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Réussites et revers de la loi sur le bien-être au travail (partie 2)

07.03.2022
par Fokus Online

La Loi sur le bien-être au travail existe depuis un quart de siècle. Son approche était assez progressiste pour l’époque. Elle a fait de la Belgique une initiatrice en matière de gestion des risques psychosociaux sur le lieu de travail. L’évolution de l’organisation du travail concernant le travail avec des tiers et une approche plus ciblée des risques professionnels y ont été abordés. Il semble pourtant qu’il reste du chemin à parcourir pour garantir un lieu de travail sûr et sain à tous les travailleurs, en ce compris les travailleurs intérimaires. Prévention et Intérim a récemment organisé une journée d’étude pour évaluer l’état de la situation.  Cette deuxième partie expose comment se présente l’évaluation de la santé dans les pays voisins et comment elle peut nous inspirer pour la surveillance de la santé des travailleurs intérimaires.

Les différentes lois nationales récentes en matière de protection au travail découlent de plusieurs directives européennes de la fin des années ’80 et du début des années ’90, comme l’a rappelé Lieve Ponnet, conseillère générale de la Direction générale Humanisation du travail du SPF Emploi.  Son service est responsable de l’élaboration de la réglementation en matière de bien-être au travail. La directive-cadre européenne de 1989, par exemple, prévoyait des mesures devant garantir, aux travailleurs, une « surveillance appropriée de la santé », adaptée aux « risques » pour leur sécurité et leur santé liés à leur poste de travail. Ces mesures devaient également être de nature à permettre à tout travailleur de se soumettre « périodiquement » à un examen médical. La directive stipule encore que la surveillance de la santé peut également faire partie d’un système de santé national.  

Deux ans plus tard, en 1991, la législation précise qu’il ne doit pas y avoir de différence en matière d’équipements de protection individuelle entre les travailleurs permanents de l’entreprise et le personnel intérimaire et qu’une surveillance médicale spécifique appropriée doit être prévue pour les activités qui le nécessitent. Toutefois, le législateur ne précise nulle part ce que l’on entend au juste par surveillance médicale « spécifique ». 

Aux Pays-Bas 

« Ces directives ont toutefois été mises en oeuvre de manières assez diverses dans les pays européens », indique Lieve Ponnet. Les systèmes varient en fait totalement. Au Royaume-Uni, par exemple, il n’y a pas de médecins du travail. La surveillance de la santé s’exerce dans le cadre de la médecine « classique », au sein du système national de santé (NHS). Les Pays-Bas ont, pour leur part, créé le PMO et le PAGO, soit respectivement, l’examen médical préventif et l’examen préventif de médecine du travail. Le premier n’est pas basé sur des dispositions législatives, le deuxième est, par contre, prescrit légalement.  Aucun des deux examens médicaux ne constitue une obligation. Les examens médicaux et ne sont accessibles que de manière volontaire. Le premier type d’examen concerne tous les travailleurs. Le second type s’adresse aux travailleurs exposés à des risques professionnels spécifiques. 

En France, on parle de VIP et de SIR, c’est-à-dire de la « Visite d’Information et Prévention » et du « Suivi Individuel Renforcé ». Comme aux Pays-Bas, le premier type de consultation s’adresse à tous les travailleurs, tandis que le second type de visite médicale s’adresse aux travailleurs exposés à des risques du fait de leur travail. Dans le cadre de la VIP, on interroge le travailleur sur son état de santé, on l’informe et on le sensibilise aux risques présents sur le lieu de travail. Cette consultation peut être réalisée tant par un médecin du travail ou un médecin assistant que par un infirmier ou son assistant. Le suivi est assuré en fonction des conditions de travail et des risques professionnels, ainsi que selon l’état de santé et l’âge du travailleur. En l’absence de risque spécifique, la VIP se déroule dans les trois mois qui suivent la mise au travail et une dispense peut être obtenue à certaines conditions. En présence de certains risques spécifiques ou en cas de travail de nuit, cette visite a lieu au début de la mise au travail. Dans le cadre du SIR, l’examen médical initial et périodique sont effectués par un médecin du travail. La visite intermédiaire peut être effectuée par un autre expert de la santé. 

En Allemagne 

Chez nos voisins de l’Est, en Allemagne, trois types de surveillances de la santé sont en vigueur : « Pflichtvorsorge », « Angebotsvorsorge » et « Wunchvorsorge ». Elles sont toutes trois effectuées par un médecin du travail et consistent en un entretien consultatif, complété, éventuellement, par un examen physique ou clinique. Le consentement du travailleur est requis à cet effet. 

L’examen « Pflichtvorsorge » constitue une surveillance de la santé que l’employeur est tenu d’organiser dans le cadre de certaines activités à hauts risques. Il est effectué avant le début de la mise au travail et fait l’objet d’un suivi périodique. Si un travailleur refuse de se soumettre à cet examen, il ne peut être mis au travail, ce qui constitue donc une obligation de fait. 

