Interview par Ellen Van Hoegaerden

Amber Broos: « Je suis extrêmement reconnaissante de pouvoir faire ce que j’aime le plus au monde. »

Depuis quelque temps, la Belgique compte une nouvelle DJ de premier plan : Amber Broos. 20 ans et toujours aux études, elle mène déjà une carrière florissante derrière les platines.

La nuit, elle fait vibrer les clubs, et le jour, c’est sur les bancs de l’école, à Studio Brussels et dans les bureaux de Tomorrowland qu’on la trouve. C’est là que nous la rencontrons pour une discussion enjouée, avec son indispensable planificateur – alias  »Structure Junkie » – toujours avec elle. La semaine d’Amber Broos commence par ses cours du lundi et du mardi à la KU Leuven. Elle prépare aussi des mixes pour Studio Brussels, où elle brille le vendredi et le samedi dans UNTZ, une émission de radio avec streaming en ligne. Elle occupe ensuite son temps à étudier, à travailler sa musique ou à produire. « De temps en temps, j’essaie aussi d’avoir une vie sociale », confie-t-elle.

C’est de nature que tu sois aussi organisée, avec toujours un agenda sur toi, ou plutôt par nécessité ? 

« J’aime avoir une vue d’ensemble. Si je ne notais rien, j’oublierais des choses et je ne pourrais pas tout faire. Tandis qu’avec mon planificateur, j’y parviens toujours. On se moque parfois de mon agenda. Flo (Windey, de Studio Brussel, entre autres) m’a demandé un jour quel était mon red flag, et c’est sans aucun doute le fait que je possède des millions de surligneurs, indispensables pour un planificateur (rires). Ça ne fait pas vraiment techno-dj, je sais… Mais c’est comme ça : sans eux, je perds le fil. »

Tu as eu un été festivalier chargé, avec notamment ta première participation à Tomorrowland, et maintenant la saison des clubs a commencé. Tu ressens un changement de flux ? 

« Les deux m’amusent beaucoup, chacun à sa manière. C’est devenu une routine : les festivals avec leur atmosphère chaude et estivale, puis la saison des clubs fun & sweaty. Enchaîner les deux me permet de ne pas m’arrêter. En plus, ce que je fais me donne accès à beaucoup d’endroits, ce qui est plutôt cool. »

Tu as à peine 20 ans mais tu es dans le métier depuis plusieurs années déjà. Quand est-ce que tout a commencé ?  

« Mon père a été DJ pendant 25 ans et quand j’avais 12 ans, il a fondé une petite école de DJ : « Begin to DJ ». Donc il y avait beaucoup de matériel à la maison. J’ai tout de suite été attirée, alors j’ai essayé. Par la suite, j’ai participé à des concours de DJ et, à 13 ans, j’ai remporté la finale de la Robert Abigail Academy. Ce qui m’a permis de bénéficier d’une année de tutorat avec Robert Abigail, que vous connaissez sans doute pour sa « Mojito Song ». C’est comme ça que ça a démarré, et en parallèle, j’ai aussi commencé à produire. »

« J’ai toujours su que je voulais travailler dans la musique. En quatrième année, j’ai travaillé pendant une journée à l’Ancienne Belgique à Bruxelles dans le cadre de la journée d’action YOUCA. La personne en charge des DJs était là, alors j’ai rassemblé mon courage et je lui ai demandé s’ils cherchaient quelqu’un pour jouer dans le foyer (rires). Elle m’a donné ma chance et j’ai pu démarrer comme DJ résidente. Et je me suis retrouvée à Studio Brussels de la même manière. J’ai envoyé un message via l’application StuBru à la présentatrice Eva De Roo, qui réalisait une interview avec Black Mamba à la radio sur l’inégalité des sexes dans le monde des DJ et des producteurs. Elle m’a appelée, j’ai pu m’exprimer à la radio et ensuite j’ai eu l’opportunité de postuler pour le poste de DJ Filefuif pour le programme d’Eva. Une chose en a donc entraîné une autre ! »

La chose la plus importante pendant mon set, c'est que les gens passent un bon moment. Et moi aussi.

Le hasard, ou plutôt le fait d’avoir su dès ton plus jeune âge ce que tu voulais et ce qui te rendait heureuse, d’avoir su voir les opportunités et oser les saisir… 

« Ça aussi, oui. J’ai très vite su que le DJing était ma passion et que j’étais sans doute douée pour ça. Si vous savez avec certitude ce que vous voulez, chaque pas vous rapproche de votre objectif. C’était mon état d’esprit en tout cas. Je désirais plusieurs choses : travailler à Studio Brussels et être aux platines à Tomorrowland. Je suis extrêmement heureuse de toutes les opportunités que j’ai eues jusqu’à présent. Parfois, je n’arrive toujours pas à y croire. Je suis extrêmement reconnaissante de pouvoir faire ce que j’aime. C’est un travail très dur et il faut avoir un peu de chance aussi. »

Quels sont les plus grands enseignements que tu as retirés de tout ça jusqu’à présent ? 

« Apprendre à apprécier et à vivre le moment présent. C’était un été de folie et j’ai essayé de tout absorber parce que ça passe si vite. J’essaie également de profiter, de lever les yeux de temps en temps, de voir le public et de me rendre compte de l’endroit où je me trouve, de me faire une image mentale. En général, je suis plutôt stressée, en tous cas je l’étais beaucoup au début, mais j’ai appris à lâcher prise. Je suis assez perfectionniste, mais de manière plus saine aujourd’hui. Et puis avec les années, on prend confiance en soi. »

Être sur une scène comme celle de Tomorrowland et jouer devant un public immense, cela doit procurer un sentiment assez unique, non ? 

