Interview par Célia Berlemont

Clément Kerstenne: « On repousse les limites de l’impossible »

Vous aimez le lèche-vitrine ? Préparez-vous à l’apprécier d’autant plus ! Entre magie et technologie, l’expérience de lévitation des objets popularisée par Clément Kerstenne et Philippe Bougard, les cofondateurs de LEVITA, est une petite révolution.

À la croisée des chemins entre le tour de magie et l’exploit technique, LEVITA, c’est votre second projet à Philippe et toi. Mais qu’est-ce que c’est ?

« Magiciens passionnés depuis plus de 15 ans, Philippe et moi nous sommes rencontrés dans un club de magie de la région liégeoise. Étant tous les deux des boulimiques de magie, on a commencé à créer des spectacles dans lesquels on a très vite aimé intégrer les technologies. Rapidement, on a senti l’envie d’aller plus loin et de valoriser notre passion commune. C’est ce qui a mené à la création de nos deux entreprises : In The Air et LEVITA. In The Air propose aux entreprises de petits et très gros tours de magie développés pour valoriser leurs produits et services de manière ludique, en faisant par exemple apparaître le nouveau modèle d’une Ferrari de manière spectaculaire lors de sa soirée de lancement. LEVITA, elle, est née d’une contrainte qui jusqu’alors nous bloquait : la présence physique obligatoire du magicien pour proposer son spectacle. C’est une technologie unique développée pour permettre à des œuvres d’art exceptionnelles ou à des produits commerciaux de léviter. En fait, c’est la mise en valeur d’objets exposés par le biais d’une alliance inédite entre la magie et l’automatisation. »

La lévitation fait partie des classiques de la magie. Ce spectacle de divertissement impliquait obligatoirement une expérience interactive. Pourquoi et surtout comment l’avez-vous automatisé ?

« Dans l’univers de la magie, la lévitation est le tour qui, dans l’inconscient collectif, est le plus simple à s’imaginer. On n’a pas besoin de voir une lévitation pour comprendre son caractère magique. Voir un objet voler a quelque chose de méditatif et d’apaisant. C’est pour étendre la portée de cette sensation et rendre la magie accessible à tous que l’on a imaginé LEVITA. Et pour cela, il a fallu développer une technologie unique qui automatise ce que l’on fait avec nos mains et nos têtes afin d’offrir des moments de magie à l’aide de machines, et cela sans avoir à être présent. Nous rendons donc la lévitation ergonomique et accessible à tous pour qu’en moins de trente minutes, n’importe quelle personne formée par notre équipe puisse utiliser nos machines, et ce partout dans le monde. »

Nous avons développé une technologie unique pour permettre à des œuvres d'art exceptionnelles ou à des produits commerciaux de léviter.

L’innovation et la R&D font généralement appel à des profils de scientifiques et d’ingénieurs. En tant que magiciens et chefs d’entreprises vous n’entrez donc pas dans les cases standards. En quoi consiste alors la R&D chez vous ?

« Pour parvenir à développer notre technologie unique et brevetée, nous avons travaillé main dans la main avec plusieurs ingénieurs, designers et autres partenaires wallons afin d’établir un cahier des charges de nos besoins. D’ailleurs, le premier employé de notre société a été un ingénieur, car ce profil était nécessaire. Il fallait pouvoir traduire nos idées folles en termes techniques à cette équipe de consultance externe. En réalité, ce travail de développement a présenté de nombreuses similitudes avec notre quotidien de magiciens. Dans les deux cas, il faut évaluer un projet et ajouter des contraintes afin de rendre l’impossible possible.

Concernant l’aspect technique de notre technologie, il faut savoir qu’il existe des dizaines de techniques différentes permettant de faire léviter un objet. Si au départ on a étudié la lévitation sonore ou encore le magnétisme, les limitations en lien direct avec le poids de l’objet et le peu d’influence qu’on pouvait avoir sur la trajectoire de l’objet nous ont vite fait comprendre que ces techniques n’étaient pas adaptables ou ne correspondaient pas à nos envies. Finalement, après de multiples tentatives et plusieurs mois de recherche et développement, on finit par trouver un système basé sur des principes électromécaniques (et magiques) qui nous convient et nous permet de coder un trajet précis et de faire voler des objets de tous poids à des centaines de mètres si on le souhaite. Par contre,  comme tous bons magiciens, nous avons le culte du secret. On ne vous dévoilera donc pas le système qui a été choisi pour permettre le développement et le brevetage de la technologie que nous utilisons actuellement ! »

Pour vos clients, vous offrez des solutions clé sur porte, mais aussi des prestations sur mesure. Comment cela impacte-t-il la technologie que vous avez développée et brevetée ?

« Nous avons une gamme de produits appelée “Gravity Display” au sein de laquelle on retrouve deux produits différents : le “plug & play”, où la machine comprend tous nos éléments tels que nos lumières, écrans, pied, etc. et le “tailored”, qui englobe tous les projets sur mesure et comprend notre technologie, notre service d’installation et une scénographie personnalisée aux besoins du client pour que l’illusion fonctionne parfaitement. Au fur et à mesure des demandes clients, nous sommes amenés à découvrir un nouveau scénario, un nouveau besoin, et c’est ce qui nous pousse à repousser les limites de l’impossible pour faire évoluer notre technologie au gré des contextes. On innove dans la technologie en tant que telle, mais aussi dans le business qu’on a mis en place et dans la manière de faire de la magie. Même si nos clients sont principalement des musées et des magasins de luxe, les personnes qui en profitent sont monsieur et madame tout le monde qui visitent un site culturel ou passent dans la rue et ont droit à un petit moment de rêve avant de reprendre leur quotidien. Nous créons une parenthèse de bonheur dans la vie des gens, même de quelques secondes, et utilisons la magie pour valoriser un produit ou rendre la culture accessible. »

Smart
fact

Quels objets peut-on toujours trouver dans vos poches de magiciens ?

« On connaît un grand nombre de tours de magie qui nous permettent de faire de la magie de manière impromptue avec le téléphone des gens, leurs sacs, bics, boucles d’oreille, etc. Mais on adore avoir quelques petits ustensiles avec nous. Dans nos téléphones, on a des applications, mais on aime beaucoup avoir aussi des gimmicks, c’est-à-dire des éléments trucs comme un faux pouce, un faux livre ou une série d’objets qui sont des versions truquées d’objets du quotidien. »

23.03.2023
par Célia Berlemont
Article précédent
Article suivant