Interview par David Hainaut

Fabrice Brion: « Dans les cinq ans qui viennent, I-Care engagera mille personnes »

Il y a un peu plus d’un an, I-Care, sa société spécialisée en intelligence artificielle dans l’industrie, obtenait le prestigieux prix de l’entreprise de l’année. Rencontre avec Fabrice Brion, un entrepreneur inspirant et tourné vers l’avenir.

En recevant cette récompense, vous aviez déclaré qu’elle serait bénéfique dans votre évolution.

« Clairement. Cela nous a déjà valu des contrats et des demandes supplémentaires. Un tel prix est un témoignage de sérieux, de qualité et de longévité, ce qui dope une notoriété. Et comme notre travail, qui reste intangible, consiste à diagnostiquer des pannes, nos clients sont surtout satisfaits quand on n’entend pas parler de… nous ! Dans ce secteur, l’image de marque et la confiance sont primordiales. D’ailleurs, en 17 ans, pas un seul client ne nous a quittés. Et au niveau de l’emploi, nous n’avons jamais eu autant de candidats : on embauche une personne par semaine depuis 2019, et même une par jour ouvrable depuis le 1er juillet dernier… » dit Fabrice Brion.

Ce surnom de « Docteur House de la maintenance industrielle » que certains spécialistes vous donnent, il vous convient ?

« Vous voyez bien la ressemblance, non ? (rire). Mais oui, ça nous convient, puisque nous sommes un peu des docteurs pour machines. D’un côté, via la maintenance prédictive, qui consiste à trouver les défaillances d’une machine pour qu’elle ne casse pas. Un peu comme lorsqu’on va chez le médecin pour voir si on est malade. Et d’un autre côté, via la maintenance prescriptive où l’on fait en sorte que les machines fonctionnent le plus longtemps possible. Comme une prise de sang, dans l’espoir que votre médecin vous fasse vivre le plus longtemps possible… »

Et à l’heure actuelle, I-Care collabore avec des secteurs comme… ?

« Un peu partout, mais l’agroalimentaire, la chimie et la pétrochimie sont nos principaux domaines. Puis, il y a celui de la production d’énergie en tout genre, incluant le nucléaire, le gaz et le charbon dans certains cas, puisqu’à travers 12 entités juridiques, on sert plus d’une cinquantaine de pays dans le monde. Et enfin, il y a l’industrie lourde, avec l’acier, le ciment, etc. Ces trois axes représentent 70 % de notre chiffre d’affaires. On emploie plus de 500 personnes, avec des perspectives de croissance de 35 % par an. » explique Fabrice Brion.

L’objectif d’I-Care est de grandir de 20 % plus vite que la norme.

Un chiffre au-delà de vos espérances, non ?

« C’est vrai qu’au départ, on tablait sur une progression de 25 % par an. Mais le marché qui nous concerne s’est considérablement accéléré. L’an passé, quand j’ai évoqué un plan qui était de multiplier la taille de l’entreprise par cinq en cinq ans, quelques personnes m’avaient qualifié de doux rêveur. Or depuis, une dizaine d’études ont démontré cette grosse accélération. Je n’étais donc pas si loin de la réalité ! En fait, notre objectif reste de grandir 20 % plus vite que la norme. Ce n’est certes pas évident, mais c’est envisageable. » raconte Fabrice Brion.

Cet essor est-il lié au fait que certains pionniers se sont reposés sur leurs lauriers ?

Je l’ignore. En tout cas chez nous, la remise en question est permanente. D’ailleurs récemment, l’un de vos confrères m’a demandé « Quand avez-vous compris que vous y étiez arrivé ? ». Ma réponse, simple, a été… « Jamais » ! C’est mon état d’esprit, depuis toujours. »

Ainsi qu’un positivisme qui semble… inné !

« Peut-être, mais n’oublions pas que nous avons un rôle à jouer. On parle ici d’I-Care, mais on pourrait évoquer d’autres success-stories belges. Car reconnaissons qu’il y a parfois un traitement qui n’est pas toujours neutre de la part de certains médias, fort orientés sur des minorités qui crient fort. Y compris dans le monde des entreprises, où on relaie souvent des cas de sociétés qui tournent mal – certes parfois, à juste titre ! —, sans parler de la majorité qui tourne bien. On sait qu’en Belgique, et peut-être plus encore au sud, on garde un complexe d’infériorité. On se sous-estime encore trop… » dit Fabrice Brion.

Fabrice Brion

Vous avez d’ailleurs dit qu’il y avait encore à faire concernant l’attractivité en région montoise…

« Oui, et je trouve ma région fantastique ! Mais ça, on ne la vend pas assez. On ne donne pas assez envie aux gens et aux entreprises de s’installer ici. Or, je pense que c’est fondamental, surtout dans un endroit où le taux de chômage est important, en grande partie chez des personnes sans diplôme. Et la meilleure manière pour que ce taux diminue, ce serait simplement d’avoir plus de personnes avec emplois qui s’y installent. C’est une région avec de splendides maisons qui coûtent souvent moins cher qu’ailleurs, sans parler des espaces verts, des bois, des anciens terrils qui sont formidables pour se balader. Le paradoxe, c’est qu’on me parle souvent de ce qui se passe à Mons quand je vais à l’étranger. On ne se rend vraiment pas assez compte de nos atouts… » raconte Fabrice Brion.

Vous continuez à miser sur la formation continue et sur la reconversion ?

« Oui, tout à fait. D’ailleurs, on lance en ce moment deux initiatives. La première, c’est la création de l’I-Care Academy à Charleroi, en vue de former de manière opérationnelle notre personnel et nos clients. Et la deuxième, en collaboration avec Solvay, c’est le développement d’I-Care Université où là, tous les employés volontaires vont pouvoir se former, afin qu’ils deviennent les managers de demain. »  

Pour conclure, un petit mot sur la construction de votre éolienne ?

« Elle se poursuit ! Un de nos objectifs est d’atteindre une indépendance énergétique. Avec cette éolienne, mais aussi via des panneaux solaires et l’une ou l’autre solution prototype de transformation de fabrication d’hydrogène. Ce qui ne sera certainement pas inutile pour le millier d’employés qu’on va embaucher dans les cinq prochaines années… » explique Fabrice Brion.

Smart
fact

Qui vous inspire ?

Des leaders de la technologie comme Steve Jobs, Elon Musk, Richard Branson, parce qu’ils montrent une voie à suivre. Mais je songe aussi à Thomas Edison et Henri Ford, car c’est en les lisant plus jeune que j’ai eu l’envie de devenir ingénieur.

03.02.2022
par David Hainaut
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