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IT

Convivialité d’abord, technologie ensuite

16.12.2021
par Fokus Online

Devant le défi que représente la digitalisation, nombre d’entreprises se voilent encore la face. Alors qu’elles se savent de plus en plus dépendantes de la technologie, beaucoup peinent encore à réagir : comment faire des choix dans ce domaine ? Quelle place donner à la convivialité ? Et comment se fait-il qu’Amazon n’ait pas balayé Bol.com en Belgique et aux Pays-Bas ? Dieter Dreesen, Head of Commercial Professional Services, et Managing Partner Thomas Van Oekelen de Pàu (Anvers) s’en expliquent.

« Proposer des solutions dans un marché informatique trop sollicité et trop analysé », voilà comment Dreesen décrit, en une phrase, les activités de Pàu. D’accord, cela ne dit pas encore grand-chose. « En général, nous œuvrons à des solutions qui s’intègrent dans une transformation numérique », complète Van Oekelen. « Suivant le type d’organisation, cela se déroule à différents niveaux. Parfois, il s’agit uniquement de partage de connaissance et de consultance ; parfois, nous mettons en place un service ; dans certains cas, nous construisons une appli ou un site Web. Nous le faisons aussi bien pour des startups que pour des entreprises bien établies, qui voient leurs activités changer très rapidement à l’heure actuelle. Et parfois également pour des entreprises qui sont déjà à un stade bien avancé, mais qui recherchent encore des connaissances très spécifiques, par exemple en matière de design ou de stratégie numérique. » 

Chez Pàu, on remarque que de nombreux concurrents misent sur une technologie bien déterminée. Dreesen n’en est pas fan. « Par exemple, ils basent tout sur des outils de Microsoft. Ou bien ils programment tout en Java. Mais la technologie n’est qu’un moyen pour atteindre une fin. Notre idée est que la technologie doit surtout être conviviale. Ce point de départ doit déterminer en fin de compte les solutions que vous allez engager. »

Banques et médias : à la pointe

Autre point : ces solutions ne sont pas uniformes pour chaque secteur, précise Van Oekelen. Et bien que nous ne soyons encore que dans les débuts de la vague de digitalisation, elle n’a pas à la même vitesse dans toutes les entreprises. « Les médias, par exemple, sont à la pointe. Cela fait des années qu’ils ont été forcés d’expérimenter avec des sites Web, puis des applis et la technologie mobile. Même chose pour les banques : on a d’abord eu les services bancaires en ligne, puis les services mobiles, et aujourd’hui, les banques lancent des applis qui permettent de faire beaucoup plus que seulement virer de l’argent : acheter des tickets de parking et de cinéma par exemple, et même regarder des séquences de football pour certaines. Cela peut fonctionner, bien sûr, mais l’accent doit être mis sur l’utilisateur final. C’est avec cet élément que vous faites la différence. » 

Le fait qu’on puisse regarder du football dans une appli bancaire montre que les possibilités d’investissement dans la technologie sont devenues infinies à l’heure actuelle, relève Van Oekelen. « Beaucoup d’entreprises se rendent compte qu’elles doivent réagir, mais ne savent pas comment exactement. La réponse fondamentale à cette question me semble être le client final. Quel est le problème du client auquel vous souhaitez apporter une solution ? Quelle est la préoccupation primordiale du client ? Voilà ce qui détermine si vous allez construire une appli, un chatbot, un site Web ou une application VR. Sans cela, vous risquez de faire de gros investissements pour rien. Et cette philosophie vaut aussi bien pour les entreprises qui souhaitent continuer à faire appel à leur technologie historique pré-existante que pour les sociétés qui entendent innover en matière de modèle d’entreprise. Cette plus-value pour le client est indispensable. » 

Ce qui joue également un rôle, c’est le fait que le profil du client change, et que son âge, par exemple, détermine la manière dont il veut utiliser cette technologie. « Absolument », confirme Dreesen. « La convivialité coïncide largement avec cette évolution du comportement. Pour donner un exemple : à l’heure actuelle, les clients veulent faire le plus possible de choses eux-mêmes. Téléphoner à un helpdesk ou un service clientèle pour vérifier certaines données du compte ou modifier une adresse de livraison, par exemple ? Plus aucun jeune de 18 ans n’en a envie. Les jeunes préfèrent régler cela via Whatsapp. Et à l’avenir, ils préféreront certainement plutôt avoir recours à un chatbot. En fin de compte, ils régleront toutes leurs opérations bancaires avec des messages vocaux. »

On confond souvent l’user experience design avec la couleur de vos boutons ou la création de jolis écrans.