L’examen « Angebotsvorsorge » est un type de surveillance de la santé auprès du médecin du travail, que l’employeur est tenu de proposer au travailleur. Il concerne certaines activités à risques, sans qu’il ne soit obligatoire pour le travailleur. 

Enfin, l’examen « Wunschvorsorge » est une surveillance de la santé effectuée à la demande du travailleur. L’employeur est tenu de l’accepter. L’examen porte sur toutes les activités pour lesquelles aucune autre surveillance de la santé n’est prévue. 

Le législateur allemand crée ainsi un cadre général. Les modalités pratiques (type d’examen, fixation de la périodicité ou avis du médecin du travail) sont régies par des règles de médecine du travail établies par divers instituts scientifiques. 

Il semble donc que chaque État membre peut aborder la surveillance de la santé des travailleurs de manière totalement singulière et que des modalités très variables sont applicables, tantôt obligatoires tantôt volontaires. De même le rôle des médecins du travail et des experts de la santé varient d’un pays à l’autre.  

Si la surveillance de la santé est organisée différemment dans les pays européens, il y a inévitablement des divergences en termes de qualité et d'utilité.

Des pistes pour la Belgique

« Si la surveillance de la santé est organisée différemment dans les pays européens, il y a inévitablement des divergences en termes de qualité et d’utilité », affirme Edelhart Kempeneers, directeur médical au sein du service externe Attentia. En Belgique, on peut déjà citer quelques exemples concrets.  Par manque de temps et de médecins du travail, la réalisation de l’examen médical préalable en temps voulu n’est pas une sinécure. On peut également se demander si cette surveillance de santé préalable est toujours pertinente ou si une brève visite de dix minutes chez le médecin du travail est vraiment utile dans tous les cas.  La question se pose dès lors de savoir comment nous pouvons en faire une visite médicale efficace, plus ciblée et plus pertinente.

On observe déjà une évolution dans la surveillance de la santé, selon Edelhart Kempeneers. Les examens de routine se déroulent, par exemple, de plus en plus souvent par le biais « d’opérations intermédiaires » déjà instaurées par le Code du bien-être au travail. Cette approche est logique, car elle est plus efficace. Il s’agit aussi d’une conséquence des évolutions technologiques et sociétales que nous traversons (élargissement constant des possibilités d’automatisation) et de la pénurie de médecins du travail. 

Concernant la pénurie de médecins du travail, Edelhart Kempeneers cite des chiffres. L’âge moyen d’un médecin du travail est actuellement de plus de 50 ans. Les départs sont également beaucoup plus nombreux que les entrées en fonction. Entre 2012 et 2017, l‘effectif est passé de 746 à 693 médecins du travail équivalents temps plein. L’examen n’est véritablement réalisé que chez 82% du million et demi de travailleurs soumis chaque année à un examen de la santé. 

Tâches du personnel infirmier 

Nous devons conclure de ce qui précède qu’il est nécessaire d’utiliser au mieux les compétences des médecins du travail disponibles et reconnaître, par exemple, qu’un infirmier peut tout aussi bien qu’un médecin du travail administrer un vaccin obligatoire contre l’hépatite B. Tout comme, nous pouvons admettre que de nombreuses affections donnant lieu à une incapacité de travail peuvent généralement être décelées grâce à un questionnaire, telles qu’un infarctus dont le travailleur a été victime ou un diabète instable. Une anamnèse fournit déjà beaucoup d’informations. Si des doutes subsistent néanmoins à la lecture des réponses au questionnaire, le médecin du travail peut toujours prévoir un examen médical. Par ailleurs, des conseils de santé pourraient déjà être intégrés au questionnaire, en fonction des risques auxquels le travailleur s’expose. 

Une telle approche par étapes au moyen de questionnaires et du dépistage sur la base du profil de risque présente de nombreux avantages. En l’absence de tout problème, une visite chez le médecin du travail ne présente aucune utilité. Un examen en vue d’une exposition à des agents chimiques en l’absence de toute exposition antérieure, par exemple, est peu judicieux. Il ne faut, d’ailleurs, pas perdre de vue le faible niveau d’accès au médecin du travail des travailleurs exposés à ce type de risques professionnels, notamment, lorsque l’exposition à de tels agents est accidentelle. 

Travailleurs de langue étrangère

La pratique évolue déjà vers un allongement de la périodicité des examens et la réduction des examens de routine, mais ce n’est pas tout. En abandonnant la technique au profit de questionnaires médicaux, par exemple, on crée l’opportunité de transmettre des conseils et de déceler les risques pertinents au niveau de l’entreprise, voire du travailleur. Rédigeons dès lors d’emblée ces questionnaires en langues étrangères pour faciliter la communication et accroître l’efficacité. En effet, ces questionnaires permettent au médecin du travail de savoir, au préalable, sur quoi il doit se concentrer lorsqu’un intérimaire de langue étrangère vient le voir en consultation. 

En résumé, il ne faut certainement pas supprimer la possibilité d’une consultation chez le médecin du travail, mais les consultations pourraient certainement être organisées de manière plus ciblée selon les réponses aux questionnaires médicaux ou à la demande exprès de l’intérimaire. 

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