Interview par Fokus Online

Sébastien de Halleux : « Nous prenons le risque de croire au potentiel de développement d’une idée. »

Tout le monde a de bonnes idées. La grosse différence entre l’idée et l’entreprise, c’est l’exécution. Sébastien de Halleux explique.

Devenu multimillionnaire grâce à la vente de Playfish, une société de jeux en ligne, le Belge Sébastien de Halleux se consacre aujourd’hui au soutien de start-ups prometteuses au travers de Graph Venture, un fonds d’investissement cofondé en 2011 avec six autres entrepreneurs. Depuis San Fransisco, où il vit avec sa famille, il nous explique son activité de business angel.

Quelle est la place d’un business angel (BA) lorsqu’on souhaite lancer son entreprise ?

« Il faut déconstruire le mythe de la grande idée. Tout le monde a de bonnes idées. La grosse différence entre l’idée et l’entreprise, c’est l’exécution. Or peu de gens sont formés à la création d’entreprise et à la multitude de challenges qui touchent l’entreprise. La polyvalence des problèmes souligne donc le besoin d’un entrepreneur d’être épaulé. Celui qui arrive à passer le cap, de l’idée à l’exécution, le fait souvent sur fonds propres au début. Ces fonds n’ont pas besoin d’être importants mais doivent permettre de s’équiper un minimum, de commencer avec une petite équipe, de concevoir un prototype, etc. Mais pour passer du prototype à l’entreprise, il faut un apport de capital et le soutien d’un réseau. Le business angel favorise cette évolution. »

Contrairement à ce que l’on pense souvent, le BA apporte donc plus à l’entrepreneur qu’une solution de financement…

« Il est en général à l’origine du premier capital externe qui arrive dans l’entreprise, mais aussi des premiers conseils externes qui permettent de connecter les entrepreneurs à d’autres entrepreneurs et à d’autres personnes- ressources, telles que des avocats, des firmes spécialisées en RH ou des candidats qui peuvent répondre aux besoins auxquels les entrepreneurs n’ont pas accès. Le BA ne se limite donc pas à ouvrir son chéquier. »

Est-il malgré tout possible de réussir seul ou est-il indispensable de s’entourer ?

« On a beaucoup romantisé l’idée du génie seul dans son labo : Steve Jobs, Elon Musk… La réalité, lorsqu’on y regarde de plus près, c’est qu’il s’agit toujours de travaux d’équipe. D’ailleurs, selon la perspective de Graph Ventures, et de mon point de vue personnel, la seule chose sur laquelle les entrepreneurs ont véritablement du contrôle, c’est la formation de leur équipe. Personne ne peut tout connaître sur toutes les matières. Donc, si l’un des fondateurs d’une entreprise est un génie technique, il pourra s’associer par exemple à quelqu’un qui détient une grande expérience opérationnelle ou de vente. Plus on apporte de perpendicularité dans une équipe, plus on construit une fondation solide capable d’accueillir un énorme édifice. »

Plus on apporte de perpendicularité dans une équipe, plus on construit une fondation solide capable d’accueillir un énorme édifice.

En tant que BA, quels sont vos critères de sélection ?

« Nous recherchons des projets à fort potentiel de croissance. Nous ne nions pas du tout la valeur des petites entreprises, mais notre spécialité, ce sont les entreprises qui peuvent grandir et se multiplier en taille par un facteur de 100, voire plus. Une société dans lequel nous vivons a les moyens techniques de toucher énormément de monde avec d’une idée innovante : c’est elles que nous voulons encourager. Alors, nous n’avons en revanche pas d’approche sectorielle prédéfinie. Certains secteurs peuvent paraître tout à fait ridicules au premier abord et devenir une nouvelle norme au fil du temps. Nous donnons ainsi la chance à toutes les équipes de passer au prochain niveau en termes de croissance. »

Quels avantages tire Graph Venture du soutien apporté à telle ou telle entreprise ?

« Les business angels ne reçoivent pas de salaire. Nous passons du temps à rencontrer, écouter et questionner des entrepreneurs. Lorsque nous croyons en leur potentiel de réussite, nous investissons nos capitaux dans leur entreprise : nous achetons des actions qui, nous l’espérons, auront une croissance sur les prochaines années. Ce n’est qu’à ce moment- là, si l’entreprise rencontre un certain succès et qu’elle arrive à un moment de liquidités, qu’elle rentre en bourse ou est rachetée par exempel, que nous recevons une contrepartie financière. C’est pour cela que nous parlons de capital à risque. Nous prenons le risque avec l’entrepreneur de croire au potentiel de développement de son idée. »

Et d’un point de vue plus personnel ?

« Les membres de Graph Venture, eux-mêmes entrepreneurs, ont rencontré et résolu des tas de problèmes au cours de leur carrière. Ils sont donc en mesure de partager leur expérience. À côté de cela, nous nous enrichissons de la découverte de nouveaux domaines, d’une nouvelle idée qui ont souvent beaucoup de potentiel même si elles peuvent paraître loufoques ou naïves au début, comme le cas de Tesla avec ses voitures électriques, qui vaut aujourd’hui plus que la somme des 9 plus grands constructeurs automobiles réunis. C’est ça qui nous donne de l’espoir aujourd’hui : trouver les courbes exponentielles. C’est un peu cliché, mais c’est très vrai : dix pas linéaires font dix pas, mais dix pas exponentiels font quasiment le tour du monde. »

Vous investissez notamment dans de nombreux projets sociétaux. Quelles sont vos motivations ?

« Le XXe siècle a été l’élan du digital, de la découverte de ces technologies exponentielles. Au début, elles étaient employées pour créer des idées et des applications qui démontraient leur pouvoir sans vraiment résoudre de problèmes. On commence à se rendre compte aujourd’hui qu’on a entre les mains des outils d’une puissance phénoménale qui pourraient servir à résoudre des problèmes sociétaux phénoménaux. Ça commence à arriver, notamment dans le domaine du changement climatique. De plus en plus d’entreprises ont un impact sociétal fantastique et une performance financière qui permet des investissements à grande échelle. »

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Sébastien de Halleux, fondateur de Graph Ventures
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Si vous n’étiez pas entrepreneur et business angel, vous seriez...

« Chercheur ou explorateur, deux carrières qui se retrouvent, finalement. Chercheur en physique ou en chimie pour découvrir des phénomènes physiques innovants et des composés chimiques qui permettent des applications nouvelles. Explorateur pour tenter de voir ce qu’il y a de l’autre côté de l’horizon. Explorateur de l’Antarctique ou explorateur spatial.

25.03.2021
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