Tilman
Interview

Au plus profond des racines de Tilman

Rencontre avec Jean-Noël Tilman, perpétuellement à la recherche du bon équilibre entre industrialisation et tradition…

Il est parfaitement possible pour une entreprise de grandir sans perdre son ADN familial. La preuve avec Tilman SA, spécialiste de la phytothérapie depuis plus de 70 ans! Rencontre avec Jean-Noël Tilman, perpétuellement à la recherche du bon équilibre entre industrialisation et tradition…

Comment vous est venue cette idée de développer et produire des préparations à base de plantes?

« Tout d’abord, il faut savoir que mon père était pharmacien, dès les années 40. Et, malgré le fait qu’il était avant tout un pharmacien “classique”, il ne pouvait pas s’empêcher de tenter plein de choses dans des secteurs parallèles, dont sa célèbre “Tisane du Vieil Ardennais”, qui combattait les troubles liés à l’avancée de l’âge et l’hypertension. Cette première tisane a très bien fonctionné, et les clients en étaient très satisfaits. Au point qu’il a lancé toute une gamme: “les Tisanes Ardennaises”. En 1956, il a fondé un laboratoire, à côté de son officine. De manière finalement assez logique, j’ai poursuivi le développement de son laboratoire lors de mon arrivée dans l’entreprise en 1984. L’autre raison de ma passion pour la médecine par les plantes est plutôt de l’ordre de l’affectif! Je suis un gamin de la campagne et j’ai toujours été proche de la forêt, attiré par la nature… C’est aussi ça qui explique ma voie actuelle. »

L’entreprise Tilman est donc autant une affaire de famille que de passion?

« C’est exactement ça! Mon père ne m’a jamais rien imposé, ce dont je lui suis très reconnaissant. Mais je me souviens d’une discussion que nous avons eue en 1977. Il m’a demandé: “Tu crois que ton avenir passera par des études supérieures?” Je lui ai répondu oui. Là, il m’avait conseillé la médecine, et il pensait plus particulièrement à la chirurgie. Mais, finalement, j’ai opté pour autre voie: la pharmacie. »

À l’heure actuelle, le rôle des plantes dans la médecine est de plus en plus reconnu. On imagine donc que votre business s’en est également ressenti?

« Pas tant que ça, en fait! Pas de manière exponentielle, ni aussi directe, en tout cas! Depuis le début de ma carrière, j’ai toujours entendu dire que les plantes étaient dans l’air du temps. Preuve que la médication naturelle ne date pas d’aujourd’hui… Au niveau des tisanes, nous somme même en recul, puisque le marché belge de la tisane pharmaceutique est passé de trois millions de boîtes par an à un million aujourd’hui. Le marché s’est diversifié, notamment grâce aux gélules, comprimés, sirops… Actuellement, ce marché croît de 3 à 4 % par an, tandis que notre croissance, elle, est de 15 %. »

« Je suis un gamin de la campagne. »

« Nous sommes très crédibles, tant auprès des médecins que des pharmaciens, et cette confiance en nos produits est ensuite transmise au patient. Elle repose sur nos promesses toujours tenues et un support scientifique important. »

Et tout cela avec un souci permanent de la qualité de vos produits…

« Bien entendu! Dans l’univers du médicament, la maîtrise totale de la qualité est obligatoire. Un médicament à base de plantes fait l’objet des mêmes contrôles qu’un médicament “chimique”. L’enregistrement des remèdes à base de plantes est soumis à une règlementation comparable à celle des médicaments génériques. Ils ne doivent pas passer par toute la batterie de tests auxquels sont soumises les nouvelles molécules. »

 Comment est déterminée l’efficacité d’un médicament à base de plantes?

« Comme pour tous les médicaments, l’efficacité est démontrée par des études cliniques publiées dans des revues scientifiques. Toutefois, il ne faut pas confondre “qualité” et “efficacité”. Des produits pourraient être parfaits sans avoir le moindre effet. D’autres pourraient être efficaces sans être de bonne qualité. Mais un médicament est toujours obligatoirement de qualité parfaite. »

La production de médicaments à base de plantes est-elle forcément plus « éthique » et plus « verte » que celle de médicaments « chimiques »?

« Le médicament “chimique” n’a en tout cas pas toujours aidé la planète, à la différence des médicaments à base de plantes, dont le processus de production est plus proche de l’homme. Chez Tilman, en tout cas, notre comportement se veut toujours responsable et respectueux de l’humain. »

« Nous sommes très crédibles tant auprès des médecins que des pharmaciens. »

De nos jours, la digitalisation est devenue indispensable dans l’entreprise. Un paradoxe pour vous, dans une entreprise aussi proche de la nature?

« Non! Car nous bénéficions de processus de plus en plus automatisés. Nous travaillons à petite échelle, mais les systèmes de contrôle de qualité auxquels nous nous soumettons sont de plus en plus compliqués. Et la digitalisation est essentielle pour les mener à bien. Même si, en même temps, nous restons un peu des artisans. Et c’est bien ce mélange des genres qui fait l’une de nos spécificités en matière industrielle. »

Mais cet équilibre instable entre tradition et numérique ne risque-t-il pas, à terme, de vous faire perdre vos racines?

« C’est un risque. Et c’est bien pour cette raison que nous veillons à demeurer aussi simples que possible. »

En termes de management, quel est votre secret pour motiver votre personnel?

« Je fais confiance, je délègue et je limite au maximum les niveaux hiérarchiques, sans contrôler mes collaborateurs. Je pense sincèrement que, vu les règles de fonctionnement actuelles, rôdées et acceptées par tous, je pourrais m’absenter un an sans que cela pose problème au quotidien. Moi, je suis surtout là pour penser le futur, le préparer au mieux, et motiver les équipes pour qu’elles soient convaincues que c’est encore et toujours possible de faire mieux à l’avenir. »

 Et vous le voyez comment cet avenir, justement?

« Je voudrais devenir, à l’horizon 2030, le spécialiste incontesté de la phytothérapie en Europe, avec 80 % des ventes à l’export. Nous sommes sur la bonne voie. »

 SMART FACT

Si je n’avais pas été le CEO de Tilman…

« Si je n’avais pas pris la succession de mon père, je me serais bien vu architecte, aussi. Toujours ce mélange entre artisanat et technique de haut vol. Donner naissance à un projet, construire quelque chose, rendre le quotidien des gens plus agréable… j’ai finalement toujours eu les mêmes envies. C’est juste le style de métier qui a changé! »

05.06.2019
par Fokus-online.be

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