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Sana Afouaiz (Womenpreneur) : entrepreneuriat social et militant

21.04.2021
par Fokus Online

Sana Afouaiz est une entrepreneuse visionnaire, au sens le plus littéral : portée par une vision et une cause qui la dépassent. Et c’est cette cause qu’elle amène devant notre micro cette semaine. 

Marocaine d’origine, élevée entre les livres d’érudits et de féministes, la jeune femme acquiert très tôt une conscience aigüe des injustes sociales. Après un début de carrière de militante activiste, elle change de méthodes et fonde Womenpreneur, une ASBL sans frontières destinée à soutenir les femmes de milieu marginalisé dans leur parcours entrepreneurial et leur formation au numérique. 

Son CV en quelques lignes

  • Auteur d’un blog militant d’analyse genrée des lois marocaines
  • Auteur du livre “Invisible Women in the Middle East” 
  • Fondatrice et Directrice de Womenpreneur

Le Pitch

« Womenpreneur, c’est une organisation à but non lucratif. L’objectif, c’est former les femmes, préparer les femmes et libérer les femmes. On fait cela à travers l’entrepreneuriat dans les industries du futur et à travers la création de l’emploi. »

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Répondre à la demande [18’30]

« Vu que j’ai travaillé avec des institutions internationales, j’ai compris qu’il y a beaucoup de ressources. Mais en général, ce sont des projets qui sont créés sans une compréhension des besoins des femmes. Cela veut dire que ce sont plutôt des projets pensés, je ne sais pas, en Amérique par exemple, et qu’après on les applique au Maroc. C’est la théorie, purement la théorie, et ça n’a rien à voir avec la pratique. Le fait qu’ils soient si dissociés des organismes locaux fait qu’on ne touche pas [la cible]. Aujourd’hui par exemple, si tu veux soutenir une femme au Maroc, ça n’a rien à voir avec une femme en Libye.

Alors que ce n’est pas loin, il n’y a que l’Algérie entre les deux pays. Mais ça n’a rien à voir, parce que le contexte, la situation économique, la situation politique, la force de l’idéologie de chaque pays sont différents. Ce qui fait que j’étais frustrée. (…) J’ai décidé de voyager spontanément : j’ai rencontré des femmes de partout, éduquées, rurales, prostituées, fondatrices de startup, analphabètes, féministes. J’ai passé du temps chez chaque femme et j’ai rencontré la société civile, les organismes publics, les autorités, pour comprendre le schéma légal, le contexte politique et économique. (…) Et depuis j’ai compris : quel que soit le projet que je veux faire, je dois étudier ma cible. » 

Comment financer une ASBL internationale ? [25‘10]

« Notre business model, c’est principalement de recevoir des fonds publics, des sponsorings de la part d’entreprises Tech, et on offre des services de consulting [auprès des Institutions européennes]. (…) Depuis 3 ans, on focalise beaucoup sur les services. On a remarqué qu’on reçoit des fonds pour tel ou tel projet, et même nous, on sait que le projet est impactful, qu’il est bien ciblé, qu’il va bénéficier à beaucoup de gens, à moment donné, le bailleur n’est plus intéressé et veut autre chose. D’un coup, on doit arrêter le projet. C’est là qu’on a réalisé que nous devons travailler sur notre propre business model qui soit durable. Donc des services qui vont nous permettre d’avoir une certaine indépendance financière pour pouvoir continuer tel ou tel projet s’ils ne sont pas refinancés. »

Le Maroc, c’est le 1er pays au monde où il y a plus d’ingénieurs femmes que hommes.

Écosystèmes belges et marocains [37‘30]

« En Belgique, malgré les opportunités qui sont offertes, on a peu de femmes entrepreneuses. On a peu de femmes qui soient dans les Sciences du futur, la STEM {Science, Technologie, Ingénierie et mathématiques]. C’est une erreur qu’on retrouve dans plusieurs pays : on croit, parce qu’il y a un écosystème, qu’il est accessible à tout le monde. C’est vrai oui, mais je pense que les femmes restent intimidées par cet écosystème. (…) Il y a environ 13 % de fondatrices ou cofondatrices en général, on tombe 8-9 %, je pense, pour les STEM. C’est peu pour un pays comme la Belgique. 

La culture

Dans les pays des MENA, c’est là le paradoxe, on a 65 % des personnes formées aux STEM qui sont des femmes. Mais on ne les voit pas la sphère professionnelle. Par exemple, le Maroc, c’est le 1er pays au monde où il y a plus d’ingénieurs femmes que hommes. Malheureusement, dans le marché du travail, il y a peu de femmes. Pourquoi ? Là, c’est la culture. La société fait pression sur les femmes et leurs choix. Leur mère va leur dire : ‘’écoute, il n’y a que des hommes, c’est mieux que tu te maries, que tu aies des enfants, tu es jeune.’’ Ça a un impact sur ta décision de rentrer sur le marché du travail.

En tant qu’entrepreneuse, c’est encore pire, parce que les gens ne comprennent pas. Même pour un homme. Tu vas créer quelque chose de nouveau, tu ne vas travailler pour quelqu’un. Ton salaire n’est pas garanti. Tu cherches de l’argent, des financements. L’idée de l’écosystème est trop nouvelle dans la région. Ça fait peur : trop d’incertitudes. En plus de cela, il y a des problèmes avec la législation. C’est peut-être la partie la plus compliquée. Si tu veux créer une startup Tech, à part Dubaï, l’Égypte, le Liban et la Tunisie, c’est une galère par ce que les lois ne sont pas claires. » 

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