« Oui, c’est incomparable. Mais c’est vrai pour toute personne ayant une passion, je pense. C’est également un sentiment de dépendance. Pendant la saison des clubs, je suis aussi plus proche du public. Je peux toucher les gens, et je me sens vraiment connectée à eux. J’y puise une énorme énergie. J’aime vraiment être sur une scène et j’ai hâte de jouer à chaque fois, pour pouvoir être dans mon flux et amener les gens avec moi dans mon histoire. Bien sûr, c’est tout un apprentissage pour en arriver là. Beaucoup de choses se passent un peu difficilement au début et ce n’est pas du jour au lendemain qu’on peut ne faire que les choses qu’on aime faire. »

Quand estimes-tu qu’un set est réussi ?

« Quand tout le monde a vécu une nuit de folie. Ou que je passe un disque et que les gens se demandent  »what the f* is happening? » (rires), mais surtout quand le public danse et s’amuse. Parce que c’est le principal boulot d’un DJ : faire en sorte que les gens passent un bon moment. Et le fait que je m’amuse moi-même est également important. J’essaye que chaque set soit un peu meilleur que le précédent. Ce qu’il y a de bien avec le DJing, c’est qu’on peut continuer à apprendre car il y a toujours une nouvelle compétence ou un nouveau truc à essayer. Je fais juste de mon mieux à chaque fois et je pose sur mon set un regard sain et critique. »

À propos d’apprentissage, tu es toujours étudiante en communication. Comment combines-tu cela avec le style de vie des DJ ? 

« Maintenant, ça se passe bien, grâce au planificateur (rires). Je fais un programme à mi-temps, sans quoi la combinaison avec le DJing et mon job à Stubru ne fonctionnerait pas. J’aime étudier, car cela structure mes journées et c’est agréable de faire quelque chose de « normal » pour quelqu’un de mon âge (rires). Tant que ça marche, je continuerai à fonctionner comme ça. Pendant la période de blocus, je prends quelques semaines de congé pour étudier. Je suis étudiante travailleuse à la KU Leuven et j’ai obtenu le statut d’étudiante-artiste. En dehors de mes études, j’essaie d’utiliser le temps restant pour sortir déjeuner avec des copines ou des choses comme ça. C’est difficile de tout planifier, mais pour l’instant, tout se passe plutôt bien. »   

DJ

Quittons la vie étudiante pour la communauté techno : tout à l’heure, tu as mentionné l’interview d’Eva De Roo et de Black Mamba sur les inégalités dans le secteur. Comment le vis-tu ?  

« C’est vrai que c’est une industrie plutôt masculine, mais ces dernières années, davantage de filles se sont lancées. Pendant les premières années de l’école de DJ de mon père, seuls les garçons participaient aux ateliers et ils admiraient Dimitri Vegas et Like Mike. Maintenant, il y a souvent des filles qui, elles, prennent Charlotte De Witte comme référence. Les choses évoluent. De toute façon, la scène techno est une communauté où tout le monde est le bienvenu et où l’on peut être complètement soi-même. Moi-même, je ne suis pas le prototype du DJ techno, car j’y apporte ma touche rétro, avec parfois un peu de house… Après quelques années d’expérimentation, j’ai trouvé ma voie : de la techno avec une touche rétro-électronique. »

Tu reçois parfois des messages de jeunes filles qui t’admirent ou te demandent des conseils ?

« Très occasionnellement, depuis que je suis passé à Tomorrowland. Elles me demandent conseil pour se lancer. Ma réponse est invariablement : fais-le, ne réfléchis pas, amuse toi! C’est génial de voir plus de femmes dans les DJ-booths ces derniers temps, et ce n’est qu’un début. »

Tu as déjà mentionné Charlotte De Witte, mais y a-t-il d’autres DJ que tu admires ?

« Oui, Charlotte et aussi Amélie Lens. Elles sont vraiment au top de la scène techno, et c’est réjouissant. Mais en dehors de l’industrie du DJ, beaucoup de personnes inspirantes et de grands présentateurs travaillent chez Studio Brussels. Et il y a mes parents que j’admire aussi. C’est agréable de pouvoir partager le métier de DJ avec mon père. »

Pour conclure : quel est ton programme pour cette année ? 

« J’ai beaucoup de choses sympas prévues en 2023. Je vais continuer à présenter sur StuBru, à participer à des festivals et à des vacances de ski très fun, et me remettre à la production. Mon plus grand rêve en ce moment est d’aller à l’étranger avec ma musique. Juste voyager, tourner et découvrir de nouveaux endroits et de nouvelles cultures… J’ai hâte d’y être, mais je ne veux pas non plus me porter la poisse (rires) ! »

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Si tu n'étais pas DJ tu serais...

« J’ai toujours voulu être présentatrice radio (rires). Même si je n’aurais jamais osé y croire. Mais j’aime parler, j’aime la musique et j’ai toujours voulu travailler à Studio Brussels. J’ai suivi des cours de diction et de théâtre pendant dix ans. Je suis diplômée du conservatoire SLAC de Louvain. C’est peut-être pour ça que j’aime tant causer. »  

 

24.01.2023
par Ellen Van Hoegaerden
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