes, il y en aura, il y en aura même beaucoup. Parfois ça sera très dur. Donc c’est une qualité qui est pour moi primordiale. »

Changer l’image d’un produit (24’18)

« On a commencé à regarder le marché du vélo électrique en 2016. Ce qui est fou, c’est qu’à l’époque, la Belgique était un super pays pour démarrer. Pratiquement un vélo sur deux vendus était un vélo électrique. On avait observé que ce produit était adopté par les personnes âgées vu que ça leur permettait de continuer à faire de l’exercice. Mais quand on se faisait doubler dans la rue par ces grands-parents qui allaient plus vite en montée. On était impressionnés par la technologie. Mais ce qui était frappant, c’est que ces vélos étaient lourds, n’étaient pas design, n’étaient pas connectés, rien n’était intégré correctement. Et concrètement, on se disait qu’il y avait quelque chose à faire pour rendre ce produit plus design, plus attirant pour la jeune génération. Et typiquement, pour en faire un produit que moi et mes associés pourrions utiliser pour se déplacer tous les jours. »

Tanguy et ses cofondateurs, les leaders, ont cherché à confronter leur idée au marché, à prendre le pouls sur un produit de ce style. Auprès du public qu’ils comptaient cibler : les citadins de 20-35 ans.

« Ce qui revenait tout le temps, c’était la peur du vol. On n’a pas envie de mettre 2500 euros dans un vélo électrique pour ensuite se le faire voler. Donc dès le début, avec Cowboy, on s’est dit qu’on allait résoudre ce problème. La partie connectée, la 1ère année, était concentrée sur la protection contre le vol. C’est pour ça qu’on avait un traqueur GPS, une alerte si jamais le vélo est bougé, qu’il n’y a pas bouton et qu’il faut le téléphone pour le déverrouiller. Le point qu’on devait aussi résoudre. C’était ‘’comment rendre le vélo électrique un peu sexy ?’’. »

« En 2016, c’était vu comme tricher d’avoir un vélo électrique, comparé à un vélo normal. Et les feedbacks des jeunes, c’était qu’ils n’en avaient pas besoin aujourd’hui. Et qu’ils en achèteraient un quand ils seraient plus vieux. Parce que concrètement, à l’époque, c’était ‘’vieux’’. Donc cette image, il fallait la changer et c’est pour ça que dès le début. On a voulu s’entourer des meilleurs et créer une marque un peu de plus lifestyle et inspirationnelle que les marques traditionnelles. Ils vont toutes se battre sur leurs spécifications (le plus gros moteur, la plus grosse batterie). »

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Stratégie : grossir avant de trouver l’équilibre (31’21)

« Aujourd’hui, on a des marges confortables. On ne vend pas nos vélos à perte. Mais on n’est pas encore à l’équilibre au niveau de la boîte. Après, c’est un choix parfaitement raisonné au sens où c’est la stratégie qui a été discuté avec nos investisseurs : aujourd’hui, il y a une fenêtre d’opportunité sur le marché du vélo électrique pour devenir un leader. Donc c’est aujourd’hui qu’il faut grossir rapidement pour prendre cette place, qui est possible à prendre et qui ne le sera peut-être plus dans 5 ans. On a cette stratégie de lever des fonds pour financer la croissance. »

« Après, la différence avec Jump ou Take eat easy, c’est que le business model est beaucoup plus sain. Je te le disais, les marges sont confortables, on n’a pas besoin d’être le plus gros acteur du marché pour être rentable. Si demain, on décide d’aller à l’équilibre, on devra faire des choix différents, mais ce sera totalement possible, ce qui n’était pas le cas sur les marchés [de Jump et Take eat easy] où il y avait vraiment une prime à être le numéro 1. Et si ce n’était pas le cas, ça devenait très dur d’être rentable. Ce n’est pas le cas pour Cowboy. » 

Lever des fonds, trouver des investisseurs (45’30)

Pas peur de perdre la main sur l’entreprise à force de faire entrer de nouveaux acteurs ?

« Non, c’est le jeu. On sait qu’on veut devenir un leader et on sait que pour devenir un leader. On a besoin de fonds conséquents. Et on préfère avoir une petite part d’un gros gâteau plutôt que tout le gâteau, qui serait beaucoup plus petit. Je pense que la clé, pour nous, ça a été de choisir les bons investisseurs dès le début. Et on a beaucoup de chance d’être entourés d’investisseurs qui soient worldclass, qui ont la même vision que nous pour le produit et pour la boîte et qui nous aident vraiment à être successfuls. Ca, c’est le cas parce qu’on a trouvé ces investisseurs qui partageaient les mêmes valeurs que nous et qu’on a une relation de confiance. On passe énormément de temps de construire cette relation, et eux nous le rendent bien aussi. Donc aujourd’hui, je n’ai aucun problème à ce qu’il y ait d’autres personnes on board. C’est aussi le cas des employés de Cowboy : tous les employés ont des parts chez Cowboy, je pense que ça sert aussi la boîte et que ça nous permet d’aller plus vite parce que tout le monde est aligné sur les mêmes intérêts. »

Être une DNVB : une approche centrée sur le client (48’40)

Tanguy Goretti définit Cowboy comme une DNVB, donc une entreprise pure-player du web, dites « Digitally Native Vertical Brands », basée sur des business model « direct to consumer ». Pour faire simple, il s’agit de supprimer un maximum d’intermédiaires entre la boîte et le consommateur, de la fabrication à la distribution. L’obsession majeure des DNVB ? L’expérience client.

« On pense qu’on ne peut devenir le leader du marché que si on a la meilleure expérience client à tous les touch-point. Dès le début, ça a été une obsession, autant sur la définition du produit, hardware et software, que sur la distribution. Par exemple, on sait que sur le marché du vélo électrique, on va convertir beaucoup plus facilement si les clients peuvent essayer le vélo. Donc dès le début, on a développé un réseau d’essai à domicile. Aujourd’hui, on a plus de 100 personnes qui font des test rides pour nous dans plus de 60 villes en Europe. »

Avoir connexion avec client

« Et ça, de nouveau, ça nous permet d’avoir une connexion avec le client, ces test riders vont s’assurer que l’expérience-utilisateur soit la meilleure possible. Et quand ils essaient le vélo, une fois sur 4, ils l’achètent directement après. Donc le taux de conversion est super élevé. On va faire la même chose pour le service client et encore une fois, on va se démarquer des autres marques de vélos. Aujourd’hui, on sait détecter un certain nombre de problèmes de façon automatique et donc, proactivement, proposer une résolution au client, et en plus de cela, si vous avez un autre type de problème qu’on ne sait pas détecter, on répond en moins de 5 min et si on ne sait pas le résoudre à distance, on envoie quelqu’un dans les 72 heures. »

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