Interview par Valerie Nouille

Harry Roselmack : « Je suis un slasheur, je trouve l’énergie dans la passion. »

Journaliste, présentateur, scénariste, réalisateur, producteur, écrivain et même parolier. Harry Roselmack est un quinquagénaire heureux et accompli, avec toujours d’autres projets sous le coude. Portrait d’un homme qui raconte et se raconte.

Vous cumulez presque 30 ans dans le journalisme. Vous êtes un passionné…

J’ai le goût des autres et le goût des mots. La qualité principale d’un journaliste, c’est l’intérêt pour les gens, la volonté qu’il a de partager leurs conditions de vie et leurs questionnements. Il veut donner les clés pour comprendre le monde qui nous entoure. Et il faut évidemment aussi aimer communiquer et partager. 

C’est grâce à mon père qui travaillait pour une chaîne de radio périphérique antillaise basée à Tours que j’ai pu décrocher ma première radio alors que j’étais encore au lycée. J’y étais en charge du flash info sur les départements d’Outre-mer. 

30 ans de carrière, c’est aussi pas mal de rencontres, non ?

Mes rencontres les plus fortes sont celles avec des anonymes. Ce qui m’intéresse, c’est leur vrai fond, ce qu’ils pensent, leurs revendications. Parmi les plus marquantes, je retiens James, le « SDF du quartier de la Bourse », décédé quelques années après notre tournage, ou un agriculteur de Rennes qui se battait contre vents et marées pour son activité. Il y a eu aussi cette femme qui avait choisi de se faire euthanasier, que nous avons pu suivre jusqu’au bout.

J’ai le goût des autres et le goût des mots.

Vous êtes aux manettes de Sept à Huit sur TF1 depuis 2006 et le succès est toujours au rendez-vous. Quelle est la recette ?

Ce sont ses reportages et sa façon de parler de l’actualité : on l’incarne plus qu’on ne l’explique, on raconte des histoires qui donnent un éclairage sur l’air du temps et sur des parcours de gens qui acceptent qu’on les suive. La diversité est importante aussi : on aborde des thèmes dramatiques mais aussi des réussites.

Sept à Huit n’aurait pas non plus le succès qu’il connaît sans ses équipes. C’est un travail collectif et l’émission a la chance d’avoir sa propre rédaction, à l’origine de tous les sujets – ce qui permet une certaine homogénéité. 

Ensuite, l’émission a aussi évolué à sa manière en 23 ans d’existence. Sur la forme, les décors ont changé et on travaille évidemment avec d’autres technologies. Mais sur le fond, c’est toujours à travers la vie des gens qu’on illustre les thématiques actuelles. La base narrative est restée la même.

Outre Sept à Huit, vous avez aussi présenté le JT de 20h de 2006 à 2011…

J’y ai découvert un nouveau degré de responsabilité et une rédaction au grand professionnalisme. Le niveau d’exposition a changé aussi : j’ai pris conscience du bruit médiatique. Avant ça, j’étais le journaliste qui faisait les interviews, mais quand j’ai commencé le JT, je suis davantage devenu celui qui y répondait. 

Présenter le JT, c’est être aux premières loges d’une extraordinaire fenêtre sur le monde. C’était une opportunité fantastique, même si je travaillais en remplacement de Laurence Ferrari et Patrick Poivre d’Arvor. Malgré tout, j’ai finalement choisi d’y renoncer pour me consacrer à un autre type de journalisme et explorer ma créativité. Je voulais avoir la liberté de porter mes propres projets.

On vous connaît à la télé, mais vous ne vous arrêtez pas là. Vous êtes aussi féru d’écriture et réalisateur de films…

Je voulais écrire car c’est une passion. Mon premier livre « Novilu » est un roman paru en 2007, écrit sous un nom de plume. À l’époque, j’étais en pleine bourre du 20h et je ne voulais pas qu’il se vende sous une bannière télé. Mon autre livre « Nouvelles d’après 20h » est un recueil de nouvelles, co-écrit avec mon ami Michel Douard et paru en 2020. Ce style d’écriture répondait à une problématique que je connais moi-même : dans nos vies trépidantes où les écrans prennent une place croissante, on n’a plus le temps de lire de la fiction. Il m’a semblé que la nouvelle était une bonne façon de raccrocher avec la lecture. 

L’envie de réaliser un film a émergé à un moment donné et je l’ai concrétisée, dans un contexte difficile mais avec beaucoup de satisfaction, grâce à « Fractures ». J’en ai retiré énormément de choses, dont la certitude qu’on a une maîtrise plus importante qu’on ne le pense sur ce qui arrive et notre capacité à faire.

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Le rapport aux médias et leur consommation a changé depuis vos débuts. Comment l’analysez-vous ?

La multiplication des sources d’information, renforcée par les réseaux sociaux, rend l’information moins lisible. Il devient difficile de faire la part des choses. En tant que journaliste, ça nous amène à nous interroger sur notre façon de travailler : comment l’améliorer pour demeurer des repères dans ce brouhaha de données virales. Un cours d’éducation à l’information devrait aussi être mis en place dans les écoles. Des personnes qui maîtrisent le sujet pourraient intervenir ou, à défaut, des professeurs pourraient y être eux-mêmes formés. Apprendre aux jeunes à distinguer le vrai du faux, les sensibiliser à la propagande et aux fake news, c’est indispensable.

Vous fêtez vos 50 ans cette année. Que peut-on vous souhaiter pour la décennie qui vient ?

Je me réjouis de cet anniversaire car je vis une période très stimulante, où je suis plus conscient de l’importance de certaines choses, plus libre dans mes choix et mes orientations professionnelles et plus détaché d’une forme de hiérarchie et de contraintes sociales. J’ai des tas de projets en cours et en tête. Ce qu’on peut me souhaiter, c’est simplement de les mener à bien.

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Votre plus grand défaut ? Votre plus grande qualité ?

Je pense que ma plus grande qualité, c’est la bienveillance. Et mon principal défaut serait peut-être la méfiance. Parce que dans la situation qui est la mienne, cette bienveillance nécessite forcément un peu de méfiance : je ne peux pas ouvrir ma porte à tout le monde, même si c’est mon naturel. Certaines personnes peuvent prendre cela pour de la froideur. Mais quoi qu’il en soit, j’essaie de m’améliorer (rires) !

23.03.2023
par Valerie Nouille
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