Interview par Louis Matagne

Tamara De Bruecker : « Je n’ai pas peur de m’entourer de personnes plus fortes que moi »

Nommée directrice générale adjointe de la STIB en février dernier, Tamara de Bruecker prône un leadership ouvert et empathique. Forte d’une expérience professionnelle de 30 ans, elle nous parle de sa vision du travail et de la réussite.

Tamara De Bruecker, comment devient-on N°2 d’une société comme la STIB ? Avez-vous le sentiment que votre parcours vous prédestinait à atteindre une si haute fonction ? 

« Je ne l’avais jamais vraiment envisagée en commençant à la STIB, il y a 3 ans, mais je pense que c’est la suite naturelle de mon parcours. J’ai passé 10-15 ans dans un comité de direction. Pour moi, qui travaillais surtout dans le domaine commercial, la relation client et l’innovation, ce poste était intéressant, car il me permet d’élargir le scope au maximum. Il y a beaucoup de nouveautés : l’opérationnel, les ressources humaines, la technique, les relations avec les syndicats. C’est une étape assez importante pour moi. »

Vous êtes la première femme à occuper ce poste…

« J’espère qu’on ne m’a pas choisie pour d’être une femme, même si je crois très fort à l’importance d’avoir des équipes dont les membres se complètent, avec des talents et des personnalités différentes. J’ai certainement une manière à moi de faire les choses, mais c’est une question d’expérience, ce n’est pas spécialement lié au fait d’être une femme. » 

Malgré tout, cela a une valeur symbolique ? 

« Je crois qu’il y a de plus en plus de femmes qui endossent des rôles de leaders, et nous pouvons servir de modèles. Cela dit, il est vrai que la STIB met en avant la diversité. Peu importe votre âge, votre genre, on veut que vous ayez la même chance. »  

Quels seront vos principaux défis ? 

« Ils sont très larges. La Région bruxelloise a de hautes ambitions pour développer les modes de déplacement durables. Il y a un important programme d’investissement, par exemple pour créer de nouvelles lignes de métro et de tram ou des dépôts. Tout cela est assez ambitieux, et donc vraiment agréable pour nous, car on sent qu’on peut être au cœur de l’innovation, au cœur de changements voulus par les gens. » 

Quel type de leader êtes-vous ?

« Je suis une femme qui travaille de manière ouverte, et qui se veut accessible. Je mets l’accent sur l’empathie. Cela me vient du marketing, où l’on se met dans la tête du consommateur pour développer des services qui lui facilitent la vie. Ce qui m’importe également, c’est de me focaliser sur les forces de mes collègues. Je n’ai d’ailleurs pas peur de m’entourer de personnes plus fortes que moi. » 

femme

Vous êtes diplômée de la Solvay Business School, une école de référence. Une nécessité pour lancer une belle carrière ? 

« Je pense que ce qui compte plus que tout, c’est de faire ce que l’on a envie. C’est cela qui apporte énergie et passion. Quand on est dans un domaine qui nous intéresse, on travaille et on entreprend plus facilement. Cela me semble plus important que le diplôme, même si l’université m’a évidemment amené des choses, comme la capacité d’analyse. Et puis, pour continuer à avancer, je crois qu’il faut rester curieux, continuer à apprendre et oser des choses. » 

Faire ce qu’on aime et continuer à apprendre, ce serait votre définition de la réussite ? 

« Il y a cela, mais aussi le fait d’avoir un impact. On peut l’avoir à plusieurs niveaux : sur la vie des gens, en l’améliorant avec un service ou un produit. Et sur les équipes en interne, en aidant à les faire avancer. N’être concentré que sur le business et les résultats, en se comportant n’importe comment avec les gens. Ce n’est pas ma vision de la réussite. » 

Vous avez longuement travaillé dans le marketing, qu’est-ce que cela vous a apporté ?

« Je pourrais vous parler pendant des heures de l’importance du marketing. Car il concerne tout ce qui touche au marché. Il est utile partout. Contrairement à ce qu’on croit parfois, le marketing n’a rien à voir avec la publicité : il s’agit de comprendre le marché et le client, pour développer des produits qui servent au mieux les gens. C’est un raisonnement de base, centré sur le client. Et qui doit toujours nous guider. Je crois que les sociétés qui ont ce raisonnement réussissent davantage que celles qui sont trop focalisées sur les réalités internes. On peut donc dire que le marketing m’a amené de la curiosité et un sens de l’observation. »

Il y a de plus en plus de femmes qui endossent des rôles de leaders, et nous pouvons servir de modèles.

Quelles ont été les compétences les plus importantes, au long de votre carrière du travail ? 

« Je dirais d’abord ma capacité à analyser rapidement les problèmes qui se présentent. Il y a ensuite mon leadership, dans le sens où c’est bien d’être capable de donner de l’énergie aux autres, d’avoir une vision, un œil tourné vers la réussite des projets. J’agis plus que je ne parle et je pense que mon énergie et ma passion sont contagieuses. Tant pour les équipes que pour les clients. » 

Selon vous, quelles sont les qualités les plus recherchées aujourd’hui dans le monde du travail, tous secteurs confondus ? 

« Je pense qu’on cherche des gens qui n’ont pas peur du changement, qui veulent apprendre en permanence et qui ont une certaine curiosité. » 

À quoi ressemblera le monde du travail dans dix ans ?

« Quand je regarde 30 ans en arrière, je me dis que les choses ont beaucoup changé. Faut-il s’attendre à ce que cela bouge encore d’ici 10 ans ? J’espère en tout cas que la technologie permettra de libérer la créativité, de se concentrer sur le contenu et de générer plus de valeur ajoutée. Finalement, que ça redevienne plus humain, avec des outils plus intuitifs que les GSM et les laptops. Mais c’est un souhait personnel, pas une prédiction. » 

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Quelle personnalité vous inspire ? 

Caroline Pauwels, la rectrice de la VUB. C’est une femme incroyable, qui a transmis une énergie énorme à son université, pour lui permettre de se réinventer et de croître. Elle s’intéresse à plein de choses et s’investit énormément dans le relationnel, que ce soit avec ses équipes, la ville ou les alumnis. Sa passion et son énergie sont remarquables, dans un environnement, l’université, qui n’est pas spécialement facile.

06.05.2021
par Louis Matagne
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