Interview par Bastien Craninx

Stéphanie De Bruyne: « Notre business model est basé sur la gratuité pour le citoyen. »

L’application simplifie la vie de ses utilisateurs tout en sécurisant leurs données au maximum. Retour sur une success story avec Stéphanie De Bruyne, la CEO.

Avec itsme, la Belgique est devenue un fleuron européen de l’identité numérique. Remarquablement, l’application est aujourd’hui utilisée activement par la quasi totalité des personnes qui l’ont installé sur leur téléphone.

En quoi l’application itsme a été une petite révolution dans le secteur financier ?

« Avant, pour s’identifier auprès de sa banque en ligne en toute sécurité, l’utilisateur devait avoir un lecteur de carte à sa disposition. itsme a rendu ce processus beaucoup plus pratique. L’application a permis d’établir un équilibre parfait entre trois facteurs : la sécurité, la facilité d’utilisation et le respect de la vie privée. Pour commencer, c’est un outil d’identification multifacteur qui combine un élément que l’on connaît (son code itsme) avec des éléments que l’on possède (son smartphone et l’appli itsme). Il ne faut plus introduire de codes bancaires sur un site, ce qui est plus sûr puisqu’aucune information personnelle n’est divulguée sur un site potentiellement frauduleux. Et c’est toujours l’utilisateur qui initie l’action. Deuxièmement, la facilité d’utilisation diminue drastiquement la barrière numérique auprès de certains utilisateurs. Enfin, en termes de respect de la vie privée, nous insistons très fort sur le contrôle du citoyen : il voit précisément les données qui seront partagées et ses données sont consultables à tout moment. »

En quoi avez-vous pu aider le secteur financier ?

« Au-delà des avantages cités plus haut, le secteur s’est également démarqué grâce à l’aspect collaboratif à la base du projet. Pour rappel, itsme est le fruit de l’alliance de quatre grandes banques belges (Belfius, BNP Paribas Fortis, ING, KBC/CBC) et de trois opérateurs Telecom (Orange Belgium, Proximus et Telenet). Ces partenaires ont réalisé qu’une collaboration était plus efficace que l’addition de 7 solutions individuelles sans concertation. Rappelons également que l’Etat détient 20% du capital d’itsme depuis l’année dernière, ce qui renforce la collaboration qu’on avait déjà avec le gouvernement belge depuis sa création. »

Le modèle développé en Belgique est tout simplement exemplaire.

Est-ce la même chose dans les autres pays européens ?

« Le contexte est fort différent dans les autres pays européens. itsme est l’une des seules applications développées par
le privé à répondre au niveau le plus haut de sécurité pour ce qui est des accréditations européennes (eIDAS) et à combiner 4 fonctionnalités (identification, authentification, confirmation et signature) en 1 appli. Souvent, dans les autres pays, les applications ne proposent pas la possibilité de s’identifier et de signer. De plus, il est rare d’avoir des applis qui soient actives tant dans le secteur privé que dans le secteur public.,Nos partenaires peuvent intégrer itsme pour digitaliser tous leurs processus sans crainte et sans devoir combiner plusieurs solutions. itsme est devenu une référence en termes de régulation européenne et de collaboration privé-public réussie. »

Nous sommes donc en avance au niveau européen…

« Le modèle développé en Belgique est tout simplement exemplaire. Il ne faut pas oublier que lorsqu’on gère des identités, une collaboration proche entre le privé et le public est importante. En tant qu’identité numérique, nous essayons également d’être en avance et de déplacer notre curseur vers d’autres enjeux de société, comme ceux soumis au RGPD. Nous avons par exemple lancé un site web à destination du grand public dans lequel nous avons tout simplement supprimé l’utilisation des cookies. Ce faisant, nous ne traquons personne et nous montrons qu’il est possible de respecter la vie privée de tous. »

En quoi la pandémie de Covid-19 vous a-t-elle aidé à vous développer ?

« Durant les deux années Covid, nous avons doublé en termes de volume et d’utilisateurs, même si nous étions déjà bien implanté auparavant. De 3 millions d’utilisateurs (avec 100 millions d’actions par an), nous sommes passés à 6,7 millions d’utilisateurs. L’accès que nous offrions vers toutes les plateformes digitales nécessaires durant la crise a évidemment renforcé notre rôle sociétal. Aujourd’hui, plus de 80% des adultes ont itsme sur leur téléphone et 95% d’entre eux l’utilisent activement. »

itsme

Cela fait-il de vous une entreprise rentable ?

« Pas encore, malheureusement. Nous venons de fêter nos 5 ans. Peu de sociétés tech sont déjà rentables en 5 ans. Nous continuons à investir en permanence dans les dernières technologies en termes de sécurité. En plus, notre équipe ne cesse de grandir afin de gérer le nombre croissant de sociétés adoptant itsme (800 partenaires). Au-delà de la rentabilité, nous disposons d’autres éléments pour mesurer notre succès, comme notre impact social. Notre business model est basé sur la gratuité pour le citoyen, le coût est supporté par les partenaires offrant itsme à leurs clients. L’application est donc gratuite pour le citoyen et nous ne traitons aucune de ses données commercialement. »

Comment voyez-vous le futur de itsme ?

« Au niveau géographique, nous sommes déjà actifs aux Pays-Bas et nous comptons bientôt nous implanter au Luxembourg. Concernant les autres pays, nous devons d’abord attendre que ceux-ci acquièrent la maturité numérique nécessaire. Le contexte dans lequel évolue chaque pays doit être favorable à notre implantation. »

Et qu’en est-il de l’évolution de votre offre de services ?

« Nous sommes déjà actifs dans de nombreux secteurs (assurance, santé, ressources humaines,…). Et nous souhaitons pouvoir apporter notre savoir-faire en ce qui concerne le portefeuille numérique à l’étude en ce moment. Ainsi, les données sensibles autres que les données d’identité, comme les données médicales, le permis de conduire, le certificat Covid ou encore les diplômes pourront être échangés numériquement et de manière parfaitement sûre et transparente pour le citoyen. Et ce, sans pour autant stocker toutes ces informations chez nous de manière centralisée. Notre rôle serait celui d’un coordinateur qui ferait le lien entre une organisation et la source de ces données tout en gérant le consentement des citoyens. »

Smart
fact

Quelle a été votre plus grande inspiration ?

« Je n’ai jamais eu de posters sur les murs de ma chambre. Mais j’ai toujours été fascinée par les gens passionnés par ce qu’ils font. Que ce soit des sportifs comme Nafissatou Thiam qui pulvérise des records ou des cuisiniers comme le chef Seppe Nobels qui donne sa chance à des demandeurs d’asile. Ces gens par- viennent à changer la donne dans leur travail en mettant le curseur à un autre niveau. »

15.12.2022
par Bastien Craninx
Article précédent
Article suivant