- Thomas Van Oekelen

Environnement B2B

« Ce n’est d’ailleurs pas seulement le cas des consommateurs : c’est aussi vrai dans un cadre B2B », précise Van Oekelen. « Pour notre partenaire, Warehouses De Pauw, nous réalisons un portail client sur lequel l’utilisateur lui-même peut optimiser son administration et sa communication. Ainsi, les clients peuvent suivre de façon autonome leurs factures ou la consommation d’énergie des entrepôts, par exemple. On pourrait penser que la “location d’entrepôts” n’est pas un secteur très digital, mais WDP doit évoluer dans ce sens pour rester concurrentiel sur le plan international. »

Pour suivre toutes ces évolutions, une entreprise doit oser adopter une attitude ouverte, complète Dreesen. « Dans le passé, les entreprises étaient très fortement liées à une personne : pour Apple, c’était Steve Jobs ; et pour Microsoft, c’était Bill Gates. Je crois que cela change graduellement. Un chef d’entreprise doit s’orienter beaucoup plus vers la co-création et le partage d’informations. Il est devenu pratiquement impossible d’innover tout seul parce que le monde d’aujourd’hui est devenu tellement complexe. Et rendre ce monde un peu plus simple et accessible pour vos clients, ce n’est pas une mince affaire. »

Ce qui est également clair, c’est que cette évolution ne va probablement pas s’atténuer dans les prochaines années. Les technologies numériques prendront encore davantage d’importance dans la conduite des business et leurs développements s’accéléreront encore. « Prenons l’exemple de la 5G », explique Dreesen. « La Belgique n’est pas précisément un pionnier dans la 5G, mais cette technologie va ouvrir de nouvelles possibilités dans de nombreux domaines. Il deviendra parfaitement possible pour un chirurgien qui se trouve en Irlande de commander un robot chirurgical via une liaison de données pour opérer un patient dans un hôpital en Belgique. On peut aussi citer la technologie de conduite autonome : si les voitures roulent de façon autonome et que la mobilité devient un service, 99 % de nos problèmes de parking seront automatiquement résolus. » L’avenir s’annonce passionnant. 

Susciter de l’empathie

Mais revenons à cette « convivialité » que Dreesen avait déjà relevée. De quoi s’agit-il exactement ? Et comment y parvenir ? « On confond souvent l’user experience design avec la couleur des boutons ou la création de jolies interfaces », remarque Van Oekelen. « Ça en fait partie, mais c’est bien plus que cela. Il s’agit de se conformer le plus possible à la pensée de l’utilisateur. Comment un client utilise-t-il votre appli ? Fait-il son virement aussi dans un fauteuil, chez lui ? OU peut-être dans le bus ? Et cela va très loin. En fin de compte, l’entreprise doit développer une compréhension et une empathie profondes pour l’univers de ses clients, une sorte de connexion mentale avec l’utilisateur. Ce sont des choses qu’il faut savoir absolument, avant de s’engager dans un processus de développement long et coûteux. » 

Les entreprises croient très souvent qu’elles comprennent leurs clients, mais ce n’est pas le cas. « Lorsque nous étudions cet aspect, cela peut parfois être très dérangeant, » remarque Van Oekelen en riant. « Un exemple classique est le checkout-flow d’un site Web. Comment se fait-il que les clients mettent des articles dans leur panier, mais finissent par ne pas régler leurs achats ? L’explication peut être simple : la succession de certains boutons et écrans. Des détails… Mais si vous ne le savez pas, vous ratez de nombreux achats. » 

« En outre, les entreprises confondent souvent ce qui est techniquement possible et ce qui est techniquement souhaitable », ajoute Dreesen. « Est-il bien nécessaire que la télécommande de votre téléviseur comporte 60 boutons ? Je pense que 99,99 % des utilisateurs finaux se fichent absolument de savoir si un outil déterminé est programmé en Java, par exemple. Ils veulent surtout quelque chose qui soit convivial, agréable à utiliser. Et si vous n’êtes pas capable de faire cet exercice, vous vous heurterez un jour à un concurrent qui offre davantage de convivialité et qui vous grappillera des clients. » 

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Un site « bien de chez nous »

Une évidence pour Van Oekelen, qui attire également l’attention sur des paramètres qui vont au-delà de la technologie. « Je crois que des éléments culturels et locaux ont également un rôle, » explique-t-il. « Dans presque toute l’Europe, Amazon s’est taillé la part du Roi parmi les sites de e-commerce, sauf en Belgique et aux Pays-Bas, où c’est Bol.com. Comment expliquer cela ? Bol.com a tout à fait compris cette convivialité, mais a aussi investi pour comprendre les clients locaux : les Belges et les Néerlandais. Voilà pourquoi.

Depuis le langage utilisé, en passant par la structure du site, jusqu’aux moyens de paiement que vous pouvez utiliser et au helpdesk… Vous sentez à travers tous ces éléments que Bol.com est un site “bien de chez nous”. J’ai beaucoup moins ce sentiment chez Amazon. » À l’avenir, cette nécessité de « comprendre le client » restera, un élément clé, pense Van Oekelen, quelle que soit l’évolution technologique des sites. « Elle tiendra un rôle dans le fonctionnement de l’intelligence artificielle ou du Machine Learning. Cela ira jusqu’au niveau sémantique : votre chatbot va-t-il tutoyer ou vouvoyer vos clients ? C’est un choix qu’il faudra faire à un moment donné. » 

« Enfin, les évolutions légales et de société y tiennent également un rôle important », termine Dreesen. « Une nouvelle loi telle que PSD bouleverse l’ensemble du secteur bancaire. Ou bien la controverse à propos du transport de colis. Sera-t-il impensable, à l’avenir, de choisir simplement le transporteur le plus rapide ? Les clients veulent-ils une société de transports avec une politique beaucoup plus éthique et durable ? Ce genre de questions est sans fin. Le moindre changement dans le monde peut avoir un impact énorme sur la perception de l’utilisateur. » 

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