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Mobilité

Transport fluvial : il faut convaincre les clients

14.09.2023
par Pierre Lagneaux

La Belgique a toujours su tirer profit de ses voies d’eau, qu’elles soient naturelles ou artificielles. Fort de ses sept ports fluviaux, dont celui de Liège, troisième d’Europe, le pays est devenu une plaque tournante du transport par voie d’eau.

Ce phénomène n’est pas nouveau, comme le souligne Philippe Portier, administrateur de Novandi : « La Meuse a toujours été une route utilisée pour le transport de marchandises, ce qui a permis l’essor du bassin liégeois. Ce mode de transport continue d’évoluer, notamment grâce aux travaux de modernisation des ouvrages par le SPW, qui ont notamment permis l’arrivée de bateaux de 9000 tonnes en Basse-Meuse. »

Au-delà de cet essor, le transport fluvial présente divers avantages. « Nos bateaux font entre 3.000 et 3.500 tonnes, poursuit Philippe Portier. Un camion, lui, fait 30 tonnes. Faites le calcul ! De plus, utiliser les voies d’eau pour descendre un container d’Anvers à Liège permet d’économiser 55 % de CO2. Nous atteignons déjà les objectifs 2030 en matière d’émission de gaz à effet de serre. » Des avantages qui permettent au secteur de se développer avec une progression annuelle estimée entre 5 et 8 %. « Nous ne transportons pas plus de marchandises qu’avant, mais nous les transportons différemment. Notre difficulté majeure pour attirer de nouveaux clients réside dans la résistance au changement des mentalités. En effet, bien qu’ils sachent que le camion pollue plus que le bateau ou le chemin de fer, il y a encore beaucoup de réticences de la part des gros chargeurs. Même si économiquement, le transport fluvial est au même tarif, voire moins cher, que le transport routier. »

Un opérateur comme Novandi doit donc convaincre ses potentiels clients dont la principale contrainte est le temps. « Beaucoup de clients travaillent dans l’urgence. Or, les navires maritimes arrivent parfois au port avec plusieurs jours de retard et nos bateaux chargés de 180 containers relient Anvers à Liège en 18 heures, alors qu’un camion chargé d’un seul container le fera en 3 heures. Par contre, le bateau navigue la nuit, donc s’il part d’Anvers à 20 h, le container sera disponible à Liège le lendemain en début d’après-midi. »

Aujourd’hui, même si on sait que le camion pollue plus que le bateau ou le chemin de fer, il y a encore beaucoup de réticences de la part des gros chargeurs.

– Philippe Portier, administrateur de Novandi

Bernard Piette, managing director de Logistics in Wallonia, nuance quelque peu : « Je n’aime pas cette opposition créée entre les différents modes de transport. Chacun doit faire ce pour quoi il est le plus adapté. Par exemple, le transport ferroviaire n’est pas rentable en dessous de 400 km, car il est relativement cher et requiert des volumes massifs. Il est aussi impossible de faire de l’e-commerce en utilisant le chemin de fer ou les voies fluviales. Ce qu’il faudrait, c’est fluidifier et faciliter le transfert d’un mode à l’autre. »

Rationaliser l’utilisation des modes de transport serait donc une solution, mais ce n’est pas encore le cas. Près de 80 % du transport se fait par camion, 12 % par les voies d’eau et les 8 % restants par train. « C’est systémique », souligne Bernard Piette. « Pour beaucoup d’entreprises, le transport de marchandises est considéré comme un facteur de coûts. Elles essaient donc de réduire ce coût au maximum pour que les consommateurs paient le moins cher possible leurs marchandises. C’est pourquoi le transport routier, bon marché et flexible, est le plus utilisé. »

Parallèlement au coût économique, l’impact écologique, avec les objectifs 2030, est à intégrer dans l’équation. « Dans le secteur du transport, atteindre ces objectifs sera difficile, voire très difficile », constate Bernard Piette. Une multitude de solutions existent, comme l’intensification du fluvial et du ferroviaire. Il faut aussi optimiser les transports. Enfin, il y a l’utilisation des motorisations alternatives. D’un point de vue législatif, la Commission européenne souhaite introduire un prélèvement kilométrique, comme c’est déjà le cas en Belgique, afin de rendre le transport par camion moins attractif. Mais il ne faut pas bouleverser le business des entreprises du secteur, qui sont aussi des acteurs économiques. L’objectif serait de favoriser le transfert vers d’autres modes de transport qui, de leur côté, doivent aussi travailler leur optimisation et leurs coûts. »

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