Le Tax Shelter : un mécanisme fiscal particulièrement efficace

Depuis vingt ans, la mesure fiscale soutient l’industrie cinématographique de notre pays tout en permettant à de nombreuses entreprises d’obtenir un avantage fiscal non négligeable. Décodage. 

Depuis 2003, une entreprise belge peut investir dans la production d’une œuvre audiovisuelle, scénique (depuis 2017) et, plus récemment (2023), vidéoludique en contrepartie d’un avantage fiscal. Ce mécanisme ingénieux qui fait la fierté de notre pays depuis plus de 20 ans a permis à toute une industrie de se développer. « Il est clair que sans cette source de financement, on ne sait pas à quoi ressemblerait le secteur », assure Martin Detry, directeur commercial de SCOPE Invest. Et pour cause, en 2021, le Tax Shelter contribuait pour 37% au financement de la production audiovisuelle en Fédération Wallonie Bruxelles. « Il en est actuellement l’une des plus importantes sources de financement », poursuit Pierre Philippe Hendrickx, avocat spécialiste en droit fiscal chez Nibelle & Partners. 

Mais comment ce mécanisme fiscal fonctionne-t-il, quel en est exactement l’avantage et pourquoi tant d’entreprises se lancent-elles dans l’aventure ? « L’avantage consiste en une exonération de bénéfices imposables à concurrence de 421% du montant investi », explique Pierre Philippe Hendrickx. « En d’autres termes, pour un investissement de 10.000€, l’investisseur bénéficie d’une exonération de 42.100€ ». Ce qui, au taux normal de l’impôt des sociétés (25%), génère une économie fiscale immédiate de 10.525€. La société de production peut également octroyer, à certaines conditions, une prime supplémentaire à l’investisseur et cette prime vient compléter l’avantage fiscal. « Il est tout de même important de noter que cet investissement se fait à fonds perdus et ne donne aucun droit aux recettes de l’œuvre ». 

L’exonération fiscale, quant à elle, ne peut excéder 1 million € ou 50% des bénéfices réservés imposables de l’exercice avant la constitution de la réserve immunisée. Ce qui, en combinant l’avantage fiscal et la prime octroyée par le producteur génère tout de même un rendement d’environ 13% nets sur 18 mois pour l’investisseur. « En fait, on pourrait dire que cette mesure remplace l’impôt. En effet, on substitue une partie de ses impôts en investissant dans un film, et au final cela coûte un peu moins cher à l’entreprise qui investit », résume très bien Martin Detry. On comprend dès lors l’intérêt et surtout le succès de cette pratique devenue monnaie courante en Belgique. 

Mais, malgré un bilan particulièrement positif, il ne faudrait pas oublier que le Tax Shelter est un investissement comme un autre. Et comme tout investissement, il comporte des risques. « La contrepartie au cadeau fiscal accordé par l’Etat est d’imposer à la société de production d’effectuer des dépenses en Belgique et dans un certain délai », poursuit Martin Detry. « Pour un euro levé via le Tax Shelter, le producteur a l’obligation de dépenser environ le double sur le territoire ».

C’est évidemment dans ce volet de la convention-cadre que l’Etat s’y retrouve budgétairement, ces dépenses générant de l’activité économique et donc des impôts, des cotisations sociales ou de la TVA. Cependant, il peut arriver que la société de production ne réalise pas l’ensemble des dépenses nécessaires dans les délais imposés (18 ou 24 mois selon le type de production). Ce qui peut poser des problèmes à l’investisseur. « Dans les quatre ans qui suivent la signature de la convention-cadre, les autorités vérifient que les dépenses ont bien été effectuées, mais également que l’œuvre a été réalisée », précise Pierre Philippe Hendrickx. « Si ce n’est pas le cas, l’avantage est réduit ou perdu pour l’investisseur ». Heureusement, des recours et des assurances sont possibles pour couvrir ces risques la plupart du temps. 

Alors si le 7ème art, les arts de la scène et le secteur du jeu vidéo vous tiennent à cœur, vous savez où placer votre argent.